Nicolas Sarkozy a été placé en garde à vue hier par la justice française dans le cadre d'une enquête ouverte notamment pour trafic d'influence présumé. Il s'agit d'une première pour un ancien président français. Cette garde à vue survient au moment où les rumeurs sur la volonté de M. Sarkozy de renouer avec la vie politique, et de reprendre à l'automne la tête du parti conservateur UMP, se font de plus en plus précises. L'ancien chef de l'Etat est arrivé tôt mardi matin, dans une voiture noire aux vitres teintées qui s'est engouffrée dans le parking de la direction centrale de la police judiciaire, à Nanterre, dans la banlieue ouest de Paris. Une source anonyme au parquet a ensuite indiqué que l'ex-président a été placé en garde à vue. Nicolas Sarkozy, 59 ans, et avant lui l'ancien président Jacques Chirac, ont pu être inculpés dans des affaires judiciaires, mais jamais une garde à vue n'avait été organisée. Les gardes à vue de son avocat Me Thierry Herzog, et de deux magistrats de la Cour de cassation, Gilbert Azibert et Patrick Sassoust, entendus depuis lundi par les policiers, ont été prolongées de 24 heures.
Campagne 2007 en cause Ils cherchent à établir si l'ex-président a œuvré pour obtenir des informations sur une décision de justice le concernant, auprès du magistrat de haut rang Gilbert Azibert, en échange de la promesse d'un poste de prestige à Monaco. L'affaire a débuté au printemps 2013. Plusieurs proches de Nicolas Sarkozy ont été placés sur écoute dans l'enquête sur les accusations de financement, par la Libye de Mouammar Kadhafi, de la campagne présidentielle victorieuse de M. Sarkozy en 2007. L'un d'entre eux, Michel Gaudin, ancien patron de la police nationale et ex-préfet de police de Paris, tient plusieurs conversations qui interpellent les enquêteurs. Il semble en effet tenter de se renseigner sur l'enquête libyenne auprès du patron du renseignement intérieur Patrick Calvar.
"Paul Bismuth" sur écoute Les juges décident alors de placer aussi l'ex-président de la République sur écoute, notamment le téléphone qu'il utilise sous le nom d'emprunt de "Paul Bismuth" pour converser avec Me Herzog. Or, des échanges entre les deux hommes peuvent laisser croire qu'ils ont cherché à obtenir des informations auprès de Gilbert Azibert sur une décision cruciale attendue dans une autre procédure, l'affaire Liliane Bettencourt. Nicolas Sarkozy a bénéficié d'un non-lieu dans cette affaire d'abus de faiblesse présumé aux dépens de la milliardaire française. La teneur des échanges de M. Sarkozy avec son avocat portait sur les agendas de l'ex-président saisis dans l'affaire Bettencourt. La justice a choisi de garder ces documents qui pourraient servir dans d'autres enquêtes. Dans le dossier qui vaut sa garde à vue à Nicolas Sarkozy, les policiers vont pouvoir entendre l'ex-président pour une durée de 24 heures, renouvelable une fois. A l'issue de cette mesure coercitive, le chef de l'Etat peut être relâché sans poursuites ou présenté à un juge d'instruction qui peut l'inculper.
Encore une enquête Les obstacles judiciaires se multiplient sur la route du retour de Nicolas Sarkozy. Le parquet de Paris a en effet confié à des juges financiers une enquête pour "faux et usage de faux", "abus de confiance" et "tentative d'escroquerie" sur le financement de sa campagne présidentielle de 2012. Ses meetings semblent avoir été en grande partie financés par l'UMP afin de masquer un dépassement du plafond autorisé. Les policiers s'interrogent en outre sur la légalité de contrats conclus entre l'Elysée et neuf instituts de sondage sous le quinquennat Sarkozy.