Ségolène Royal, numéro trois du gouvernement, n'exclut pas de fermer d'autres réacteurs que ceux de Fessenheim pour parer au coût économique et social qu'aurait une fermeture de la doyenne des centrales françaises, ébranlant une promesse électorale phare de François Hollande. Un rapport présenté la semaine passée par les députés Hervé Mariton (UMP) et Marc Goua (PS) évalue à 5 milliards d'euros le coût d'une fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin) à la fin 2016, "sans même commencer le démantèlement". Ce montant inclut l'indemnisation de l'exploitant EDF, évaluée par le rapport à 4 milliards d'euros, mais aussi "les impacts sur le territoire, sur l'emploi, sur les finances des collectivités locales concernées, sur le réseau électrique, sur la balance commerciale, et sur l'image de l'industrie nucléaire". Le rapport prévoit un impact direct sur près de 2 000 emplois et, "à l'heure où la contrainte budgétaire est forte", préconise de reporter la décision de fermeture de cet "outil rentable économiquement et techniquement sûr". Le projet de loi sur la transition énergétique, qui arrive mercredi à l'Assemblée nationale, prévoit de plafonner la capacité nucléaire de la France à 63,2 gigawatts, ce qui implique de devoir fermer des réacteurs pour compenser la mise en service de l'EPR de Flamanville, prévue en 2016. Mais le cas de Fessenheim n'y est pas abordé spécifiquement, alors que le président s'était pourtant engagé à fermer cette centrale d'ici 2016, comme il l'avait promis avant son élection. Si elle juge le montant de 5 milliards "farfelu", la ministre de l'Ecologie et de l'Energie a toutefois laissé entendre que la fermeture de la doyenne des centrales, longtemps justifiée par des raisons de sécurité puis présentée comme un gage de la transition énergétique, n'est pas forcément opportun sur le plan économique et social. "Il y a eu 500 millions d'euros d'investissements sur Fessenheim", a-t-elle dit sur France Inter, précisant être "dans un dialogue avec l'entreprise (EDF) par rapport au choix le plus judicieux" en matière de réacteurs à fermer. Ce choix se porterait sur "les deux réacteurs qui coûtent le plus cher en termes d'investissements pour être remis aux normes". Le rapport parlementaire évalue à 200 millions d'euros par an la rentabilité annuelle de la centrale de Fessenheim, soit un gain de 4,8 milliards d'euros pour EDF sur la période 2017-2040.
Discussions avec EDF "Si la gouvernance d'EDF a une proposition plus judicieuse que celle de fermer Fessenheim, je regarderai cette proposition puisque c'est comme ça qu'on gère intelligemment les choses, en dehors de toute idéologie", a assuré Ségolène Royal. "Bien évidemment, ma préférence va vers la fermeture de réacteurs sur un site où il y a plus de deux réacteurs parce que ça évite la fermeture complète d'un site industriel", a-t-elle ajouté. La centrale de Fessenheim compte deux réacteurs de 900 mégawatts, exploités avec la participation financière de partenaires allemand et suisses à hauteur de 32,5%. La ministre de l'Ecologie avait déjà reconnu, dimanche, que le sort de la centrale de Fessenheim n'était pas tranché. Le texte de loi sur la transition énergétique n'aborde pas spécifiquement le cas de la centrale alsacienne, et ne dote pas non plus l'Etat du pouvoir de fermer une centrale: la décision revient à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour des raisons de sécurité, ou à leur exploitant EDF, détenu à 84,5%. Des discussions sont en cours avec l'énergéticien, qui n'a pas souhaité faire de commentaire. Le rapport n'a pas manqué de relancer la bataille d'arguments entre partisans et opposants à Fessenheim. "Ce serait intelligent qu'Hollande revienne sur cette idée qui est une absurdité écologique, économique et un scandale budgétaire", a insisté M. Mariton sur Radio Classique. "Et que représentent les coûts de l'arrêt face à ceux d'un accident qui obligerait à évacuer la région'", a rétorqué le réseau "Sortir du nucléaire". Pour Christoper Dembik, analyste chez Saxo Banque, le gouvernement essaie surtout "de jouer contre la montre" avant de trancher, face aux lourds enjeux politiques et économiques du dossier. Mais, souligne Myriam Cohen du bureau de recherche AlphaValue, "à un moment donné, il faut prendre position" car "on n'entretient pas une centrale de la même façon selon qu'elle sera fermée ou non". EDF prévoit ainsi d'investir 55 milliards d'euros pour maintenir et de moderniser ses 58 réacteurs nucléaires français à l'horizon 2025 pour pouvoir prolonger leur durée de vie au-delà de 40 ans.