Démantèlement, investissements de sûreté, durée de vie des centrales : la commission d'enquête parlementaire sur le coût du nucléaire a fait part mardi de sa préoccupation, alors que la loi sur la transition énergétique doit préciser l'avenir de la filière. Rappelant que l'objectif de la commission n'était pas d'être pour ou contre le nucléaire, le président de la commission d'enquête, le député (PS) François Brottes, a estimé qu'il n'y a pas de coût caché du nucléaire même s'il y a des coûts non précisés. Parmi ceux-ci, la commission évoque dans son rapport publié mardi les difficultés d'évaluation des coûts de production de l'électricité issue des réacteurs de 3ème génération, dont l'EPR en construction à Flamanville (Manche), rejoignant ainsi le rapport de la Cour des comptes publié fin mai qui révélait même une augmentation de 20% entre 2010 et 2013 du coût de production moyen des 19 centrales françaises. Le rapport note également les cas de sous-évaluation des devis concernant le démantèlement en cours d'une trentaine d'installations nucléaires désaffectées, ou encore un coût qui varie du simple au double pour le projet Cigeo d'enfouissement profond des déchets les plus radioactifs à Bure (Meuse). L'un des éléments clés pour évaluer ces coûts est la durée de vie des 58 réacteurs français. Alors qu'elle est aujourd'hui fixée théoriquement à 40 ans, EDF souhaite qu'elle soit allongée à 50 ans. Cela permettrait de lisser dans le temps le coût des investissements prévus dans le parc nucléaire, dont le plan dit de grand carénage, qui comprend des travaux de maintenance et de modernisation pour 55 milliards d'euros d'ici 2025 selon EDF. La Cour des comptes a elle évalué à 110 milliards d'euros l'impact des investissements nécessaires d'ici 2033. Lors de la présentation du rapport au président de l'Assemblée nationale, le député Denis Baupin (EELV), rapporteur de la commission, a appelé le gouvernement à prendre des décisions estimant qu'il est indispensable que l'autorité politique prenne sa responsabilité, on ne peut pas rester dans une situation de non décision. Dans leur rapport, qui contient 16 recommandations, les députés estiment que la loi sur la transition énergétique, dont Ségolène Royal, ministre de l'Ecologie et de l'Energie, doit annoncer prochainement les grandes lignes, en est évidemment l'occasion. La commission estime de manière plus générale que l'Etat doit se doter d'outils et d'instances d'expertises globales de la politique énergétique et nucléaire, notamment pour améliorer la connaissance et la transparence sur les questions de sûreté.
Un document militant pour l'UMP Pour Yannick Rousselet, chargé de la campagne nucléaire de Greenpeace France, les travaux de cette commission confirment les risques économiques et les incertitudes liées à la prolongation du nucléaire en France, et il appelle le gouvernement à faire en sorte de pouvoir plafonner à 40 ans la durée d'exploitation des réacteurs. Sur la fermeture de la centrale de Fessenheim, annoncée d'ici 2016 par le président de la République, François Hollande, sans se prononcer sur sa pertinence, la commission a pointé le besoin impérieux de dialogue au niveau local. Le démantèlement d'une centrale entraînerait en effet des conséquences sur l'emploi et l'approvisionnement énergétique des territoires, même si la commission ajoute qu'il peut être un élément de diversification pour la filière et ses industriels. La commission note par ailleurs que cette stratégie de diversification, déjà entamée par les énergéticiens qui développent les énergies renouvelables, doit être favorisée. Là encore l'Etat, notamment actionnaire d'EDF à 84%, doit exercer sa pleine responsabilité en ce sens. Ce rapport de plus de 200 pages, adopté jeudi dernier lors d'une réunion à huis clos, suscite déjà des oppositions puisque, dans une contribution séparée, les députés UMP affirment ne pas cautionner les travaux de la commission, constituée à la demande du groupe écologiste à l'Assemblée nationale, qu'ils dénoncent comme un manifeste anti-nucléaire et un document militant.