Suite à mes précédentes contributions , je livre une contribution cruciale pour l'avenir du pays à savoir la problématique de l'emploi et des salaires en trois parties : analyser la situation de l'emploi en Algérie ; deuxièmement l'évolution du taux de chômage ; troisièmement diagnostiquer la politique salariale actuelle et montrer le danger d'une dévalorisation du savoir pour terminer par mettre en relief l'urgence de réorienter toute la politique économique et sociale actuelle. 1. Dominance des emplois rentes On ne peut comprendre la politique salariale et par là de l'emploi sans analyser l'évolution de la population algérienne qui a évoluée d'une manière significative de 1991 à 2006. La population est passée de 25 millions d'habitants en 1991 plus de à 33 millions avec un accroissement substantiel de la population active passant de 6 millions à plus de 9,50 millions avec une demande d'emplois annuelle entre 450.000/500.000 qui s'ajoute au stock de chômage, montant minimisant d'ailleurs la demande féminine où le nombre de réussite aux baccalauréats 2005/2006 le nombre de filles est supérieur aux garçons. Et ce avec une concentration dans les grandes wilayas comme ALGER-CONSTANTINE-ANNABA-ORAN, cette tendance à la forte urbanisation étant dangereuse car elle a un coût social important sans compter les effets néfastes : abandon de l'agriculture prostitution, délinquance, construction anarchique avec les risques de maladies divers. D'où l'urgence d'un espace maîtrisée passant par une autre politique de la ville bien que les dernières statistiques montrent clairement qu'après un flux important des populations de la campagne vers les villes du à la période du terrorisme, nous assistons à un retour vers la terre à partir de fin 2000. Concernant précisément l'emploi, il s'établit approximativement comme suit courant 2006 : 8 millions d'employés ventilés ainsi- a) employeurs- indépendants 2,2 millions-b) fonctionnaires 1,5 million y compris DGSN non compris ANP) emplois permanents dans le secteur économique 1,6 million -d) emplois temporaires dans le secteur économique 2,7 millions. En valeur relative, et d'une manière plus fine , rapporté au total (100%) , l'agriculture passe de 24% en 1991 à du aux effets du terrorisme à 17% en 2006,bien qu'évoluant positivement en termes du nombre si l'on prend l'indice 100= 1999 ; l'industrie y compris les hydrocarbures stagne de 14% même taux en 1991 et en 2006,( avec une baisse en valeur absolue ) le BTPH de 14 à 16%,le commerce -services -administration de 48% à 55% . Autre indicateur intéressant le rapport secteur privé/public hors hydrocarbures dans l'emploi donne -agriculture 98%-industrie = 63% et -BTP commerce/services plus de 90%. Nous aurons une moyenne globale de 63,2% y compris la sphère informelle qui draine 40% de la masse monétaire en circulation qui représente plus du 1/3 des emplois du secteur privé En effet, le secteur privé national connaît un accroissement important dans le PIB total passant de 39% en 1991 à plus de 50% en 2006 hors hydrocarbures étant localisé surtout dans l'agriculture, les services- commerce et depuis les plans de relance dans le BTPH ayant délaissé du fait de la concurrence fortement le segment industrie , excepté les matériaux de construction.. Mais son organisation est de types familiaux. Combien compte-on de sociétés privées par actions ? Le constat est que le nombre est presque nul. Par ailleurs, majoritairement, il est fortement imbriquées dans le système administratif lieu de relation de clientèles et donc n'est pas autonomes, trouvant sa prospérité ou son déclin dans la part des avantages financiers, fiscaux, les parts de marché auprès des entreprises publiques et des administrations. Toujours dans ce cadre, il convient de préciser qu'au niveau de la rubrique administration- services commerce, ce n'est pas tous des emplois créateurs de valeur ajoutée assistant également à des sureffectifs dans le secteur économique. Si nous prenons le ratio de 20% des sureffectifs dans le secteur économique public et dans l'ensemble de l'administration pour les permanences, la distribution de salaires pour les segments utiles devient dérisoire expliquant fondamentalement la faiblesse de la valeur ajoutée et le désintérêt pour la valeur travail. Concernant précisément la fonction publique, ( y compris DGSN non compris - l'ANP ) le nombre de fonctionnaires est d'environ 1.500.000 et non compris les contractuels et vacataires approche actuellement 1.300.000( pour rappel environ 680.000 fonctionnaires au Maroc et 350.000 en Tunisie). Sectoriellement l'effectif de la fonction publique est ventilé comme suit :-APC = 12,6%-administration centrale 13,7%-services déconcentrés (exécutif de wilaya) 50,9%, ratio le plus élevé du fait de la non rationalisation de ces directions : Ainsi la dernière anomalie en date on ajoute à la direction industrie sous utilisée une direction de la PMI/PME sans compter la direction du tourisme et de l'artisanat ; enfin les établissements publics à caractère administratif totalisent 22,8%. Concernant l'encadrement, catégories 15 et plus cadres supérieurs de l'Etat, il représente seulement 19,3% ; les réseaux intermédiaires maîtrise (catégories 11/14) 34,6% et le chiffre faramineux de l'exécution qui est d'environ 46,1%. Car le paradoxe est qu'un ingénieur pour le même niveau recruté dans une administration pour la même formation peut toucher deux fois moins que le secteur économique, l'écart entre cet ingénieur et une femme de ménage à Sonatrach étant très faible (nivellement par le bas du fait du statut inadapté de la fonction publique). 2. Quelle est l'évolution du taux de chômage ? D'une manière générale concernant ce problème complexe, force est de constater que la propension du gouvernement à présenter des chiffres attestant de l'amélioration nette et constante du niveau de vie des Algériens et de la baisse du taux de chômage est contredite tant par la réalité que la majorité des experts. Certes, cela est lié à l'effritement du système d'information et la définition du chômage qui est souvent ambiguë. Selon les données officielles, le taux de chômage (l'officiel comptabilisant la sphère informelle) est passé de 29% en 2000 pour retomber à 15% en 2005 et 12,5% en 2006. Comment cela a pu être avec un taux de croissance faible surtout en 2006 et certainement en 2007 contredisant les lois élémentaires de l'économie ? D'ailleurs le rapport du Fonds Monétaire International (FMI) du 3ème trimestre 2007 soutient que le taux de chômage en Algérie est supérieur à 20% si l'on soustrait la sphère informelle. Par ailleurs, il faut signaler que le chômage frappe les personnes mal formées et récemment massivement les diplômés de l'enseignement supérieur montrant à la fois un ralentissement de l'activité économique, l'inadaptation de l'appareil économique aux nouvelles mutations. En effet, l'emploi précaire a progressé de plus de 20% entre 2003/2006, et les lexpériences de la CNAC pour les diplômés chômeurs étant décevante moins de 6000 entreprises créées (bilan au 01 janvier 2006).Quant à l'ANSEJ depuis sa création à ce jour son bilan est également mitigé malgré les nombreux avantages accordés. Concernant le secteur public économique, à fin 2006, nous avons ;plus de 70% des entreprises publiques déstructurées sur les 1255 et seules 365 ont un actif net supérieur au quart de leur capital social et une trésorerie supérieure à un mois de leur chiffre d'affaires ; les dettes à court terme représentent les 2/3 de leur endettement et ces EPE pèsent moins de 10% de la valeur ajoutée de l'économie nationale. Et en termes d'emplois, nous avons 335.000 salariés sur 710.000 de l'ensemble du secteur économique public (EPE- secteur de l'énergie et es hydrocarbures EPIC) et les principaux indicateurs chiffre d'affaires, productivité, emploi régressent d'année en année. Or, si la croissance n'est pas reprise par les entreprises, à la fin de l'épuisement des ressources dégagées par le plan de soutien à la relance économique des dizaines de milliers de femmes et d'hommes transitoirement employés seront au chômage. Cette situation de panne dans la réforme globale liée d'ailleurs essentiellement à la mauvaise gouvernance explique que l'Algérie dans les rapport 2006 du PNUD est classée à la 102 ème position sur un total de 177 pays, améliorant timidement sa position par rapport à 2005(103 ème) au niveau de l'indice du développement humain plus fiable que le PIB par tête d'habitant, introduisant les indicateurs sociaux. Si l'on prend l'IRH hors hydrocarbures, la position reculerait d'environ de 20 points la ramenant à la 153 ème position sur 177 soit parmi les pays les pauvres de la planète. Cela explique également la nette détérioration du pouvoir d'achat ( le Smig étant à 110 euros contre une moyenne de 150/200 au Maroc et en Tunisie avec une dominance de l'informel au Maroc)) et ce malgré les actes de solidarité par la création de faux emplois à des salaires bas et paradoxalement la crise du logement, permettant à une famille de disposer de plusieurs revenus reportant dans le temps provisoirement les tensions sociales, ce d'autant plus que nous assistons à un endettement croissant des ménages ( prêts logements, voitures, électroménagers qui amenuisent leurs revenus à terme). Aussi en fin de parcours jamais la société algérienne n'a connu depuis l'indépendance politique une accumulation d'avatars qui traduit l'inefficacité institutionnelle , conséquences cumulées des pratiques depuis de longues décennies : aisance financière inégalée, corruption socialisée,ralentissant le développement, d'autant plus qu'il " est universellement démontré qu'existe un lien dialectique entre bonne gouvernance économique et politique (dont la lutte contre la corruption) qui permet le développement avec un retour d'investissement à moyen terme de l'ordre de 300% et donc l'amélioration du niveau de vie de la majorité " selon Daniel Kaufmann un des plus grand expert mondial ; accroissement de la sphère informelle dominante, produit de la bureaucratie et des dysfonctionnements des structures de l'Etat que l'on doit intégrer intelligemment loin des mesures bureaucratiques, contrôlant plus de 40% de la masse monétaire en circulation ; exode des cerveaux, amplification au début des hitistes, désignés comme ces jeunes qui rasent les murs (H) ensuite des harragas(H) où ces jeunes jouent avec la mort quotidiennement en pleine mer ; réapparition des maladies anciennes ; un système de santé dont la gestion est défectueuse fonctionnant selon des relations de clientèles ,donc une privatisation réelle ; un système de sécurité sociale et de retraite qui risque l'implosion en cas de chute des recettes des hydrocarbures, un accroissement des paniers destinés aux plus pauvres à l'approche de chaque ramadhan étalés en plein public , sans décence par les pouvoirs publics alors qu'il faille respecter la dignité humaine ; une importation de médicaments dépassant un milliard de dollars US moyenne 2005/2006 , consommation une des plus forte par tête d'habitant au niveau mondial suppléant à la carence alimentaire, , avec l'envolé des prix des denrées nécessité d'autant plus que selon l'enquête du CNEAP, (septembre 2006) le ménage moyen algérien consacre plus de 58,22% de son budget aux dépenses alimentaires dont seulement 10% pour la viande montrant un déséquilibre nutritionnel pour l'équilibre du corps humain ; où est donc le bilan du programme national du développement agricole PNDA avec 3,5 milliards de dollars US en 2006 de facture alimentaire contre 2 milliards en 1990 ; un système socio-éducatif de mauvaise qualité fabricant des chômeurs, la détérioration du pouvoir d'achat, le sport étant en stagnation, la culture en hibernation, segments qui sont le signe de vitalité de toute société malgré des dépenses monétaires importantes. Toute cette situation est imputable aux mauvaises prévisions ou la non prévision du tout, les Gouvernements successifs gérant les affaires courantes en fonction de l'évolution du prix du pétrole, car après une demande sociale compressée depuis la crise de 1986 et des évènements tragiques qu'a vécus l'Algérie entre 1990/2000, il fallait s'attendre logiquement à son expansion. Ces tensions sociales s'accroissent avec une arrivée de 450.000/500.000 demandes d'emplois chaque année qui s'ajoute au stock actuel du taux de chômage. Or le taux d'emploi est fonction du taux de croissance et des structures des taux de productivité. On ne peut assister à une baisse du taux de croissance à une concentration excessive du revenu au profit d'une minorité rentière, et paradoxalement affirmer que le taux de chômage diminue ou que le pouvoir d'achat de la majorité de la population algérienne augmente. Les réserves de change ne sont qu'un signe monétaire permettant de stabiliser la monnaie par rapport au dollar et à l'euro et non signe de développement. Méditons les expériences du syndrome hollandais (aisance financière et corruption généralisée) et la Roumanie de l'ère communiste avec une dette extérieure égale à zéro mais une économie en ruine. Docteur Abderahamane MEBTOUL * Expert International NB-) synthèse de l'audit sur l'emploi et les salaires : propositions pour une nouvelle politique salariale, audit réalisé sous la direction du docteur Abderrahmane Mebtoul(Alger 6 volumes 2006 750 pages ) -