Le gouvernement britannique a demandé l'assentiment de Bruxelles à sa volonté de se doter d'une action spécifique, ou golden share, dans la centrale nucléaire d'Hinkley Point C, projetée par EDF et des partenaires chinois dans le sud-ouest de l'Angleterre, a-t-on appris. Dans une réponse écrite à une question d'un député, mise en ligne fin février et relevée par le quotidien The Independent dans son édition de jeudi, le secrétaire d'Etat à l'Energie, Matthew Hancock, a confirmé la tenue de discussions à ce sujet avec la Commission européenne. Des responsables du ministère de l'Energie et du changement climatique ont eu des discussions préliminaires avec la Commission sur la possibilité d'une action spécifique (ou golden share) pour le projet Hinkley Point C. Tout accord sera conçu de manière telle à respecter complètement la législation européenne, a-t-il déclaré. Le ministre de l'Energie, Ed Davey, a lui-même annoncé en janvier que le gouvernement voulait se doter d'une telle action spécifique dans le consortium qui mène le projet, afin de garantir ses intérêts en matière de sécurité nationale. Le géant français de l'électricité EDF espère prendre d'ici fin mars une décision finale d'investissement pour ce projet de 16 milliards de livres (21 milliards d'euros, sans compter le coût du financement). Il prévoit la construction de deux réacteurs de nouvelle génération EPR conçus par Areva à Hinkley Point (sud-ouest de l'Angleterre). Le schéma actuel attribue 45 à 50% de la centrale à EDF, contre 30 à 40% pour ses alliés chinois CGN et CNNC et 10% pour le concepteur du réacteur, le groupe français Areva. Des sources industrielles avaient toutefois indiqué en novembre que le producteur saoudien d'électricité Saudi Electricity Co. discutait d'une éventuelle prise de participation minoritaire. Selon l'Independent, ce projet d'attribution d'une action spécifique au Royaume-Uni pourrait constituer une nouvelle embûche pour la centrale d'Hinkley Point C, qui fait déjà face à plusieurs obstacles. Greenpeace Energy, fournisseur allemand d'électricité verte affilié à l'ONG Greenpeace, a indiqué mercredi qu'il allait contester en justice le feu vert accordé par Bruxelles aux aides publiques dont la centrale doit bénéficier. Le courant produit à Hinkley Point C bénéficiera d'un prix de rachat garanti, une disposition normalement réservée aux énergies renouvelables et qui suscite aussi l'ire de l'Autriche, farouchement anti-nucléaire. Vienne prévoit de déposer une plainte dès que possible, ce qui jette une sérieuse ombre sur la relation austro-britannique. Une action spécifique est un dispositif qui peut permettre à un Etat de s'arroger un droit de veto sur certaines questions stratégiques dans une entreprise, comme un changement de propriétaire, au nom de l'intérêt national, dans des secteurs sensibles comme la défense ou l'énergie. Mais ce système est très encadré par le droit européen.