Les entreprises américaines ont repris un rythme solide et rassurant d'embauches en avril après l'hiver brutal qui a fait caler l'économie au premier trimestre mais pas assez toutefois pour entraîner une hausse imminente des taux d'intérêt. L'activité économique a généré 223 000 emplois en avril alors que la prévision des analystes était de 218 000 créations nettes. Le taux de chômage a glissé d'un dixième de point à 5,4%, indique le ministère du travail. C'est son niveau le plus bas depuis mai 2008. Mais au-delà de la virgule, il n'a en fait que peu changé, passant de 5,465% en mars à 5,443% en avril à la faveur de 26 000 chômeurs de moins (8,549 millions). Ce rebond des créations d'emplois est rassurant pour ce début de 2e trimestre après l'abrupte décélération de la croissance au cours des trois premiers mois de l'année (+0,2% en rythme annualisé, au lieu de 2,2% au 4e trimestre) en raison du climat hivernal rigoureux notamment. Il est toutefois terni par la révision en forte baisse des créations d'emplois en mars. Celles-ci ne sont plus que de 85 000 contre 126 000 pour la première estimation, la plus mauvaise performance depuis juin 2012. La Maison Blanche était d'ailleurs prudente dans sa réaction vendredi en signalant que si ce rapport sur l'emploi reflétait "la poursuite de la reprise", les créations d'emplois d'avril "étaient probablement dopées par un rebond temporaire après le climat hivernal".
Ni trop chaud, ni trop froid "C'est ni trop chaud, ni trop froid", résumait Michael Gapen, économiste pour Barclays Resarch soulignant que si ce rapport "réduit les inquiétudes" d'un ralentissement prolongé de la croissance, "il n'est toutefois pas assez fort pour modifier les attentes des marchés sur une première hausse des taux" de la Réserve fédérale (Fed) qu'il ne prévoit qu'en septembre. Même son de cloche chez HFE Notes, où l'économiste en chef Jim O'Sullivan trouve ce rapport "beaucoup mieux qu'il y a un mois mais un peu décevant". Il assure que ces chiffres vont "conforter la Fed dans l'idée de relever les taux cette année mais pas avant septembre". Le Comité monétaire de la banque centrale américaine se réunit deux fois avant cela, les 16 et 17 juin ainsi que fin juillet. Rassurée sur la santé de l'économie sans être inquiète d'une trop proche hausse des taux, Wall Street a réagi très positivement à ces chiffres, l'indice Dow Jones gagnant presque 1,5% en milieu de séance. Au cours des trois derniers mois, le rythme des créations d'emplois s'est néanmoins nettement ralenti avec 191 000 nouvelles embauches mensuelles contre plus de 300 000 à la fin de l'année de dernière. "Ne vous attendez-pas à ce que l'on revienne à ce rythme", avertissait Harm Bandolz d'Unicredit, affirmant que désormais des gains mensuels autour de 220 000 étaient en accord avec une expansion de l'économie de 2,5% à 3% pour le reste de l'année. En avril, le regain d'embauches s'explique partiellement par un rebond technique comme dans le bâtiment qui, typiquement, a été affecté par le mauvais temps hivernal (+45 000 en avril après -9 000 le mois d'avant). Si les services aux entreprises et le secteur de la santé se sont bien comportés, l'industrie manufacturière est à peine sortie du rouge (+ 1 000 emplois), probablement impactée par le dollar fort qui rend les exportations américaines moins compétitives. Mais surtout, les bas prix du pétrole ont continué de pénaliser l'industrie extractive qui a encore débauché 15 000 personnes le mois dernier et près de 50 000 depuis quatre mois. Autre signe qui plaide pour un peu plus de patience de la part de la Fed, la hausse des salaires, qui pourrait nourrir l'inflation, est restée basse. Le salaire horaire moyen n'a gagné que 0,1% sur un mois et 2,2% sur un an. Alors qu'à cause des bas prix des carburants l'inflation est quasi-nulle sur un an (0,3%, selon l'indice PCE), cela représente une petite augmentation nette du pouvoir d'achat sur douze mois.