Des affrontements entre l'armée syrienne et les combattants de l'Etat islamique se sont déroulés hier à proximité de la citadelle antique de la cité de Palmyre. Celle-ci est la cible d'une offensive d'envergure lancée par les djihadistes. Selon l'observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), une organisation basée à Londres, les combattants de l'EI ont exécuté vendredi 23 personnes, dont neuf mineurs et cinq femmes, dans des zones qu'ils contrôlent à l'extérieur du site classé au patrimoine mondial de l'Unesco. Il s'agit de la deuxième série d'exécutions collectives rapportée cette semaine par l'OSDH dans cette zone située à près de 240 kilomètres au nord-est de Damas. Lors de la première, 26 hommes ont été tués, par décapitation pour dix d'entre eux.
L'armée bombarde les positions de l'EI L'armée syrienne a lancé des raids aériens contre les positions tenues par l'EI. Selon Rami Abdelrahmane, qui dirige l'OSDH, les deux camps s'affrontaient hier près d'un bâtiment des services syriens du renseignement situé à Palmyre. Des combats ont également lieu près d'un gisement gazier situé à l'est de Palmyre. Palmyre, aujourd'hui appelée Tadmor, est l'un des sites archéologiques les plus riches du monde antique. La cité a été placée en 2013 sur la liste de l'Unesco du patrimoine mondial en péril. S'il était capturé par l'EI, ce site risquerait de subir le sort d'autres sites historiques saccagés voire détruits par les djihadistes sunnites. L'EI a diffusé cette année plusieurs vidéos dans lesquelles certains de ses membres mettent à sac les cités historiques de Ninive, Nimrod, Hatra ou encore de Khorsabad, célèbre pour ses immenses statues de taureaux androcéphales ailés.
Unesco très inquiète La ville intra-muros compte près de 35 000 habitants et déplacés qui s'y sont installés depuis le début du conflit il y a quatre ans. Au total, plus de 100 000 personnes peuplent la région de Palmyre, selon l'OSDH. "Nous sommes très inquiets", a affirmé de Beyrouth Irina Bokova, directrice générale de l'Unesco, qui a inscrit en 1980 le site sur la liste du patrimoine de l'Humanité. Elle a appelé "toutes les parties prenantes à protéger" cette oasis, évoquant de précédentes destructions par l'EI de trésors archéologiques en Syrie et en Irak. L'EI s'est vanté ces derniers mois d'avoir détruit ou endommagé plusieurs grands sites archéologiques, notamment ceux de Nimroud et de Hatra en Irak.
Avancée en Irak A plusieurs centaines de kilomètres à l'est de Palmyre, l'EI a hissé vendredi son drapeau sur le gouvernorat de Ramadi, chef-lieu de la province irakienne d'Al-Anbar situé 110 kilomètres à l'ouest de Bagdad. Les djihadistes ont revendiqué la prise de la ville via les haut-parleurs des mosquées. Dans son bulletin radiophonique quotidien, l'EI a affirmé avoir tué 13 soldats près de Ramadi et exécuté 14 combattants tribaux sunnites dans le centre-ville. Les combats se poursuivaient toutefois dans certains quartiers. Si l'EI parvenait à prendre totalement Ramadi, il contrôlerait les capitales de deux des plus grandes provinces d'Irak. Mossoul, la capitale de la province de Ninive (nord), voisine d'Al-Anbar (ouest), est aux mains des djihadistes depuis juin 2014. Une chute de Ramadi serait également un revers majeur pour le gouvernement du Premier ministre Haider Al-Abadi qui avait promis que la reconquête d'Al-Anbar serait l'objectif de ses forces après la reprise de Tikrit aux djihadistes en mars dernier. Reprenant l'initiative sur le terrain, le groupe ultra-radical sunnite a lancé jeudi une offensive sur plusieurs fronts à Al-Anbar, y compris un assaut avec des attentats suicide à Ramadi, située à 100 km de Bagdad. Ses combattants ont pris vers 11H00 GMT le complexe gouvernemental à Ramadi et hissé leur drapeau noir sur le QG provincial de la police, a indiqué un haut responsable de la police. L'EI contrôle désormais quasi-totalement Ramadi. Majoritairement sunnite, la province d'Al-Anbar, en grande partie contrôlée par l'EI, s'étend des frontières syriennes, jordaniennes et saoudiennes jusqu'aux portes de Bagdad. Les djihadistes y avaient pris pied dès janvier 2014 avant même le début de leur offensive fulgurante en juin de la même année qui leur a permis de prendre de larges pans du territoire irakien. Dans un communiqué, l'EI a affirmé que ses combattants avaient pris d'assaut le complexe, tué les renégats et fait exploser les bâtiments du gouvernorat d'Al-Anbar et du QG de la police safavide, avant de s'en emparer. Safavide est un terme péjoratif utilisé par l'EI qui sous-entend un lien entre les forces armées irakiennes et celles de l'Iran chiite. Par renégats, le groupe désigne les combattants des tribus sunnites alliées au gouvernement. L'Irak est à majorité chiite.
Fuite des familles Un chef tribal a aussi confirmé la chute du complexe. Daech (un acronyme en arabe de l'EI) est parvenu à prendre le Conseil provincial et y a fait flotter son drapeau, a déclaré cheikh Hekmat Souleimane. Les seules forces (gouvernementales) qui continuent à se battre sont confinées dans de petites poches à Ramadi et n'ont plus aucun poste de commandement. Azal Obeid al-Fahdawi, membre du Conseil provincial, a affirmé qu'un grand nombre de civils fuyaient le centre-ville. Les familles tentent de fuir à pied, laissant leurs voitures et leur maisons derrière mais la plupart des secteurs sont sous contrôle de l'EI à Ramadi, a dit un leader tribal, cheikh Jabbar Adjadj al-Assafi. Dans son bulletin radiophonique quotidien, l'EI a affirmé avoir lancé une série d'attaques contre l'armée à Al-Anbar dont l'une à l'est de Ramadi menée par un kamikaze britannique identifié comme Abou Moussa al-Britani. Un autre véhicule conduit par notre frère martyr Abou Khobayb al-Chami a été lancé sur un poste de police à Ramadi, suivi d'un assaut, a ajouté l'EI. Il a aussi affirmé avoir tué 13 soldats près de Ramadi et exécuté 14 combattants tribaux sunnites pro-gouvernementaux après la prise du quartier Jamiya dans le centre-ville. Des sources de sécurité irakiennes ont en outre confirmé la prise par les djihadistes de la localité de Joubbah, située à 180 km au nord-ouest de Bagdad et près de la large base aérienne d'Al-Assad où des centaines de conseillers militaires américains sont stationnés. L'EI a aussi lancé plusieurs attaques à l'est de Fallouja, à quelques km des frontières du gouvernorat de Bagdad. L'offensive a été lancée le même jour de la diffusion pour la première fois depuis six mois, d'un enregistrement audio du chef de l'EI Abou Bakr al-Baghdadi qui a particulièrement salué ses combattants à Al-Anbar. Le 9 juin prochain marque le 1er anniversaire de l'offensive des jihadistes qui avaient pris en 24 heures notamment Mossoul, deuxième ville du pays, face à une armée en déroute qui a dans les mois suivants repris un peu de terrain.