Le procès de l'affaire dite "Sonatrach1" dans laquelle sont impliqués 15 individus et 4 sociétés étrangères pour corruption a été ouvert hier par le tribunal criminel d'Alger avant d'être, de suite, reporté pour la seconde fois à la prochaine session criminelle (octobre 2015) en raison de l'absence de 29 témoins sur les 108 attendus. En effet, la première fois, ce procès avait été reporté le 15 mars dernier pour les mêmes raisons. Le procès a été entamé aux environs de 9heures 30 minutes par l'appel par le président de l'audience des accusés, de leurs défenseurs, et des témoins, dans une salle pratiquement archicomble. Avocats, journalistes, personnalités du monde des affaires et simples citoyens ont envahi à l'ouverture des portes du tribunal la salle où vont se dérouler les péripéties de cette affaire. En outre, sur les 108 témoins, 26 sont absents en dépit de mandats d'amener émis à leur encontre par la justice, et un témoin ayant décédé. Les accusés dont sept sont en détention doivent répondre des chefs d'inculpation de "commandement d'une association de malfaiteurs, passation de marchés en violation de la législation et du règlement, octroi d'avantages injustifiés au profit d'autrui et augmentation des prix lors de la passation des marchés". Ils sont également poursuivis pour "corruption, dilapidation de deniers publics, abus de confiance et blanchiment d'argent". Selon l'arrêt de renvoi, les faits portent sur cinq (5) marchés frauduleux d'une valeur de 1.100 milliards de centimes accordés par l'ex-PDG de Sonatrach, Mohamed Méziane, au groupe allemand Contel Algérie Funkwerk Pletarc dans le cadre d'un projet d'acquisition d'équipements de télésurveillance et de protection électronique des complexes du groupe pétrolier à travers le pays. Ces contrats ont été accordés dans le cadre du gré à gré en contrepartie d'actions acquises au profit des deux fils du patron de Sonatrach Fawzi et Réda Méziane dans le groupe Contel, selon la même source. Le groupe Contel Algérie Funkwerk Pletarc et son patron Smail Djaafar Mohamed Réda, principal accusé dans cette affaire, a obtenu des privilèges injustifiés alors que ses offres étaient plus élevées que celles des autres soumissionnaires, selon l'arrêt de renvoi de l'affaire. Les investigations ont également révélé que Mohamed Méziane avec la complicité du responsable des activités ''amont'' Belkacem Boumédiene aurait mis au point un plan pour subdiviser le projet de télésurveillance électronique de Sonatrach en 4 parties afin d'attribuer trois marchés au groupe allemand. Le groupe Sonatrach, selon toujours l'arrêt de renvoi, a conclu un marché douteux avec Saipem Algeria (Italie) pour la réalisation du gazoduc devant relier l'Algérie à l'Italie ( Sardaigne). Ce projet est toujours dans les cartons. L'enquête a révélé qu'un des fils de Mohamed Meziane travaillait comme conseiller, depuis 2006, auprès de l'ex-directeur de Saipem Contracting Algérie, Tullio Orsi. Ce dernier est poursuivi par le parquet de Milan dans le cadre d'une affaire de corruption impliquant le groupe pétrolier italien ENI dont Saipem est une filiale, pour l'octroi de marchés pétroliers en Algérie. Ce marché, d'une valeur de 586 millions de dollars a été sous-traité à une société française PIE CAPAG, par Saipem, sa rivale dans la consultation limitée ouverte par Sonatrach, fait ressortir l'arrêt de renvoi. Un autre dossier lié à ce procès concerne le marché de réfection de l'immeuble de Sonatrach, situé boulevard Ghermoul, attribué frauduleusement à l'entreprise allemande IMTECH. Et pour revenir au procès d'hier, Me. Sadek Chaîb , représentant la défense, avait plaidé avant la décision de report du procès pour que le tribunal émette des mandats d'amener à l'encontre de ces témoins absents afin qu'ils soient conduits par la force (publique) devant le tribunal criminel ce dimanche et donnent leur témoignage. Mais, ''le tribunal a décidé autrement et a jugé utile de renvoyer l'affaire à la prochaine session criminelle'', a-t-il dit. " La défense avait demandé au tribunal le 15 mars dernier pour que des mandats d'amener soient émis à l'intention des témoins pour les obliger à se présenter à l'audience du 7 juin'', a-t-il rappelé. De plus, ''l'exécution des mandats d'amener relève des prérogatives du parquet général, qui n'a pas fait son travail car la défense n'a obtenu aucun document qui certifie l'émission de ces mandats'', a expliqué Me. Chaîb. Et, " 'la preuve de tout cela c'est que le tribunal criminel a prononcé ce dimanche un autre jugement ordonnant l'émission de mandats d'amener contre les 29 témoins absents alors qu'un jugement similaire avait été émis le 15 mars dernier, mais n'a pas été exécuté par le parquet général'', a-t-il ajouté. Pour Me. Mokrane Ait Larbi, ''la défense n'a pas demandé le report de l'affaire'', et considère ce report comme "une injonction des hautes autorités". "Les autorités ne veulent pas que deux importants procès se déroulent en même temps, d'où ce report décidé par le tribunal", a estimé Me. Ait Larbi. Parmi les 29 témoins absents à l'audience figurent l'ex-PDG du groupe Sonatrach, Abdelhamid Zerguine, l'ex-P-DG par intérim du groupe Said Sahnoune, ainsi qu'un haut responsable dans le même groupe chargé des marchés (objet de malversation), Yahia Chérif Messaoud et Belkacem Boumédiene, vice-président des activités ''amont''. Ainsi donc et à la suite de la décision du report du procès, les avocats des sept accusés en détention provisoire depuis plus de cinq ans ont demandé la mise en liberté de leurs clients respectifs arguant que "les mandats de dépôt ne peuvent en aucun cas durer tout ce temps". Après de longues plaidoiries des défenseurs des sept accusés, le juge Mohamed Raggad a décidé de refuser leurs demandes sans d'autres explications.