Les forces kurdes syriennes, appuyées par les frappes de la coalition anti-djihadiste dirigée par les Etats-Unis, ont chassé lundi les combattants du groupe Etat islamique (EI) d'une base-clé au nord de Raqa. Cette ville constitue le principal fief de l'EI en Syrie. Il s'agit du 2e revers d'envergure infligé en une semaine par les Kurdes à l'EI. Les Kurdes ont pris mardi Tall Abyad, important point pour les djihadistes à la frontière turque, où l'EI faisait passer illégalement des combattants et des armes. "Les Unités de protection du peuple kurde (YPG), soutenues par la coalition, ont pris la totalité de Liwa 93 (Brigade 93), à 56 km au nord de Raqa, rapporte lundi soir l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). "Les lignes de défense de l'EI se sont déplacées aux portes de la ville de Raqa", rendant vulnérable cette capitale de l'EI en Syrie, précise Rami Abdel Rahmane, directeur de l'ONG. Liwa 93 "était aussi importante pour l'EI, car elle surplombe les routes reliant Raqa à ses fiefs dans les provinces d'Alep (à l'ouest) et de Hassaké (à l'est)", selon lui. L'EI tenait cette base militaire depuis qu'il en avait chassé les forces du régime syrien à l'été 2014.
Vers un 3e revers "Les Kurdes ont également pénétré dans les quartiers périphériques de la ville d'Aïn Issa, proche de la Brigade 93 (...), cette ville est de facto tombée militairement avec la chute de la base", précise M. Abdel Rahmane. Au moins 26 djihadistes ont été tués dans les raids de la coalition dans cette zone, selon ses sources à Raqa. Si les YPG prennent Aïn Issa, cela serait la 3e position importante perdue en quelques jours par l'EI dans la province de Raqa, bastion des djihadistes. Grâce aux frappes de la coalition internationale, les Kurdes parviennent à infliger revers après revers à l'organisation extrémiste depuis le début de l'année. Ils sont notamment parvenus à reprendre la ville kurde de Kobané dans le nord de la Syrie. La Syrie est ravagée depuis plus de quatre ans par un conflit complexe impliquant régime, rebelles, Kurdes et djihadistes qui tentent de s'arroger des pans de territoire. Plus de 230 000 personnes y ont péri selon l'OSDH.
Dix civils morts à Alep Toujours dans le nord du pays, dans l'ex-capitale économique Alep, un raid de l'armée de l'air syrienne a provoqué une nouvelle tuerie lundi, cette fois-ci dans une mosquée située dans un quartier rebelle de la ville divisée. "Les fidèles étaient en pleine prière du 'Maghreb' (coucher de soleil) dans une mosquée du quartier rebelle d'Ansari à Alep" lorsque l'armée de l'air a effectué une frappe, "tuant au moins 10 civils dont deux enfants et blessant une vingtaine d'autres", d'après l'OSDH. Le régime largue quotidiennement des barils d'explosifs sur la partie est en majorité rebelle de la métropole, malgré les appels d'ONG à cesser le recours à cette arme aveugle et destructrice. Les rebelles ont de leur côté intensifié récemment leur bombardement de la partie ouest gouvernementale, faisant plusieurs dizaines de morts. Dans le centre du pays, l'armée syrienne a sécurisé une route d'acheminement de pétrole près de Palmyre, selon l'OSDH. Malgré l'envoi de renforts militaires et le bombardement aérien intense de Palmyre, rien ne laisse présager une imminente attaque pour reprendre la cité historique. Dimanche, l'EI a miné les célèbres ruines de Palmyre, faisant craindre un désastre pour ce site inscrit au Patrimoine mondial de l'humanité.
Echec profond de la diplomatie La poursuite de la guerre représente un échec profond de la diplomatie, a affirmé hier matin le président de la commission d'enquête de l'ONU sur la Syrie. Paulo Pinheiro a accusé les puissances extérieures de nourrir l'escalade de la violence. "La poursuite de la guerre représente un échec profond de la diplomatie. Les Etats influents ont agi de manière équivoque dans leurs efforts de mettre fin au conflit en Syrie", a affirmé à Genève, devant le Conseil des droits de l'homme, le président de la commission d'enquête. "Tout en soulignant le besoin d'une solution politique, certains ont accru leur engagement militaire, accentuant la dimension internationale du conflit", a poursuivi M. Pinheiro. "Les acteurs extérieurs ont soutenu les belligérants avec de l'argent, des combattants et des armes. Cela a seulement nourri l'escalade brutale de la violence", a-t-il dit.
Appel au Conseil de sécurité de l'ONU L'inaction de la communauté internationale a provoqué un sentiment de totale impunité parmi tous les belligérants, a souligné l'expert de l'ONU. "Ceux qui portent la responsabilité des crimes commis contre les Syriens ne craignent aucune conséquence", a déploré M. Pinheiro. Dans son rapport écrit, la commission d'enquête lance un appel aux Etats membres du Conseil de sécurité de l'ONU leur demandant "d'ouvrir une voie vers la justice pour les victimes et de saisir de la situation en Syrie la Cour pénale internationale". Le document indique que toutes les parties, le gouvernement de Damas comme les groupes armés, ne montrent aucun respect du droit humanitaire et visent délibérément des civils dans des attaques indiscriminées. Les sièges et le refus prolongé de laisser passer l'aide humanitaire tant par le gouvernement que par les groupes armés ont conduit à la malnutrition et à la famine dans les zones assiégées.