Le dédale de la justice, en plus de la situation morale, compliquera grandement la tâche de Didier Deschamps. Le duo Valbuena-Benzema ne pourra certainement plus être aligné. Karim Benzema blessé, Mathieu Valbuena fatigué. Les explications de Didier Deschamps, qui peuvent en ces temps troubles être soumises au doute, ne pourront pas rester en l'état au-delà de ce rassemblement dont le volet sportif est absent. La prodécure judiciaire à laquelle le buteur madrilène est soumis ne se règlera pas dans les semaines à venir. Les mauvais souvenirs de l'affaire Zahia, pour laquelle il avait été mis quatre années en examen, pourraient rapidement refaire surface selon les décisions que l'instruction rendra. "Les délais auraient pu être rapides s'il avait directement été déféré devant un tribunal, mais une instruction a été ordonnée. Toutes les parties doivent normalement être entendues, on est sur une période beaucoup plus longue. Des mois, plus d'un an même, à mon avis", nous explique ainsi Me Michel Pautot, spécialiste du droit du sport. Si une mise en examen ne signifie en rien une quelconque culpabilité, les souçons à l'encontre de Karim Benzema perdureront au moins pendant ce laps de temps, où le juge instruira à charge et à décharge. Une fois l'enquête achevée, la justice se prononcera sur une ordonnance de non lieu, ou une ordonnance de renvoi en correctionnelle devant le tribunal de Versailles. Ces deux décisions peuvent faire l'objet d'une procédure d'appel, qui rendrait le temps encore plus long. Quoi qu'il en soit, jusqu'à la première décision de l'instruction, le contrôle judiciaire (qui ne comporte que l'interdiction de rencontre entre les parties mises en examen) ne devrait pas être levé. Le juge, qui a le pouvoir d'y mettre fin quand il le souhaite, a peut-être déjà reçu une demande d'appel de la part de l'avocat de Karim Benzema. Si tel était le cas, difficile d'imaginer que le juge revienne sur cette décision, jusqu'à sa première ordonnance. Dans cette configuration, l'attaquant des Bleus et Mathieu Valbuena ne pourront, quoi qu'il arrive, pas être dans le groupe France en même temps.
Deschamps va devoir choisir, ou décider de ne pas le faire En spéculant, le pire des cas pour les Bleus serait une mise en examen rallongée dans le temps par les multiples voix de recours qui existent (appel de la première ordonnance, appel de l'éventuelle décision du tribunal correctionnel, pourvoi en cassation). Dès lors que l'affaire serait en cours, même si le contrôle judiciaire ne saurait être ordonné aussi longtemps, qui pourrait croire à un rabibochage sous le pavillon bleu ? Didier Deschamps a prouvé par le passé sa capacité à rassembler, mais le mur sera vraisemblablement beaucoup trop imposant. Dans le meilleur des cas pour l'équipe de France, le juge délivrera une ordonnance de non-lieu qui en restera là. L'hypothèse est probable, dès lors que Karim Benzema parvient à prouver sa bonne foi (il a nié, pendant toute la durée de sa garde à vue, être intervenu auprès de Mathieu Valbuena pour lui mettre la pression). Mais cela changerait-il quelque chose ? Si tout se réglait demain, les Bleus auraient une chance de faire table rase du passé. Cela ne se passera pas comme ça. Tensions, clivages, clans, reproches, soutiens à l'une ou l'autre partie vont inévitablement intervenir dans les prochaines semaines dans un vestiaire à l'unité fragile depuis des années. Même si juridiquement, Didier Deschamps pourrait éventuellement avoir le droit, d'ici l'Euro, de rappeler les deux joueurs, il semble hautement improbable que les intérêts des uns et des autres ne le permettent. Dès lors, le sélectionneur devra faire le choix de conserver son numéro 10, son petit meneur de jeu, ou aucun des deux. Quoi qu'il advienne, les premiers contours de l'équipe de France pensés par Didier Deschamps seront sans nul doute modifiés. L'unité du vestiaire mise à mal. Les égards de l'opinion publique renversés. En fait, tout sera chamboulé.