Les ministres de l'Opep, profondément divisés quant aux moyens d'enrayer l'excès d'offre pétrolière pesant sur le marché, ont tenté jeudi à Vienne de rapprocher leurs points de vue lors d'entretiens préparatoires, à la veille d'une réunion dans la capitale autrichienne. Alors que de plus en plus de voix discordantes au sein même de l'Organisation appellent à une réduction de la production pour soutenir les prix du brut, notamment le Venezuela et l'Algérie, la plupart des analystes estiment que l'Arabie saoudite ne devrait pas consentir à un abaissement du plafond de production du cartel, actuellement fixé à 30 millions de barils par jour. Les ministres des 12 pays de l'Opep et de l'Indonésie, qui va faire son retour au sein du club, devraient ainsi répéter leur décision de juin, alors même que les cours du brut ont plongé de plus de 60% depuis la mi-2014 en raison de la surabondance d'offre pesant sur le marché. "Il est trop tôt, la réunion est demain", a déclaré à des journalistes le ministre nigérian des ressources pétrolières, Emmanuel Ibe Kachikwu, à sa sortie de l'hôtel viennois où se tenaient les discussions préparatoires entre les membres de l'Opep. "Rien n'est décidé, nous sommes encore en train de discuter", a déclaré pour sa part le ministre irakien du pétrole, Adil Abdul Mahdi, après avoir reconnu la veille n'être "pas satisfait des prix du pétrole". La chute des cours du pétrole, qui évoluent actuellement non loin de leurs plus bas niveaux en six ans et demi, est en grande partie imputable à l'offensive commerciale de l'Opep, Arabie saoudite en tête, qui inonde le marché d'or noir pour contrer l'essor des hydrocarbures de schiste aux Etats-Unis, mais aussi aux pays non membres du cartel, dont la production a récemment atteint des niveaux records. La Russie s'est ainsi maintenue en novembre proche des records post-soviétiques atteints cette année, à plus de 10,7 millions de barils par jour.
Respecter les quotas Mais même si Ryad avait semblé dernièrement infléchir quelque peu son discours, se disant prêt à coopérer avec les autres pays membres et non membres du cartel pour stabiliser les prix, les experts estiment les pays du Golfe n'accepteront de réduire leur production que si les producteurs extérieurs au cartel s'engagent dans cette voie. Or, la Russie comme l'Iran, qui devrait faire son grand retour sur le marché début 2016 à la faveur de l'accord nucléaire conclu avec les grandes puissances, ont fait savoir à maintes reprises qu'ils n'étaient pas prêts à un tel compromis, imputant la déprime du marché à la production excédentaire de l'Opep. "Nous avons dit à de nombreuses reprises que nous ne jugeons pas opportun de baisser notre niveau de production, parce que les conditions ne sont pas les mêmes pour nous, les conditions climatiques, les conditions de production. Ce sont des entreprises privées qui travaillent dans ce secteur chez nous", a fait savoir jeudi le ministre russe de l'Energie, Alexandre Novak, cité par les agences russes. Le ministre a par ailleurs dit ne pas s'attendre à des "changements radicaux" lors de la réunion du cartel vendredi, à laquelle il a précisé que la Russie ne prendrait pas part, mais jugé qu'il serait "opportun pour l'Opep de respecter les quotas qu'elle fixe". Selon une estimation de l'agence Bloomberg, les membres de l'Opep ont pompé 32,12 millions de barils par jour en moyenne en novembre, soit plus de 2 millions de plus que le quota théorique du cartel. De son côté, l'Iran a de nouveau revendiqué son droit à augmenter sa production dès que la levée des sanctions occidentales serait effective. "C'est notre droit" d'augmenter notre production et "personne ne peut nous limiter" dans cette voie, a déclaré jeudi le ministre iranien du Pétrole à son arrivée dans la capitale autrichienne, ajoutant que Téhéran n'avait aucune responsabilité dans la chute actuelle des cours du pétrole. "C'est la responsabilité des membres producteurs de l'Opep et des autres qui ont produit plus que le plafond", s'est-il défendu. Le président vénézuélien Nicolas Maduro avait pour sa part encore rappelé mardi à la radio nationale que le Venezuela souhaiterait "que tous les pays respectent le plafond de production de l'Opep et étudient un projet de réduction de 5% de la production".