Adopté le 30 novembre dernier par l'Assemblée populaire nationale (APN), le texte de loi de finances 2016 constitue toujours le sujet d'actualité des Algériens entre opposants et partisans. Lundi, des membres du Conseil de la Nation ont contesté la mesure du texte portant sur l'ouverture du capital social des entreprises publiques économiques à la participation de l'actionnariat national résident, considérant cela comme "une façon de brader l'économie nationale". Intervenant lors de la séance de l'après-midi consacrée au débat sur ce texte de loi, quelques sénateurs ont indiqué que l'Etat ne doit pas céder ses entreprises au privé, même quand il s'agit de résidents nationaux, puisque, selon eux, ces entreprises constituent un patrimoine national. L'article 66 (devenu article 62 dans le nouveau texte de loi adopté par l'APN fin novembre dernier) stipule que "les entreprises publiques économiques, qui réalisent des opérations de partenariat à travers l'ouverture du capital social en faveur de la participation de l'actionnariat national résident, doivent conserver au moins 34 % du total des actions ou des parts sociales". En outre, "l'actionnaire national résident peut détenir ces actions sur une période de cinq ans. Après une expertise juridique sur le respect des engagements souscrits, il est possible de soumettre au Conseil des participations de l'Etat (CPE) l'option de l'achat du reliquat des actions". En cas d'approbation par le CPE, la concession se fait selon le prix convenu dans la charte des partenaires ou celui fixé par le CPE, précise la même disposition qui avait déjà suscité une grande polémique au sein de la chambre basse du Parlement lors des débats sur ce même texte. Ainsi, pour le sénateur Adem Koli du Front de libération nationale (FLN) s'est demandé pourquoi ladite disposition n'avait pas exclu explicitement les entreprises "stratégiques" de l'Etat telles que SONATRACH, SONELGAZ et Algérie Télécom du champ de son application. Lors de sa présentation de ce texte de loi, le ministre des Finances Abderrahmane Benkhalfa avait indiqué dans la matinée, que ces entreprises étaient régies par une réglementation spécifique à elles et qui interdit l'ouverture de leurs capitaux.
Un texte qui "fait peur au peuple" D'un autre côté, le membre du Conseil, Mohamed El-Oued du tiers présidentiel a estimé que cet article "fait peur au peuple" du fait des risques qu'il pourra provoquer pour l'économie nationale et à sa souveraineté. "Mais, nous sommes ici pour protéger notre économie et notre pays. Nous n'allons pas permettre la privatisation des entreprises de l'Etat qui constituent sa souveraineté telles que SONATRACH", a dit ce sénateur. Pour sa part, la sénatrice Zohra Drif-Bitat a contesté notamment le fait que cet article permet la cession de la totalité du capital des entreprises publiques au privé après seulement cinq ans de son entrée comme partenaire dans ce capital. Par ailleurs, d'autres sénateurs ont critiqué la disposition de ce texte de loi relative à l'augmentation des prix d'électricité, du gaz et du gasoil tandis que d'autres l'ont salué du fait qu'elle met fin à la logique des "subventions pour tous". Selon cette disposition, le taux de la TVA va passer de 7% à 17% sur la vente de gasoil, sur la consommation du gaz naturel dépassant 2.500 thermie/trimestre et sur la consommation d'électricité dépassant les 250 kilowatt-heure/trimestre. "Le système actuel des subventions généralisées qui profite aux pauvres comme aux riches de la même façon ne peut continuer à être appliqué", a soutenu Meki Moulai, du FLN. Le débat sur le texte de loi de finances 2016 va s'est poursuivi hier dans la matinée où les chefs de groupes parlementaires ont également intervenues. Le ministre des Finances a répondu dans l'après-midi tandis que le vote sur ce texte de loi est prévu pour aujourd'hui.
Un seul texte, plusieurs avis Restant toujours dans ce texte de loi de finances mais cette fois-ci, parlant un peu largement des points de vue de quelques membres du Conseil de la Nation. Des membres de ce conseil ont salué lundi les mesures prévues par ce texte de loi notamment en matière d'appui à l'investissement, alors que d'autres ont exprimé leurs appréhensions quant à l'incapacité de l'Etat à financer son budget pour l'année prochaine au regard de la chute continue des cours de pétrole. Dans le cadre du débat du texte de la LF2016, M. Hachemi Djiar du tiers présidentiel a qualifié de "contradictoire" la démarche du gouvernement visant à faire face au déficit budgétaire et à rationaliser les dépenses au moment ou il affirme son attachement au maintien d'un volume important de dépenses publiques. "Le gouvernement aspire à recourir au marché financier pour alléger le déficit budgétaire, mais nous savons que le marché ne peut financer la croissance et réduire le chômage...comment pallier le déficit budgétaire alors que la croissance en Algérie repose toujours sur les dépenses publiques et comment éviter l'impact négatif sur la demande publique au moment où nous nous orientons vers le gel des salaires". Pour lui, Salah Derradji du FLN appelle le gouvernement à "dire la vérité au peuple sur la nécessité de revoir à la hausse les impôts au lieu de continuer à affirmer qu'ils ne seront pas revus à la hausse", soulignant que le peuple "sera compréhensif et convaincu" de la nécessité d'augmenter les ressources pour faire face à la crise. Belkacem Kara (FLN) s'est dit étonné du "maintien d'un budget colossal à l'appui d'entreprises publiques déficitaires, alors que le pays a perdu la moitié de ses recettes en devise en l'espace d'une année". "Pourquoi continuer à accorder d'importants projets d'envergure en s'appuyant sur la formule de gré à gré et comment évoquer la rationalisation des dépenses dans les secteurs des travaux publics et du logement par exemple, au moment où cette formule est considérée comme une exception dans le code des marchés publics".
Appel à valoriser les ressources publiques Mohamed Zoubiri, du même groupe, a appelé à valoriser les ressources publiques pour faire face aux dépenses, s'interrogeant sur le fait que les bureaux de changes ne soient pas encore autorisés à exercer en Algérie. Pour sa part, Mohamed Reda Oussehla du RND a salué l'augmentation du montant des transferts sociaux de 7,5 % en 2016, en dépit du recul des recettes, mais a toutefois remis en cause la capacité de l'Etat à poursuivre l'octroi des aides de façon généralisée et globale au regard du recul des recettes publiques. De son côté, Moussa Tamdartaza du FFS a fustigé "le début de l'abandon du caractère social de l'Etat", à travers certaines mesures dudit texte de loi. Il a, dans ce contexte, qualifié de "dangereuses pour la souveraineté nationale" les mesures incluses dans ce texte, dont le réinvestissement des bénéfices des sociétés, l'autorisation du secteur privé à gérer les zones industrielles et la privatisation des entreprises publiques.