Sans actualité particulière, si ce n'est la déprime générale des marchés mondiaux et l'absence persistante de signe de diminution de la surabondance d'or noir, les cours du pétrole ont baissé jeudi, retombant à New York au plus bas depuis presque treize ans. Déjà en baisse de quelque 3,5 dollars lors des trois précédentes séances, le cours du baril de light sweet crude (WTI) pour livraison en mars a cédé encore 1,24 dollar à 26,21 dollars sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), soit un niveau qu'il n'avait plus atteint en clôture depuis mai 2003. A Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en avril a baissé de 78 cents à 30,06 dollars sur l'Intercontinental Exchange (ICE). On fait face à une tendance négative générale de l'économie mondiale, a estimé Carl Larry de Frost & Sullivan. La reprise se fait attendre dans le monde et cela met les cours du pétrole sous pression. Tant que l'économie restera faible et la demande morose, le marché pétrolier restera à un bas niveau, a-t-il insisté. Comme symptôme de ces inquiétudes sur l'économie mondiale, il citait une nouvelle chute des Bourses internationales, qui, comme souvent depuis le début de l'année, ont perdu jeudi 2%, 3%, voire 4%, en Asie, en Europe et à Wall Street. Comme les investisseurs ont de plus en plus peur d'une récession, les marchés pétroliers sont sous pression, de même que les Bourses, les obligations et les devises, a renchéri Tim Evans, de Citi.
Nouvelles rumeurs sur l'Opep Les marchés mondiaux sont une nouvelle fois jeudi terrassés par un cocktail d'inquiétudes et de doutes à l'égard des banques et de la croissance mondiale. Mais on peut défendre l'idée que (les Bourses) sont à leur tour plombées par le pétrole !, a reconnu Bob Yawger, de Mizuho Securities. Si on va dans ce sens-là, c'est à cause des chiffres d'hier sur les stocks américains. Certes, le département américain de l'Energie a fait état d'une légère baisse des réserves de brut, mais cela n'a pas suffi à rassurer les investisseurs, qui ont surtout remarqué que les stocks de Cushing (Oklahoma), le terminal de base pour les cours du WTI, ont encore augmenté à un niveau sans précédent. Des exploitants de la région (...) font face à des problèmes logistiques, comme ils arrivent au bout de leurs capacités de stockage, a rapporté Matt Smith, de ClipperData, en référence à des annonces faites par Enterprise Products, un spécialiste du transport de gaz et d'or noir. De plus, certains observateurs notaient que la baisse des stocks étaient bien plus due à une chute des importations américaines qu'à un léger recul de la production. Le niveau élevé de l'offre, que ce soit aux Etats-Unis, dans l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) ou en Russie, a largement contribué à plomber le marché depuis bientôt deux ans. Avec la surabondance continuelle de l'offre et les conflits d'intérêts entre membres de l'Opep, qui continuent à injecter des niveaux record de production sur le marché, le pétrole à bas prix risque d'avoir encore de beaux jours devant lui, a conclu Lukman Otunuga, de FXTM. Néanmois, après la fermeture du marché new-yorkais, l'agence Dow Jones Newswire a rapporté que le ministre émirati du Pétrole avait fait part de l'ouverture du cartel à une baisse concertée de production, relançant des rumeurs sur ce thème et semblant provoquer un net rebond des cours dans les échanges électroniques d'après la clôture. Le coEn Asie, les cours du baril light sweet crude (WTI) est passé sous les 27 dollars, le marché déjà saturé peinant à encaisser le niveau toujours élevé des réserves américaines. Dans les échanges électroniques matinaux, le baril de light sweet crude (WTI) pour livraison en mars perdait 55 cents à 26,90 dollars. Le baril de Brent de la mer du Nord, la référence européenne du brut, pour livraison en avril, reculait quant à lui de 32 cents, à 30,52 dollars.
L'Opep s'attend a une baisse de la production hors cartel L'OPEP a dit s'attendre mercredi à ce que la production de brut des pays ne faisant pas partie du cartel baisse en 2016 encore plus qu'elle ne le prévoyait, tendant à valider sa stratégie d'inondation du marché pour maintenir les parts de l'organisation Dans son bulletin mensuel de février, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) révise à la baisse pour le troisième mois consécutif la production de pétrole hors cartel dont elle attend une diminution de 700 000 barils par jour (b/j), contre 660 000 b/j dans ses dernières prévisions. "Les baisses d'investissement annoncées par les compagnies pétrolières, la baisse du nombre de forages actifs aux Etats-Unis et au Canada ainsi que l'importante diminution du nombre d'anciens champs", expliquent cette révision, selon le rapport. De son côté, l'organisation qui produit près du tiers de la production mondiale et qui regroupe 13 pays, a augmenté sa production en janvier de 130 000 b/j, soit un total de 32,33 millions de barils par jour (mbj), selon des "sources secondaires" citées par le bulletin. L'Iran, l'Irak, le Nigéria et l'Arabie saoudite ont tiré la production du cartel en janvier tandis que le niveau de production a baissé en Algérie, Angola et au Venezuela. Selon les projections du cartel, la demande pour sa production de brut, anticipée à 31,65 mbj sur l'ensemble de l'année 2016, pourrait aller en augmentant au fil des mois et atteindre 32,7 mbj à partir du troisième trimestre, laissant entrevoir un "rééquilibrage" du marché et validant sa stratégie de reconquête des parts de marché. Le prix du baril a fondu de 47% en 2015 par rapport à l'année précédente, atteignant 52 dollars en moyenne, et de plus de 70% depuis juin 2014, victime d'une offre excédentaire alimentée par la guerre de parts de marché entre le pétrole de l'Opep, Arabie saoudite en tête, et les hydrocarbures de schiste américains. Il s'est même enfoncé sous la barre des 30 dollars en janvier avant de se redresser légèrement. L'offre mondiale de brut a été excédentaire de 2 mbj en 2015, selon l'estimation du rapport de l'OPEP. Par le passé, l'Opep avait réagi à la baisse des prix en réduisant sa production, mais le cartel semble cette fois décidé à jouer la montre malgré le mécontentement de certains producteurs comme le Venezuela. Cette stratégie inspirée par l'Arabie saoudite, pilier de l'Opep, a pour but de maintenir les parts de marché du cartel et de mettre la pression sur les producteurs américains de pétrole de schiste qui ont besoin d'un prix du baril plus élevé pour être rentables.
L'AIE douche les espoirs d'une remontée des prix La veille, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) a battu en brèche mardi les espoirs d'une remontée des prix du pétrole à court terme, confirmant que le monde devrait rester submergé d'or noir face à une demande fragile. "Dans ces conditions, le risque de baisse à court terme s'est accentué", a estimé l'AIE dans son rapport mensuel de février, évoquant également un accroissement probable des stocks. Le bras énergétique de l'OCDE a démonté un par un les facteurs d'optimisme qui avaient permis aux cours du pétrole de reprendre un peu de couleurs ces derniers jours, et de repasser au-dessus de la barre des 30 dollars le baril, après leur chute autour de 27 dollars en janvier, un point bas en près de 13 ans. Ainsi, a estimé l'agence basée à Paris, mieux vaut ne pas compter sur une baisse concertée de l'offre entre les principaux producteurs, membres ou non de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), pour voir les prix remonter. "La spéculation continuelle sur un accord entre l'Opep et les principaux producteurs non-Opep en vue de réduire la production n'est rien d'autre que de la spéculation", a-t-elle prévenu: "la probabilité d'une réduction concertée est très faible". Au contraire, l'Opep devrait continuer à pomper vigoureusement cette année, accentuant l'excès d'offre. Iran, Irak et Arabie saoudite en tête, le cartel pétrolier a extrait 32,63 millions de barils par jour (mbj) en janvier, ce qui représente une hausse de 280 000 barils par jour par rapport au mois précédent et de près de 1,7 mbj sur un an. En tout, la production mondiale s'est certes repliée de 200 000 bj le mois dernier, à 96,5 mbj, affectée par la baisse de la production hors Opep qui devrait décliner de 600 000 bj en 2016 à 57,1 mbj.
Consommation en perte de vitesse Pour autant, il est prématuré de tabler sur une reprise des cours du fait d'une forte chute de la production américaine de pétrole de schiste: "il se peut qu'elle continue encore à résister", a souligné l'AIE, qui représente les pays consommateurs d'or noir. Face à ce surplus d'offre, la croissance de la demande mondiale d'or noir va perdre en vigueur, affectée par des ralentissements en Europe, en Chine et aux Etats-Unis. Selon l'AIE, la consommation devrait croître de 1,2 mbj cette année à 95,6 mbj, en légère diminution par rapport aux 95,7 mbj anticipés dans son précédent rapport et notablement moins que la hausse de 1,6 mbj enregistrée en 2015, un plus haut en cinq ans. Elle pourrait être encore davantage mise sous pression par la morosité économique, alors que le maintien du dollar à un niveau fort ne devrait pas rendre les importations de pétrole meilleur marché dans les autres devises, un facteur susceptible d'alimenter la demande. Dans ce contexte, les stocks de brut devraient continuer d'augmenter. En décembre, ils se sont accrus de 7,6 millions de barils à 3 milliards de barils, alors qu'ils ont d'habitude tendance à baisser en cette période. Même en cas de stabilité de la production de l'Opep au premier trimestre, la hausse des stocks devrait atteindre 2 mbj durant les trois premiers mois de l'année, puis de 1,5 mbj au deuxième trimestre. "Les données relatives à l'offre et à la demande durant la seconde moitié de l'année suggèrent un accroissement supplémentaire des stocks, cette fois de 300 000 bj", a indiqué l'AIE. "Si ces chiffres se révèlent corrects, il est très difficile de voir comment les prix du pétrole pourraient remonter significativement à court terme dans un marché déjà submergé de pétrole", a-t-elle conclu.