Le ministre français des Finances, Michel Sapin a jugé vendredi que l'économie mondiale connaissait des difficultés réelles mais qu'elle n'était pas en crise, à quelques heures de la réunion des grands argentiers du G20 en Chine. Ce rassemblement des ministres des Finances et représentants des banques centrales des vingt plus grandes puissances mondiales survient au moment où l'économie mondiale est menacée par une reprise atone et l'essoufflement des émergents, à quoi s'ajoutent les turbulences des marchés. Le G20 qui s'ouvre est un G20 de continuité, a déclaré M. Sapin lors d'une halte à Hong Kong avant de se rendre à Shanghai. Nous n'avons pas à mettre en uvre des politiques nouvelles, nous n'avons pas à faire face à une crise comme celles qu'on a pu connaître à d'autres moments, a-t-il dit. Nous devons dans la continuité trouver les bonnes mesures, le bon équilibre dans chacun de nos ensembles économiques ou chacun de nos pays pour faire face aux difficult és réelles mais surmontables décrites par le Fonds moné- taire international (FMI), a-t-il ajouté. Le FMI vient de préconiser des actions fortes pour doper la croissance et mis en garde contre des risques accrus de déraillement. La semaine derni ère, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a taillé pour la deuxième fois en trois mois dans ses prévisions concernant la croissance mondiale, les abaissant à 3%. Parmi les instruments économiques à disposition pour soutenir la croissance, M. Sapin a relevé que les politiques moné- taires étaient déjà nettement sollicit ées, jugeant qu'il fallait utiliser selon les cas le levier de la politique budgétaire. Les politiques monétaires sont de manière générale très accommodante, a-til dit. Les politiques budgétaires doivent être bien adaptées à la situation, a ajouté le ministre, estimant inopportun de lancer un programme global de relance budgétaire. Mais si certains pays comme la France doivent continuer à tenter de réduire leurs déficits, d'autres pays peuvent avoir plus de capacités et doivent utiliser leurs capacités budgétaires pour soutenir la croissance globale. M. Sapin s'est également dit persuadé que le monde avait les capacités de réagir et de maîtriser les volatilités des march és. Cette volatilité a des causes multiples, a-t-il dit, citant l'évolution des économies asiatiques et chinoise en particulier, des politiques monétaires et notamment de celle de la Réserve fédé- rale américaine ou la baisse des cours des matières premières. C'est la raison pour laquelle on ne peut pas dire qu'il y a une crise, a-t-il souligné. Il y a des difficultés et il faut faire un diagnostic et prendre les bonnes décisions par rapport à chacune de ces difficultés. M. Sapin a également annoncé que serait abordée au G20 la question d'un élargissement du club de Paris, instance informelle qui regroupe des créanciers publics, aux pays émergents et en particulier à la Chine. La Chine est un pays qui prête beaucoup d'argent à d'autres pays, la Chine peut être concernée, est déjà parfois concernée, par des situations de surendettement qui rendent nécessaires une coopération entre créanciers, a-t-il expliqué. L'ALLEMAGNE OPPOSEE À DE NOUVEAUX PLANS DE RELANCE L'Allemagne s'oppose à ce que les pays du G20 s'engagent dans des plans de relance budgé- taire, basés sur la dépense publique, pour stimuler l'économie mondiale, a affirmé vendredi le grand argentier allemand Wolfgang Schäuble, ouvrant la voie à un possible désaccord avec les Etats-Unis. Les tentatives de doper l'activit é économique en assouplissant toujours davantage la politique monétaire pourraient s'avé- rer "contreproductives" tandis que les relances budgétaires "ont perdu de leur efficacité", a mis en garde M. Schäuble, peu avant une réunion à Shanghai des grands argentiers du G20. Alors que la conjoncture mondiale ne cesse de s'assombrir, la Banque centrale européenne (BCE) semble en voie d'agir plus vigoureusement, la Réserve fédérale américaine (Fed) redouble désormais de prudence après un relèvement de ses taux fin 2015, et la Banque du Japon s'est résolue à instaurer des taux négatifs dans l'espoir de stimuler le cré- dit. Mais "réfléchir à de nouveaux plans de relance n'aboutit qu'à nous détourner des véritables tâches auxquelles nous devons nous atteler", a averti le ministre allemand des Finances, évoquant les besoins de réformes structurelles. "Les politiques monétaires sont extrêmement accommodantes, au point qu'elles pourraient en devenir contreproductives, au vu de leurs effets négatifs", a-t-il fait valoir, lors d'un séminaire de l'Institute of International Finance organisé en marge du G20-Finances de Shanghai. De leur côté, les politiques de relance budgétaire, qui voient les Etats gonfler les dépenses publiques pour soutenir la reprise économique, "ont également atteint leurs limites", a poursuivi M. Schäuble. Des commentaires qui s'inscrivent en contraste flagrant avec le récent appel de Washington à "recourir de concert" aux politiques de relance monétaire et budgétaire. "Des outils puissants quand ils sont utilisés ensemble", a comment é cette semaine le secrétaire au Trésor américain Jack Lew, rappelant que la reprise mondiale ne peut dépendre des seuls Etats-Unis. "Il est de plus en plus important (...) que les pays disposant d'une marge budgé- taire l'utilisent pour soutenir leur demande intérieure", avait abondé un haut responsable américain. Mais pour Wolfgang Schäuble, "si vous voulez vraiment que l'économie réelle se renforce, il n'y a pas de raccourci possible sans réformes (structurelles)". La priorité pour les membres du G20 n'est pas de laisser filer davantage leurs déficits, mais au contraire de commencer "prudemment" à assainir leurs comptes publics, a jugé le ministre, fidèle à la ligne allemande d'orthodoxie budgétaire. "Le modèle de croissance fondé sur l'endettement atteint ses limites", a-t-il souligné, raillant la montée des "entreprises zombies" ne survivant que grâce au crédit.