Les cours du pétrole ont fortement baissé vendredi après que l'Arabie saoudite a tenu des propos sans concession sur le maintien de son offre à un niveau élevé, à une quinzaine de jours d'une réunion entre grands pays producteurs. Le cours du baril de "light sweet crude" (WTI) pour livraison en mai a perdu 1,55 dollar à 36,79 dollars sur le New York Mercantile Exchange (Nymex). A Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juin, dont c'était le premier jour comme contrat de référence, a cédé 1,66 dollar à 38,67 dollars sur l'Intercontinental Exchange (ICE). Le marché de l'or noir signe ainsi sa seconde baisse hebdomadaire de suite et confirme la fin du rebond massif qu'il avait engagé en février après une chute au plus bas depuis 2003. Déjà peu enthousiastes depuis le début de la semaine, les investisseurs ont subi vendredi le coup "de propos saoudiens qui laissent penser qu'il n'y aura pas de gel de la production sans la participation de l'Iran", a expliqué dans une note Tim Evans, de Citi. Mohammed Ben Salmane, vice-prince héritier et numéro trois de l'Arabie saoudite, a prévenu dans un entretien à l'agence Bloomberg que le royaume, membre dominant de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), ne gèlerait le niveau de son offre que si les grands producteurs, en premier lieu l'Iran, font de même. "C'est un développement majeur", a estimé Matt Smith de ClipperData. Grande rivale régionale de Téhéran, l'Arabie saoudite n'avait pas encore exprimé de façon aussi claire son exigence de voir l'Iran, qui refuse de limiter sa production au moment où il revient sur le marché mondial après la levée de sanctions liées à son programme nucléaire, s'impliquer à ce point dans une stabilisation concertée de l'offre.
Le dollar surveillé Les investisseurs sont en pleine spéculation sur un accord de ce type entre grands producteurs. Une quinzaine d'entre eux en effet, dont les principaux membres de l'Opep et des pays extérieurs comme la Russie, doivent se réunir le 17 avril au Qatar pour décider des suites à donner à un pacte de gel de l'offre déjà conclu par Ryad, Moscou et Doha -ainsi que le Venezuela- en février. "Le sommet du 17 avril semblait déjà avoir des fondations fragiles, mais la position saoudienne fait même douter qu'il ait lieu, car on a du mal à croire que l'Iran renonce à une reprise de sa propre production", a jugé M. Evans. Qui plus est, M. Salmane a fait part de l'intention de Ryad de faire entrer une partie d'Aramco, le groupe public pétrolier saoudien, en Bourse, ce que certains observateurs ne voient pas comme un signe annonciateur d'une baisse de la production. "Les gens se disent que les Saoudiens vont être obligés de continuer à pomper du pétrole pour être capables de lancer une entrée en Bourse", a expliqué Carl Larry, de Frost & Sullivan. Même si le but affiché est justement de réduire la dépendance du royaume à l'or noir, "ils vont avoir besoin d'argent... Et pour le moment, l'argent vient du pétrole", a insisté M. Larry. Dans le reste du monde, les cours n'ont guère obtenu de soutien de l'annonce d'une nouvelle baisse hebdomadaire du nombre de puits de pétrole aux Etats-Unis, selon le décompte établi par le groupe de services pétroliers Baker Hughes, pourtant de bon augure quant à un déclin persistant de la production américaine. Les investisseurs ont plutôt été attentifs à de bons chiffres sur l'emploi américain en mars même si cela n'a pas paradoxalement pas été perçu comme un soutien au marché pétrolier. "Avec ces chiffres solides sur l'emploi, les gens pourraient se remettre à croire à une hausse des taux d'intérêt américains en avril, même si Janet Yellen", présidente de la Réserve fédérale, "a fait état cette semaine de sa prudence", a expliqué M. Larry. "Cela va renforcer le dollar et risque d'affaiblir les cours pétroliers", car ils sont libellés en monnaie américaine.
Baisse en Asie Le pétrole était de nouveau orienté à la baisse dans les échanges matinaux en Asie, l'impact de la baisse du cours du dollar étant largement compensé par les inquiétudes quant à l'excès chronique d'offre de brut. Les chiffres officiels américains ont illustré mercredi cette surabondance de l'offre en montrant que les réserves américaines d'or noir avaient atteint de nouveaux sommets. Vers 03H45, le cours du baril de light sweet crude (WTI) pour livraison en mai reculait de 29 cents à 38,05 dollars dans les échanges électroniques en Asie. Le baril de Brent, référence européenne du brut, pour livraison en juin -un nouveau contrat- cédait 34 cents à 39,99 dollars. Jeudi, les cours avaient légèrement avancé grâce à un nouvel affaiblissement du billet vert. Le WTI avait gagné deux cents sur le New York Mercantile Exchange (Nymex) et le Brent pour mai 34 cents sur l'Intercontinental Exchange (ICE). Pour Shailaja Nair, de Platts, le sentiment des investisseurs demeure très dépendants des fondamentaux de l'offre et de la demande, qui n'ont pas bougé. Le marché est toujours inondé de brut, la demande demeure la même, nous ne voyons aucune hausse de demande, et nous n'en anticipons aucune à court terme, a-t-elle dit. Les cours du brut ont plongé depuis juin 2014, quand le baril se négociait 100 dollars, à cause d'une offre excessive que ne parviennent plus à absorber des économies mondiales en plein ralentissement. L'or noir, qui avait touché en février les cours les plus bas en 13 ans, a repris des couleurs ces dernières semaines, porté par les espoirs de voir la Russie, l'Arabie saoudite et les grands producteurs se mettre d'accord pour limiter l'offre le 17 avril à Doha. Mais pour Shailaja Nair, la seule chose qui doperait les prix serait que les producteurs décident de réduire -et pas seulement de geler- leur production. Vu la quantité de brut sur le marché, un gel ne changera pas grand chose, a-t-elle estimé.
L'Arabie joue la carte du chantage L'Arabie saoudite ne gèlera le niveau de sa production de brut que si les grands producteurs, dont l'Iran, font de même, a indiqué le vice-prince héritier du premier exportateur mondial de pétrole dans une entrevue à Bloomberg News publiée vendredi. "Si tous les pays sont d'accord pour geler la production, nous sommes prêts", a affirmé Mohammed Ben Salmane, précisant toutefois que "si quelqu'un décidait d'augmenter sa production, nous ne rejetterons alors aucune opportunité qui se présente". Ces déclarations interviennent avant une réunion à Doha le 17 avril des pays producteurs de brut --membres ou non de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep)-- pour tenter de stabiliser la production et soutenir les prix du brut plombés par une surabondance de l'offre. Les cours du brut ont plongé depuis juin 2014, quand le baril se négociait à 100 dollars, en raison d'une offre excessive que ne parviennent plus à absorber des économies mondiales en plein ralentissement. Alors que l'Iran s'est dit "prêt à participer" à la rencontre, le grand rival régional de l'Arabie saoudite a demandé à être exempté de cette mesure de gel de la production, au moment où il fait son retour sur le marché mondial à la suite de la levée des sanctions liées à son programme nucléaire, selon le ministre russe de l'Energie Alexander Nivak. Le fils du roi Salmane a affirmé à Bloomberg que l'Iran devait geler sa production "sans aucun doute". "Si tous les pays, dont l'Iran, la Russie, le Venezuela, les pays de l'Opep et les principaux producteurs décident de geler la production, nous serons parmi eux", a-t-il assuré. Ryad a rompu ses relations diplomatiques avec Téhéran début janvier après des attaques contre des représentations saoudiennes en Iran par des manifestants en colère après l'exécution par l'Arabie du dissident chiite saoudien, Nimr al-Nimr, condamné à mort pour "terrorisme". L'Arabie saoudite, le Qatar, le Venezuela et la Russie avaient déjà annoncé en février un accord pour ne plus augmenter leur production, évoquant un gel de celle-ci à ses niveaux de janvier, mais des doutes sont apparus sur la possibilité d'aller plus loin.