Les Etats-Unis et l'Iran ont conclu avant-hier une transaction commerciale significative dans le nucléaire civil, tandis que le secrétaire d'Etat John Kerry devait s'employer à rassurer son homologue Mohammad Javad Zarif sur la levée effective des sanctions internationales contre Téhéran. Trois mois après l'entrée en vigueur de l'accord historique sur le programme nucléaire iranien, scellé à Vienne le 14 juillet 2015 entre les grandes puissances et la République islamique, un vent de protestations souffle à Téhéran et à Washington. En Iran, des opposants au président Hassan Rohani jugent que le contrôle international sur le nucléaire iranien a été imposé sans assez de contreparties financières pour Téhéran. Aux Etats-Unis, des républicains du Congrès sont farouchement contre la volonté prêtée au président Barack Obama d'une réintégration de Téhéran dans le système financier et monétaire mondial. Le contrat commercial annoncé vendredi entre les deux pays, qui n'ont en principe plus de relations diplomatiques depuis 1980, risque de braquer un peu plus les détracteurs du dégel américano-iranien. Le département américain de l'Energie va en effet acquérir auprès de l'organisation de l'énergie atomique iranienne 32 tonnes d'eau lourde pour répondre aux besoins de l'industrie et de la recherche nucléaires aux Etats-Unis, selon la diplomatie américaine. Cette transaction d'une portée limitée, de 8,6 millions de dollars, va apporter à l'industrie des Etats-Unis un produit crucial, tout en permettant à l'Iran de vendre son surplus d'eau lourde, a vanté le département d'Etat. Washington a assuré que ces matériaux n'étaient pas radioactifs et ne présentaient pas de danger pour la sécurité et qu'ils seraient revendus dans les prochaines semaines sur la marché américain à des fins industrielles et de recherche scientifique. L'achat de cette quantité d'eau lourde est permise par la législation américaine, selon le département d'Etat, qui l'a présenté comme entrant dans le cadre de l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien. Ce texte est en vigueur depuis le 16 janvier et prévoit, en contrepartie d'une surveillance internationale du programme nucléaire iranien, de lever les sanctions économiques qui asphyxient Téhéran et de le réintégrer de facto progressivement dans les échanges internationaux. C'est donc pour rassurer l'Iranien Zarif que l'Américain Kerry doit le retrouver en fin de journée dans un palace de New York.
Apaisement Les deux hommes, qui affichent depuis trois ans leur proximité, s'étaient déjà vus en tête-à-tête mardi au siège des Nations unies. John Kerry avait fait état de progrès dans leurs discussions sur les bénéfices que pouvait escompter l'Iran depuis la mise en oeuvre de l'accord de Vienne. Mais Téhéran s'est plaint ces derniers jours des réticences de banques et entreprises occidentales, européennes ou asiatiques à commercer avec l'Iran. Elles redouteraient de tomber sous le coup de la législation draconienne américaine qui continue en effet de punir la puissance chiite pour son soutien au terrorisme et pour son programme de missiles balistiques. Lundi, le département d'Etat avait laissé entendre que le ton serait à l'apaisement. John Kerry poursuivra ses discussions avec le ministre Zarif, comprenant ses inquiétudes et celles de Téhéran quant au rythme de l'allègement des sanctions, avait assuré son porte-parole John Kirby. D'après lui, les Etats-Unis ne cherchent absolument pas à être un obstacle d'aucune sorte pour les banques et les institutions étrangères travaillant avec l'Iran dans le cadre de l'allègement des sanctions et qui font des affaires légitimes avec ce pays. Mais le secrétaire d'Etat avait reconnu en début de semaine que Téhéran n'avait jusqu'ici récupéré que quelque trois milliards de dollars de la levée des sanctions, contre environ 55 milliards de dollars escomptés de fonds gelés. Architecte de l'accord sur le nucléaire iranien, l'administration Obama est favorable à une réintégration de l'Iran au sein de l'économie mondiale et oeuvre, même si elle s'en défend, à une amorce de rapprochement diplomatique. Cette inflexion majeure de la politique étrangère des Etats-Unis au Moyen-Orient inquiète leurs alliés traditionnels que sont les monarchies sunnites du Golfe que M. Obama a tenté de rassurer cette semaine à Ryad. Elle a aussi ulcéré Israël et provoqué l'ire d'opposants républicains du président démocrate. Le président de la Chambre des représentants Paul Ryan s'est insurgé vendredi face une nouvelle concession sans précédent au premier soutien mondial du terrorisme.