Par : Pr Abderrahmane Mebtoul Je note avec satisfaction, au mois de juin 2015 (mais hélas 8 ans après), que l'Aprue, institution relevant du ministère de l'Energie, reprend les actions de l'audit réalisé sous ma direction, assisté alors de dirigeants et cadres supérieurs de Sonatrach, d'experts et du bureau d'études américain Ernest Young Les recommandations de l'étude que nous avions menée entre 2006 et 2007, et qui était intitulée "Une nouvelle politique de carburants en Algérie dans un environnement concurrentiel" sont aujourd'hui à l'ordre du jour. L'histoire nous a donné raison. Nous avions été auditionnés par la Commission économique de l'Assemblée nationale populaire. J'avais alors présenté les principales conclusions, attirant l'attention du gouvernement sur l'urgence d'une nouvelle politique de carburants . En effet, le constat est une importation massive de véhicules de tourisme dont la facture s'est élevée à 3,725 en 2013 et 2,956 milliards de dollars en 2014. Le parc est passé de 2,9 à 5,7 millions de véhicules durant la période de 2000-2013, selon l'ONS, les véhicules de tourisme qui repré- sentent 71% du parc, 21% pour les fourgonnettes et 2,5% pour les camions avec une moyenne d'âge pour 2013 de 22,2% pour les moins de 5 ans, 11,82% entre 5/9 ans, 5,24% pour la tranche 10/14 ans, 4,08% entre 15/19 ans, et 56,66% pour 20 ans et plus. La facture d'importation pour les automobiles de transport de marchandises s'est élevée à 2,104 milliards de dollars en 2014 contre 2,225 en 2013, les données de l'ONS sous-estimant, en volume physique, sans doute cette rubrique, l'ONS reconnaissant que seulement en 2013. Une part de 56,8% a fait l'objet d'une immatriculation définitive, soit 314.872 tous genres confondus. Par ailleurs, l'année 2014 a enregistr é un volume de ventes de 339.094, 274.628 véhicules particuliers( VP) et 64.466 véhicules utilitaires (VU). Par rapport à 2013, le marché global a enregistr é une baisse de 19,65%, véhicules particuliers et véhicules utilitaires. Le véhicule particulier représente 80,99% du volume global contre 19,01% pour les véhicules utilitaires. Tout en n'oubliant que bon nombre d'autres secteurs, notamment les boulangeries, l'agriculture, les pécheurs utilisent également le gasoil. J'ai préconisé avec les experts que l'Algérie devait impérativement changer de modèle de consommation énergétique, de revoir la politique des subventions qui devaient être ciblées (nous avons envoyé une mission en Malaisie, expérience réussi étant à méditer ), privilégier le GPLc, le GNW pour les gros transporteurs, utiliser le BUPRO pour desservir les zones déshérit ée tant au Nord, dans les Hauts plateaux et le Sud car cela ne demande pas la séparation du propane et du butane, et donc économiser des investissements colossaux pour des complexes. Du fait de l'extrapolation de la demande, interne en croissance, face à une offre déclinante, le rapport prévoyait une l'importation massive de gas-oil horizon 2010/2014 et également de l'essence sans plomb (importation d'un million de tonnes en 2013). Le rapport insistait sur l'importance d'une politique active du stockage pour un espace équilibr é et solidaire afin d'éviter les ruptures d'approvisionnement. Or les recommandations n'ont pas été appliquées. Ainsi, l'Algérie a consommé 14 millions de tonnes de carburants en 2012, soit 14% de plus par rapport à 2011 et a accusé un déficit de production de 2,4 millions de tonnes. Selon le rapport de la banque mondiale de 2014, les subventions des carburants en 2014 ont dépassé 20 milliards de dollars, le tiers du budget annuel de l'Etat, alors que 10% de la population la plus aisée consomme plus de carburant que les 90% restant de la population. La consommation de gas-oil a représenté en 2013 70% avec 14 millions de tonnes, alors que la consommation du GPC entre 300 000/350 000 tonne, et le Bupro une consommation presque nulle, étant encore au stade de l'expérimentation. Par ailleurs, l'Algérie, qui demeure un des rares pays africains qui utilisent encore l'essence avec plomb, l'importe en partie. Selon un rapport du programme des Nations unies pour l'environnement (UNEP) publié en avril 2014 où la teneur en soufre dans le gas-oil algérien se situant entre 500 et 2000 ppm doit se conformer aux normes internationales en généralisant l'essence sans plomb. Pour Sonatrach, l'Algérie devrait mettre fin à la production de l'essence plombée, en produisant deux types d'essence sans plomb le 90 et le 95. DES CAPACITES DE STOCKAGE REDUITES Ainsi, depuis 2011, les discours vont vers l'optimisme. Je cite l'ex-P-DG de Sonatrach en date du 1er juillet 2014 : "L'Algérie ne connaîtra plus de pénurie, cessera ses importations de gasoil, en2015, après la réhabilitation de ses raffineries appelées à fonctionner à plein régime". Dans la même ligne d'idées, le ministre de l'Energie a annoncé début 2014 que le problème des approvisionnements sera résolu fin 2014, suivi début 2015 par le P-DG de Naftal qui annonce qu'il n'y a pas de pénurie, en contradiction avec les longues chaînes dans de nombreuses wilayas. Le 16 avril 2015, le ministre de l'Energie annonce officiellement, devant les déput és, que les capacités stockage sont réduites, de 7 à 10 jours maximum et qu'un montant de 200 millions de dollars sera débloqué pour arriver à 30 jours à l'horizon 2020. Or, il suffit d'une rumeur pour qu'il y ait rupture de stocks, sept à dix jours étant largement insuffisants. Cela relève du management strat égique qui doit tenir compte de la spécificité de chaque région, pour parer aux conséquences d'une pénurie qui peut paralyser des secteurs stratégiques comme la défense nationale ou l'économie, engendrant des prix spéculatifs. Ainsi, les stocks stratégiques, distinguant trois grands systèmes complémentaires, les stocks privés, les stocks d'Etat dominants aux USA, Japon, Allemagne, France et les stocks d'agence (organisme de droit public ou privé), sont le résultat d'une politique des pouvoirs publics établie pour faire face à une rupture grave des approvisionnements, liée à une crise pétrolière internationale, une grève de la navigation, un boycott politique, une catastrophe naturelle, voire à une impré- voyance dans la gestion des exportations de certains pays. Par exemple pour la France, il est exigé la constitution de stocks de pétrole brut et de produits finis pour 90 jours d'importations journalières moyennes nettes, soit 61 jours de consommation intérieure journalière moyenne en carburants. Dans la majorité des pays, le stock de sécurité dépasse deux mois. D'une manière générale, il y a urgence de penser à un nouveau modèle de consommation énerg étique. L'Energie étant au cur de la sécurité nationale, selon les prévisions tenant compte de la forte consommation intérieure et des exportations, à moins de découvertes substantielles, les réserves de pétrole et de gaz traditionnel devraient s'épuiser à l'horizon 2030, devant aller vers un Mix énergétique. L'Algérie pour ne prendre que l'exemple du transport, mais qui concerne la majorité des secteurs économiques et l'ensemble des ménages, s'orientera- t- elle vers l'essence, au diesel, au GPLc, au GNW (pour les tracteurs, camions, bus), ou vers les utilisations hybride ou solaire, avec la révolution technologique qui s'annonce ? Quel mode de transport en fonction de la stratification des revenus des ménages devra-t-on privilégier ? Quel coût pour le budget de l'Etat engendre les accidents sur la route ? Quel sera le prix de cession de ces carburants et la strat égie des réseaux de distribution pour s'adapter à ces mutations technologiques ?