Selon un rapport parlementaire britannique publié vendredi, l'opération navale de l'Union européenne contre les passeurs de migrants au large de la Libye est un échec et ne contribue qu'à encourager les trafiquants à changer de stratégie. L'opération Sophia, mise en place à l'été 2015, ne réduit en rien le nombre de migrants, ne perturbe pas les réseaux de trafiquants ni n'entrave le trafic humain en Méditerranée centrale, selon ce rapport de la commission des Affaires européennes de la Chambre des Lords, la chambre haute du Parlement britannique. Le rapport de la chambre des Lords note toutefois que l'opération Sophia apporte une contribution non négligeable à la recherche et au sauvetage de migrants échoués, avec 9.000 personnes secourues. L'Union européenne a réagi vendredi à ce rapport qui, selon elle, salue l'énorme contribution de son opération ayant permis de sauver des milliers de vies et de réduire les incitatifs aux trafiquants. Mais, poursuit le rapport, l'opération Sophia a conduit à un nombre faible d'arrestations (une cinquantaine), souvent des sous-fifres, les responsables s'arrangeant pour ne plus être à bord des bateaux arraisonnés. Les destructions de navires, au nombre de 80 selon la Commission parlementaire, ont elles conduits les trafiquants à utiliser des embarcations gonflables, encore moins sûres pour les migrants. Dès le départ, cette mission, qui consiste à patrouiller au large de la Libye dans une zone six fois plus grande que l'Italie, présentait un énorme défi, a commenté le président de la commission, Lord Tugendhat, sur le site internet du Parlement. Il y avait peu de chance que l'opération Sophia bouleverse le modèle commercial des trafiquants, alors qu'elle ne peut opérer ni dans les eaux territoriales libyennes ni sur le territoire libyen. Les Européens souhaitent passer à une phase plus offensive de leur opération navale, mais en l'absence d'une requête en ce sens émanant d'un gouvernement d'unité stable et légitime dans le pays, ils doivent pour l'heure se cantonner aux eaux internationales. Le réseau de trafic part de Libye et s'étend à l'Afrique. Sans le soutien d'un gouvernement libyen stable, l'opération ne peut pas rassembler les informations nécessaires pour s'attaquer aux trafiquants à terre, note Lord Tugendhat. Or, souligne-t-il, le nouveau gouvernement d'union libyen soutenu par la communauté internationale, qui est encore loin d'avoir imposé son autorité à l'ensemble du pays, ne sera pas en position de travailler étroitement avec l'UE dans un avenir proche. Les Européens envisagent toutefois d'élargir leurs activités au sein de la mission Sophia. Leurs ministres des Affaires étrangères devraient (probablement le 23 mai prochain selon plusieurs diplomates) donner leur feu vert à deux tâches supplémentaires, a expliqué la Haute représentante de l'UE, Federica Mogherini, dans un communiqué. Le soutien, la formation et le partage de renseignements avec les garde-côtes et la Marine libyenne sont envisagés, ainsi que la participation des bâtiments de guerre de Sophia à la mise en œuvre de l'embargo sur les armes de l'ONU, en haute mer, au large des côtes libyennes. Mais ces projets se heurtent à des obstacles juridiques et cela ne pourra se faire sans demande formelle des nouvelles autorités pour la première option, et d'une nouvelle résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies pour l'autre, a souligné Mme Mogherini. Mme Mogherini en présentera la teneur au Premier ministre libyen Fayez el-Sarraj lundi à l'occasion d'une réunion à Vienne en présence des chefs de la diplomatie américaine, John Kerry, et italien, Paolo Gentiloni. Avec quelque 28.600 migrants débarqués depuis le début de l'année selon le HCR, l'Italie est redevenue la principale porte d'entrée méditerranéenne depuis la fermeture de la route des Balkans et l'accord sur le renvoi vers la Turquie des nouveaux arrivants en Grèce.