Le bilan de l'incendie volontaire déclenché dans une église d'Eldoret continue de croître, portant le nombre des victimes des violences au Kenya à plus de 300 tués. "Au moins 35 personnes ont été brûlées vives dans l'église (...). Il y avait des femmes et des enfants", selon un haut responsable de la Croix-Rouge locale. D'après un autre responsable de l'organisation, 42 personnes "grièvement brûlées" ont été hospitalisées. Trois cents à 400 personnes étaient réfugiées dans l'église pour fuir les violences interethniques qui secouent le pays, quand des incendiaires s'en sont pris au bâtiment. Eldoret est la ville kényane la plus touchée par les violences avec la localité voisine de Kisumu, fief de l'opposant Raila Odinga, qui conteste le résultat des élections du 27 décembre qui ont vu le président Kibaki être réélu. La Croix-Rouge kényane a estimé qu'au moins 70 000 personnes avaient été déplacées dans l'ouest du pays par les violences. Des images aériennes montrent des centaines de maisons et huttes incendiées et des barrages routiers installés tous les dix kilomètres sur les routes. Des centaines de Kényans de la tribu kikuyue, dont est issu le président Kibaki, se sont réfugiés en Ouganda, selon des responsables ougandais, pour fuir des opérations de police et des actes de vengeance d'autres tribus, loyales à l'opposant Odinga. L'Union africaine et l'Union européenne ont appelé mardi les représentants des deux camps à "la retenue" et au "dialogue" , l'UE souhaitant qu'une "solution crédible et transparente" soit trouvée aux problèmes suscités par l'élection présidentielle. Ayant téléphoné à MM. Kibaki et Odinga, le premier ministre britannique, Gordon Brown, les a appelés à "se parler" et à "explorer la possibilité qu'ils puissent se rassembler dans un gouvernement". La secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, et le ministre des affaires étrangères britannique, David Miliband, ont également appelé, mercredi, dans un communiqué commun, les dirigeants kényans à "faire preuve d'esprit de compromis". Le président du Ghana, John Kufuor, qui assure la présidence de l'Union africaine (UA), doit se rendre au Kenya mercredi pour rencontrer le président Kibaki. M. Kibaki a convenu que "les dirigeants des partis politiques devraient se rencontrer immédiatement et appeler publiquement au calme". De son côté, Raila Odinga avait auparavant averti dans un entretien à la BBC qu'il n'accepterait de "négocier" avec le président sortant que si M. Kibaki reconnaissait avoir perdu les élections. "Les voix peuvent être recomptées (...), avait-il dit. Nous sommes disposés à faire venir une équipe internationale de juges." Les soupçons de fraude sont attisés par les propos du président de la commission électorale kényane, qui dit avoir subi des pressions de l'entourage du chef de l'Etat, rapporte mardi le journal The Standard dans son édition en ligne. "Je ne sais pas si Kibaki a gagné l'élection", déclare Samuel Kivuitu, selon un article diffusé sur le site. Le président de la commission explique que des membres de l'entourage présidentiel l'ont appelé fréquemment pour lui demander d'annoncer les résultats au plus vite. "J'ai pensé à démissionner mais j'ai décidé que non parce que je ne veux pas qu'on dise que je suis un lâche", a-t-il déclaré, selon l'article du Standard.