La Bourse de New York, presque stable sur la semaine écoulée malgré le ralentissement surprise du marché de l'emploi, va tenter cette semaine d'évaluer s'il ne représente qu'un nuage isolé ou annonce une tempête économique. Sur les quatre dernières séances, la semaine ayant été écourtée par le long week-end en l'honneur des militaires américains morts au combat, l'indice vedette Dow Jones Indusrial Average a cédé 0,37% à 17 807,06 points. Le Nasdaq, à dominante technologique, a en revanche progressé de 0,18% à 4 942,52 points et l'indice élargi S&P 500 a stagné à 2 099,13 points (+0,00%). Après plusieurs séances sans relief, la principale nouvelle économique est venue vendredi, sous forme d'un chiffre de créations d'emplois en mai très inférieur aux attentes. Dans l'immédiat, les analystes y ont surtout vu le signe que la Réserve fédérale s'abstiendrait probablement de relever les taux d'intérêt le 15 juin, voire en juillet ou septembre. Les investisseurs ont ainsi pu dédramatiser et contenir le recul des indices, car "les marchés s'ajustent aux taux", a souligné Gregori Volokhine, chez Meeschaert New York. Mais "ce genre de surprise met du temps à se digérer", a-t-il ajouté, estimant que dans un deuxième temps, la semaine qui vient, "le marché se demandera plutôt où va l'économie américaine". "La question c'est de savoir si on est arrivé au plein emploi avec le taux de chômage à 4,7%", alors que "en général, quand on est au plein emploi cela marque la fin d'une période d'expansion", a encore expliqué M. Volokhine. "Du coup on va faire une autre lecture des indicateurs, on ne se demandera plus ce qu'en pensera la Réserve fédérale, mais où en est l'économie américaine", a-t-il dit. Pour cela, les investisseurs devront décortiquer mardi les chiffres sur la productivité au premier trimestre, ainsi que sur les crédits à la consommation accordés en mai. Puis viendront jeudi les demandes hebdomadaires d'allocations chômage, et vendredi une première estimation sur la confiance des consommateurs en juin. La présidente de la Réserve fédérale Janet Yellen, qui avait le mois dernier laissé la porte ouverte à une prochaine hausse des taux, aura pour sa part l'occasion de rectifier cette perception avec un discours prévu lundi à la mi-journée. A mesure qu'on s'approche de la réunion du Comité de politique monétaire des 14-15 juin, "tout commentaire de responsables de la Fed est susceptible d'influencer le marché encore plus que d'habitude", a souligné Tom Cahill, chez Ventura Wealth Management, même si les investisseurs n'évaluent plus qu'à 4% la probabilité d'une hausse des taux dans dix jours. "Ce dont le marché a le plus peur, c'est que la Fed agisse trop rapidement", c'est à dire avant que l'économie américaine soit assez solide pour résister à un loyer de l'argent remonté, a expliqué M. Cahill.
Pessimisme Comme la Fed a aussi évoqué les risques que fait peser l'économie mondiale sur l'économie américaine comme justification de sa réticence à rehausser les taux depuis décembre, M. Cahill a indiqué qu'il suivrait également de très près les statistiques chinoises attendues dans les jours qui viennent, en particulier sur les réserves de change et le commerce. Les commandes industrielles en Allemagne devraient également retenir l'attention des investisseurs américains, a-t-il noté. Mais en tout état de cause, a souligné M. Cahill, une nette progression du marché est difficile à envisager alors que le S&P 500 frôle toujours le seuil de résistance des 2 100 points. "Il va falloir attendre de voir augmenter les bénéfices des entreprises" pour que le marché avance, a-t-il dit, or il faut encore attendre six semaines pour la prochaine vague de résultats d'entreprises. Actuellement "seulement 18% des investisseurs tablent sur une hausse" du marché, a souligné Michael James, de Wedbush Securities, notant que ce chiffre donné par l'Association américaine des investisseurs individuels est au plus bas depuis onze ans, et témoigne d'"un niveau de pessimisme extrême".
En légère baisse, Wall Street résiste Wall Street a légèrement baissé vendredi, sans s'affoler face à de mauvais chiffres sur l'emploi américain, que les investisseurs essayaient surtout d'interpréter à l'aune des perspectives monétaires aux Etats-Unis: le Dow Jones a perdu 0,18% et le Nasdaq 0,58%. "La Bourse continue d'être extraordinairement résistante", a résumé Michael James, de Wedbush Securities. "A voir les chiffres de l'emploi d'aujourd'hui, on aurait cru que la journée allait être difficile pour le marché." Pourtant, la Bourse s'est peu à peu remise après avoir ouvert nettement dans le rouge dans la foulée de l'annonce par le département du Travail de créations d'emplois très faibles et décevantes en mai. "Je ne suis pas sûr que (les chiffres de l'emploi) représentent une vraie tendance", a relativisé Peter Cardillo, économiste en chef chez First Standard Financial "A mon avis, c'est une variation exceptionnelle." De plus, ces chiffres provoquent "d'autres phénomènes qui sont en fait favorables à la Bourse, comme une chute du dollar", a-t-il remarqué. Le billet vert, dont la force a tendance à inquiéter multinationales et exportateurs américains, dévissait non seulement parce que les chiffres de l'emploi inquiètent sur l'économie américaine, mais aussi parce qu'ils semblent, de l'avis général, exclure l'idée d'une hausse des taux par la Réserve fédérale (Fed) dès juin. "La faiblesse du dollar bénéficie à de nombreux groupes", a renchéri M. James. "Ceux qui en profitent n'ont pas connu une mauvaise séance et je pense que leurs performances ont aidé à compensé celles des groupes qui pâtissent directement des mauvais chiffres sur l'emploi."
Yahoo! baisse Sur ce dernier plan, le secteur bancaire, à qui profiterait une hausse des taux, a le plus souffert des chiffres de l'emploi et des espoirs douchés de resserrement monétaire: Goldman Sachs a perdu 2,27% à 155,67 dollars, Morgan Stanley 2,71% à 26,54 dollars et Citi 3,36% à 45,39 dollars. Parmi les autres valeurs, le groupe internet Yahoo, sur lequel continuent à régner les spéculations quant à son avenir, a reculé de 1,48% à 36,60 dollars après un article du New York Post évoquant des discussions avec le réseau social Twitter, resté stable en Bourse, sur une éventuelle fusion. Le producteur énergétique Talen s'est envolé de 17,17% à 13,99 dollars après avoir annoncé son rachat pour plus de cinq milliards de dollars par le fonds Riverstone, non côté. Chemours, chimiste né d'une scission du géant DuPont (+1,00% à 68,78 dollars), a perdu 4,63% à 8,45 dollars après une note du fonds spéculatif Citron, selon laquelle le groupe a été "volontairement conçu pour faire faillite". La chaîne de magasins de vêtements Gap a gagné 4,15% à 19,09 dollars après avoir annoncé une baisse, certes importante mais moins marquée que prévu, de ses ventes en mai. Le fabricant de semi-conducteurs Broadcom a pris 4,94% à 162,56 dollars après avoir annoncé un doublement de ses ventes au dernier trimestre, et fait état de prévisions jugées optimistes. Egalement dans le secteur, Ambarella (systèmes de compression de vidéo), dont les bénéfices trimestriels ont dépassé les attentes malgré une chute, a bondi de 9,39% à 46,47 dollars.
L'euro bondit face au dollar L'euro bondissait vendredi face à un dollar abattu par des chiffres très décevants sur l'emploi américain, qui semblaient exclure l'idée d'une hausse des taux de la Réserve fédérale en juin, voire lors des mois suivants. À la clôture, l'euro valait 1,1364 dollar - après avoir atteint 1,1374 dollar, son niveau le plus élevé depuis la mi-mai - contre 1,1154 dollar jeudi vers 21H00 GMT. La monnaie européenne baissait un peu face à la monnaie nippone, à 121,17 yens - après avoir atteint 120,83 yens, au plus bas depuis plus de trois ans - contre 121,44 yens jeudi. Le dollar chutait face à la devise japonaise, à 106,63 yens contre 108,88 yens la veille. "Manifestement, le moteur du marché des changes aujourd'hui, c'est le rapport extrêmement décevant sur l'emploi" aux Etats-Unis, a résumé Nick Bennenbroek de Wells Fargo. Le dollar, qui bénéficierait d'un resserrement monétaire américain, profitait depuis plusieurs semaines de déclarations de membres de la banque centrale américain, en premier lieu sa présidente Janet Yellen, laissant entendre que ses taux pourraient être relevés dès juin. La livre britannique baissait face à la monnaie européenne, à 78,28 pence pour un euro, mais montait face au dollar, à 1,4517 dollar pour une livre. La devise suisse baissait face à l'euro, à 1,1092 franc pour un euro, mais montait fortement face au billet vert, à 0,9761 franc pour un dollar. La monnaie chinoise repartait à la hausse face au billet vert, à 6,5718 yuans pour un dollar contre 6,5845 yuans pour un dollar jeudi à 15H20 GMT. L'once d'or a fini à 1 240,50 dollars au fixing du soir contre 1 212,40 dollars jeudi soir.