Si les pays de l'Opep concrétisent leur accord sur une baisse de leur production pour soutenir les cours de l'or noir, les automobilistes français devront bientôt se réhabituer à des carburants plus chers à la pompe, mais l'ampleur de la remontée est encore difficile à évaluer. L'ajustement entre le prix du brut et l'ajustement des prix à la pompe n'est pas toujours directement automatique, prévient Jérome Sabatier, économiste à l'IFP Energies nouvelles, un institut de recherche public. Concrètement, si le baril augmente de 5%, vous ne voyez pas 5% de hausse au bout de la chaîne, résume Frédéric Plan, délégué général de la Fédération française des combustibles, carburants et chauffage (FF3C). En France, les cours du brut constituent entre 25 et 40% du prix à la pompe du gazole et de l'essence, rappelle Michael Lafarge, expert pétrole et gaz du cabinet de conseil EY. Tout le reste représente les coûts de raffinage, de transport et de distribution des carburants, et surtout les différentes taxes. L'augmentation des prix du brut va aussi renchérir les coûts de production dans les raffineries, contribuant ainsi à la hausse finale à la pompe, avance Francis Duseux, président de l'Union française des industries pétrolières. Pour l'instant, l'Opep n'a pas détaillé quand et comment sa décision sera mise en œuvre. Cela devrait être fait fin novembre. La réaction des autres pays producteurs, comme la Russie et les Etats-Unis, influera sur l'intensité et la vitesse de la remontée des cours. En tout état de cause, on imagine une remontée des prix du brut mais pas un retour aux 100 dollars le baril comme en 2014, avance M. Sabatier. A cette période, le prix à la pompe était en France de plus d'1,50 euro le litre pour l'essence et 1,30 euro pour le gazole. Il était de 1,29 euros pour l'essence et de 1,11 euro pour le gazole la semaine dernière. Rôle des stocks et de la demande Depuis mercredi, les cours du brut se sont globalement redressé d'environ 2 dollars, relève Michael Lafarge. Cela devrait se traduire, toutes choses égales par ailleurs, par une hausse d'environ 3 centimes d'euros sur le litre de carburant dans l'immédiat, estime-t-il. Si le taux de change entre le dollar et l'euro se maintient, une hausse de 10 dollars le baril (soit +22% par rapport au cours du 23 septembre, ndlr), l'incidence au litre serait de +0,067 euros, tva incluse, soit une hausse de 6%, calcule Frédéric Plan. Il faudra aussi surveiller l'impact des stocks de produits pétroliers raffinés, actuellement à des niveaux élevés jamais connus, prévient M. Sabatier. L'an dernier, les raffineurs avaient des marges tellement bonnes (autour de 46 euros la tonne, ndlr) qu'ils ont surproduit par rapport à la demande du marché, explique Kristine Petrosyan, experte pétrolière à l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Cela a d'ailleurs déjà rogné leurs marges cette année, qui sont revenues à leur niveau de 2014, selon des données de l'Ufip, soit 22 euros la tonne en moyenne. Ces niveaux de stocks, et un marché très compétitif en France et en Europe, font aussi que les raffineurs n'auront pas la possibilité de transférer la hausse (des prix du brut) sur leurs marges, avance M. Sabatier. Du coup, est-ce que l'augmentation des prix des produits finis suivra celle éventuelle du brut, cela dépendra de la situation des stocks et de l'évolution de la demande pour ces produits, ajoute l'experte de l'AIE.