Il y a tant d'années que la monnaie européenne enfonce l'américaine qu'on avait oublié à quel point le bouclier d'un euro fort était efficace pour contenir le prix des carburants. Certes, c'est connu : comme le dollar est la monnaie de référence sur le marché international de l'énergie, un euro fort permet d'amortir les hausses du cours du baril. Mais, avec le temps, la perception qu'on avait de cet avantage s'était émoussée. Les prix actuels des carburants nous ramènent à la réalité.L'euro qui cotait déjà 1,30 dollar en 2005 avant de grimper à 1,60 dollar en juillet 2008, valait encore 1,50 euro en mai 2011. En août 2011, il était à 1,45 dollar… Aujourd'hui, il dégringole à 1,23. Forcément, dans un système où les pétroliers paient le baril en dollars et le font payer à la pompe en euros, cette fluctuation des parités n'est pas anodine pour le porte-monnaie de l'automobiliste.Les professionnels de l'Union française des industries du pétrole (Ufip) font une relation précise entre l'évolution des parités monétaires et les prix à la pompe : «Pour une baisse de 10 centimes de l'euro par rapport au dollar, l'impact à la pompe est une hausse de 5 centimes par litre pour l'essence et de 6 centimes pour le gazole»… au moins tant que le niveau des taxes reste inchangé.
Un prix identique du baril Or, il est intéressant de constater que le prix moyen du baril de pétrole de mer du Nord (le Brent) en août 2011 avait été de 109 dollars. Soit à un niveau approximativement identique à celui des quinze premiers jours d'août 2012, à 110 dollars. Mais alors que le prix du litre de gazole était de 1,31 euro et celui du super 95 de 1,49 euro il y a tout juste un an (moyenne relevée par les pouvoirs publics), il faut aujourd'hui payer 11 centimes de plus le litre de gazole et 10 centimes pour le super ! Pas étonnant : d'un août à l'autre, la valeur de l'euro par rapport au dollar a baissé de 22 centimes. Si on se réfère à la relation exprimée par les experts de l'Ufip, ce recul devait se traduire par une hausse de l'ordre de 10 centimes pour le litre de gazole, et de 12 centimes pour le super. Or, tels sont bien, grosso modo, les écarts de prix à la pompe observés à douze mois d'intervalle.
Des écarts de prix à la pompe uniquement dus à l'euro Le différentiel de prix du baril est également un facteur capital dans la hausse des prix des carburants. Mais en l'occurrence, il n'existe pas sur les exemples retenus. Par ailleurs, pour être plus précis, il faudrait intégrer également d'autres paramètres comme la marge de raffinage passée de 25 à 33 euros la tonne sur les deux mois de référence. Toutefois, l'incidence est presque négligeable face à l'évolution des parités lorsqu'elle atteint cette amplitude.Ainsi, la hausse que les automobilistes en vacances perçoivent d'une année sur l'autre en passant à la pompe, est uniquement due à la baisse de l'euro... dont on mesure mieux, ainsi, les effets.
Les tensions vont se durcir, les prix vont augmenter Le problème pour les automobilistes, c'est la suite des évènements. Si le prix du pétrole a reculé après le pic de la mi-mars, il a repris une tendance haussière : ayant entamé le mois d'août à 105 dollars le baril, le Brent cotait 114 dollars deux semaines plus tard. Et les conditions de marché devraient continuer à se durcir, à cause des sanctions contre l'Iran et des tensions qui s'amplifient au Moyen-Orient (entre l'Iran et Israël).Quant à l'euro, il pourrait continuer à baisser sans que personne ne s'en offusque. Car cette tendance de la monnaie européenne est un des facteurs déterminants pour que l'Europe retrouve une part de sa compétitivité dans la compétition internationale. Globalement, les exportateurs estiment que, face au dollar, le cours d'équilibre de l'euro se situerait autour de 1,20 euro. On y arrive à peine…
Un bilan en demi-teinte pour la balance commerciale française Et quand on considère le solde des échanges extérieurs de la France, négatif de 71 milliards d'euros en 2011 (et 35 milliards au premier semestre 2012), il est bien temps que les entreprises exportatrices puissent repartir à la conquête de marchés sans être pénalisées par la valeur de la monnaie. Pour autant, la baisse de l'euro n'est pas une bonne nouvelle pour la balance commerciale, dans la mesure où tout renchérissement des produits pétroliers en euros alourdit la facture pétrolière et grève un peu plus le solde de la balance commerciale. Or, en 2011, cette facture a dépassé 50 milliards d'euros (contre 29 milliards en 2009). Un euro plus faible augmentera mécaniquement le poids des importations de produits pétroliers.Aussi, pour que le regain de compétitivité provenant de la baisse de la monnaie ne génère pas une dégradation encore plus forte de la balance commerciale, faut-il que l'économie dans son ensemble soit moins gourmande en énergie -et d'abord en produits pétroliers- pour contenir la dérive de cette facture.Malheureusement, on n'en prend pas le chemin: la facture énergétique -toutes énergies confondues- a atteint 32,4 milliards d'euros au premier semestre 2012, en hausse de 1,9 milliard sur le semestre précédent.
Les promesses du candidat Hollande reviennent au goût du jour Quoi qu'il en soit, le prix du baril n'est pas prêt de refluer et l'euro ne va pas remonter dans un contexte de récession économique, européenne. Pour les automobilistes, il ne reste plus qu'à imaginer de nouvelles stratégies de déplacement pour éviter le dérapage des dépenses en carburants.Car même si le gouvernement devait décider un blocage des prix à la pompe, il ne pourrait être que provisoire : trois mois, avait indiqué François Hollande pendant la campagne présidentielle.Et si, ensuite, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault devait mettre en place un système de Tipp flottante pour compenser la hausse de la TVA par une baisse de la taxe sur les produits pétroliers, reste que l'augmentation du prix du carburant hors taxes ne pourra, elle, être compensée. Sauf à peser lourdement sur les comptes de l'Etat… qui ne peut se le permettre. G. B. in Slate.fr