Au moins 10 personnes ont été tuées mercredi, et plus de 50 blessées dans des affrontements entre le Mouvement Islamique du Nigeria (IMN), groupe chiite, et les forces de sécurité dans l'Etat de Katsina (Nord), a déclaré un porte-parole du mouvement. Dix de nos membres ont été tués par la police et par des soldats, qui ont ouvert le feu sur notre procession dans la ville de Funtua, a expliqué Husseini Yero, porte-parole local de l'IMN. La vague de violences s'est propagée dans plusieurs Etats du nord du Nigeria, en ce jour de l'Achoura, fête religieuse particulièrement suivie par la mouvance islamique chiite. Les gouvernements de Katsina, Kebbi et Kano avaient interdit aux musulmans chiites d'organiser leur traditionnelle procession religieuse. A Kaduna (Etat de Kaduna), où l'IMN - mouvement extrémiste pro-iranien - est totalement interdit depuis la semaine dernière, les affrontements auraient fait deux morts. L'hostilité envers les chiites est montée d'un cran depuis une semaine dans cette ville convertie au salafisme, les imams n'hésitant plus à faire des prêches haineux contre cette minorité, selon les habitants. Mercredi, des témoins ont rapporté qu'une foule de centaines de personnes ont mis à sac la maison de Mukhtar Sahabi, leader local de l'IMN, avant d'y mettre le feu. Nous essayons de retrouver deux de nos membres qui étaient dans la maison lorsque les pillards sont rentrés, a expliqué Ishaq Saleh, de l'IMN, craignant qu'ils soient morts. A Kano, cité millénaire de l'islam sunnite de 10 millions d'habitants, des douzaines de personnes ont été blessées, alors que la foule s'en est pris aux pèlerins chiites pendant leur célébration. Nous avons soigné 17 personnes blessées, et sauvé 138 femmes de l'IMN prises à partie par la foule, a rapporté le porte-parole de la police de Kano Magaji Musa, soulignant que les forces de sécurité ne condamneraient pas ces personnes malgré l'interdiction d'organiser leur procession. L'IMN ne reconnaît pas l'autorité d'Abuja et est partisan de l'instauration d'un régime à l'iranienne, notamment dans l'Etat de Kaduna. Amnesty International avait accusé l'armée d'avoir massacré plus de 350 musulmans chiites entre le 12 et le 14 décembre, d'avoir enterré les cadavres dans une fosse commune et d'avoir détruit les preuves. Le gouvernement de Kaduna a commandé une enquête indépendante, concluant en août que 347 chiites avaient été effectivement abattus, mais personne dans l'armée n'a à ce jour été jugé ou condamné pour ce massacre. Le chef de l'IMN, Ibrahim Zakzaky, incarcéré plusieurs fois par le passé, a été arrêté depuis décembre, n'a jamais été poursuivi en justice et personne ne sait où il est détenu. Une centaine de membres de l'IMN sont toujours incarcérés dans la prison centrale de Kaduna, dans l'attente de leur procès. Le politologue nigérian Chris Ngwodo, basé dans la ville de Jos, dénonce la manière dont le gouvernement fédéral et l'Etat de Kaduna gèrent le problème, qui encourage selon lui l'émergence d'un fort sentiment anti-chiite parmi la population. Nous pourrions facilement nous retrouver face à une situation de vengeance, et à des conflits sectaires entre sunnites et chiites, note l'expert, soulignant que cela pourrait également redonner du poid à la rebellion salafiste et anti-chiite Boko Haram, qui a quasiment disparu dans ces Etats depuis près de deux ans. Le gouvernement nigérian avait maté de la même manière la secte islamiste de Boko Haram, tuant son fondateur Mohammed Yusuf en 2009, ce qui avait déclenché des émeutes à Maiduguri (Nord-Est) faisant des centaines de morts. La ministre de l'Information de l'époque, Dora Akunyili, avait alors félicité les forces de sécurité du pays et avait annoncé la fin de l'islamisme radical. Le mouvement ne s'en est qu'un peu plus radicalisé, faisant à ce jour plus de 20.000 morts. La moitié de la population du Nigeria est musulmane, quasi entièrement sunnite, avec une petite minorité de chiites, selon les chiffres officiels. Huit personnes tuées dans un attentat Huit personnes ont été tuées mercredi dans un attentat provoqué par l'explosion d'une voiture dans une gare routière de Maiduguri, dans le nord-est du Nigeria, selon l'Agence nationale de gestion des urgences (Nema). Huit personnes ont été tuées et 15 autres blessées ont été emmenées à l'hôpital, a déclaré le porte-parole de la Nema, Ibrahim Abdulkadir, soulignant qu'une équipe était aussitôt arrivée sur les lieux. L'attentat, qui n'a pas été revendiqué, s'est produit à la sortie de la capitale de l'Etat du Borno, berceau du groupe islamiste Boko Haram, a déclaré le porte-parole de la police locale, Victor Isuku, dans un communiqué. A 08h30 ce matin (mercredi), une bombe artisanale a explosé à bord d'une (voiture) Golf (...) qui transportait cinq personnes, selon le communiqué de la police. Une femme kamikaze est à l'origine de l'explosion, a ajouté la police. Le porte-parole de Nema, n'a pas confirmé ces informations: Nous ne savons pas pour l'instant s'il s'agit d'un attentat-suicide ou une bombe qui avait été placée dans la voiture. Un taxi collectif a tenté d'entrer dans la gare routière où les véhicules qui se rendent vers Dikwa et Gamboru Ngala attendent une escorte militaire avant de prendre la route, a rapporté un membre des Civil JTF, la milice civile qui protège Maiduguri, présent non loin du lieu de l'attentat. Ancien fief de Boko Haram, Maiduguri a réussi à retrouver une paix relative depuis l'élection du président Muhammadu Buhari en mai 2015 et une contre-offensive de l'armée. Une tentative d'attentat-suicide avait échoué le 27 juin contre une mosquée de la ville, où se sont réfugiées plus de 1,5 million de personnes ayant fui les combats de la région. De larges zones de l'Etat du Borno restent inaccessibles et les rares routes ouvertes par l'armée nigériane ne sont praticables que sous escorte militaire. Fin septembre, Médecins sans frontières avait enfin pu accéder à Gamboru Ngala, ville à la frontière du nord du Cameroun, où l'ONG a constaté une situation humanitaire désastreuse. L'insurrection de Boko Haram a fait au moins 20.000 morts et de 2,6 millions de déplacés depuis 2009.