Nombreux sont les civils syriens vivant sous le feu des groupes de radicaux armés. Enlèvements, vols, meurtres font partie de leur quotidien. Pierre Le Corf, l'un des rares humanitaires européens à être présent à Alep, donne la parole aux premiers concernés. Ce sont des civils, ils ne se battent contre personne, et pourtant leurs familles vivent un enfer. Dès que les radicaux voient quelqu'un de plus ou moins aisé, ils l'enlèvent, prennent tout ce qu'il possède et le relâchent, presque nu. " Ce n'est pas notre faute, nous sommes juste des gens, nous ne nous battons contre personne ", déplore un des habitants. Une fois kidnappés, difficile de savoir ce qu'il adviendra d'eux. " Ils ne sont pas revenus ", témoigne la foule d'hommes et de jeunes aux visages tristes et tendus. " Kidnappings, vols, meurtres, discriminations, c'est bien connu, toutes les valeurs d'un combat pour la liberté au service de la démocratie ", énumère le fondateur de l'ONG WeAreSuperheroes Pierre Le Corf, ajoutant que les locaux parlent entre autres du meurtre d'un journaliste français. Dans ce témoignage sans musique triste, ni mise en scène ni montage -, ces gens pris au hasard et ayant vécu côte à côte avec les terroristes, ici avec l'Armée syrienne libre (ASL), confient que le souvenir le plus difficile pour eux, ce sont les obus de mortiers tombant depuis les cieux : " Les obus nous tombaient dessus, on vivait avec la mort, beaucoup de gens ont perdu leurs maisons. Tu penses que tu es en sécurité et tout d'un coup les obus pleuvent. " Les forces gouvernementales sont présentes pour défendre la population contre les groupes armés. Du coup, le territoire est devenu une ligne de front entre les radicaux et le gouvernement. Parmi d'autres cauchemars quotidiens, ils évoquent des snipers des groupes extrémistes qui visent les civils… Soudain, la conversation est interrompue : les enfants courent après les camions de l'armée russe pour les remercier et chanter. " Je n'ai pas pu m'empêcher d'imaginer la tête de beaucoup de gens s'ils étaient là, tête de tant de gens pour qui cette guerre est devenue une raison de vivre, vie unilatérale et plutôt borgne ", estime M. Le Corf. Face aux menaces et pressions auxquelles il est confronté, qui émanent de ceux qui veulent effacer ces témoignages " pour que le mensonge ambiant reste celui-ci bien organisé, si bien financé ", il n'est pas facile de vivre comme si de rien d'était. " Alors oui, pour répondre à ceux qui lisent certains détracteurs plus intéressés dans mon silence que dans la balance, évidemment que cette guerre n'est pas toute blanche toute noire, le gouvernement a aussi une part de responsabilité dans les morts mais il faut comprendre pourquoi, ne pas oublier que c'est devenu une guerre et que les gens se sont retrouvés au milieu de ce merdier qui n'a rien d'un mouvement démocrate, qui n'a rien d'un mouvement au service des gens, de la liberté ", dénonce-t-il. Pourtant, alors que certains choisissent de stimuler telle ou telle émotion envers le pays enlisé dans le conflit par des moyens artificiels (pour ne pas dire " intox "), les gens souhaitent une chose toute simple, la paix et recommencer à vivre. Peut-être est-il temps de cesser de promouvoir les positions biaisées au moment où plusieurs Syriens frissonnent sous les tirs ? Car il y a d'autres choses à faire, comme les aider, par exemple.