Moteurs améliorés, pièces allégées, accessoires mis au régime et solutions innovantes: la guerre de la réduction des émissions de CO2 fait rage dans l'automobile à l'approche d'échéances réglementaires et dans le contexte de récents scandales. Les organisateurs du salon de Genève, qui ouvre ses portes mardi aux médias pour deux jours avant le grand public, veulent promouvoir les voitures émettant moins de 95 grammes de CO2 par kilomètre, le niveau d'émission que devront atteindre en moyenne les gammes européennes début 2021, contre 130 g en 2015. Si les constructeurs ne parviennent pas à 95 g, ce qui correspond à une consommation de 4,1 litres d'essence ou de 3,6 litres de gazole aux 100 km, ils devront s'acquitter de 95 euros par voiture et gramme de CO2 excédentaire, des pénalités potentielles de dizaines de millions d'euros. Complication, le scandale Volkswagen de triche aux émissions a donné le signal d'un durcissement des procédures d'homologation européennes, mais aussi d'une chute des ventes de voitures diesel, "certainement plus rapide que les constructeurs ne l'auraient pensé", indique Christophe Aufrère, vice-président chargé de la stratégie technologique de l'équipementier Faurecia. Or, souligne-t-il, "un diesel émet environ 15% de moins de CO2 par kilomètre. S'il y a 30% de diesel vendus en moins, cela veut dire globalement 5% d'émissions supplémentaires" qu'il faut compenser. Et "chaque gramme de CO2 gagné, c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup d'argent investi, et de plus en plus difficile", remarque Flavien Neuvy, directeur de l'observatoire Cetelem de l'automobile. "Les solutions sont de plus en plus chères", confirme Marc Charlet, directeur général du pôle de compétitivité automobile français Mov'eo: "il y a un vrai enjeu compétitif derrière, avec une concurrence féroce". Les dépenses de recherche et développement du secteur explosent. Elles ont "quasiment doublé en une décennie", révèle Rémi Cornubert, du cabinet AT Kearney, selon qui "plus de 50% des dépenses de R et D des constructeurs sont imposées par les mises aux normes".
12 kilos pour un gramme Mais Laurent Burelle, P-DG de l'équipementier Plastic Omnium, assure qu'"il y a encore beaucoup de grammes à aller chercher, par l'électronique, par les matériaux, par le design, par l'aérodynamique...". Même optimisme de Guillaume Devauchelle, directeur de l'innovation et de la recherche scientifique chez Valeo, équipementier qui vient de relever ses objectifs vu notamment le succès de ses produits visant à réduire les émissions: "les sources de gain sont théoriquement infinies", dit-il. Valeo, comme d'autres, œuvre à l'hybridation via des alterno-démarreurs et des compresseurs électriques qui évitent de trop solliciter le moteur thermique hors de ses conditions optimales de fonctionnement, comme dans les bouchons et en phase d'accélération. Pour sa part, Faurecia, qui fabrique entre autres des sièges et des planches de bord, travaille depuis dix ans sur la réduction des masses, en optimisant l'architecture des pièces et leur méthode de soudure ou en utilisant des matériaux innovants, tels les composites dont il s'efforce d'abaisser le coût. "On a réduit de 20% nos masses ces cinq dernières années, et on a comme objectif de gagner encore 20% supplémentaires" à horizon 2021, témoigne M. Aufrère. Au-delà de l'électrification et de l'allègement, "il faut aller chercher les grammes dans tous les coins de la voiture, et notamment dans les équipements", dit M. Devauchelle: climatisation plus efficace, car "c'est le deuxième consommateur (d'énergie) après le moteur" ou ampoules à LED, cinq fois moins gourmandes que celles à filament. Faurecia conçoit des lignes d'échappement combinant plusieurs fonctions de filtration et allégées. Il développe même un dispositif pour récupérer leur énergie thermique, sur le principe de la turbine à vapeur. Reste à savoir selon M. Devauchelle, combien le client final est prêt à payer pour une diminution de consommation. Mais, témoin de l'urgence du sujet, "aujourd'hui les constructeurs sont d'accord pour payer de l'allègement, ce qui n'était pas le cas avant", remarque M. Aufrère, évoquant un budget de "deux à quatre euros du kilo gagné" alors que réduire la masse d'une voiture de 10 à 12 kilos permet de grappiller un gramme de CO2.