Les cours du pétrole ont un peu monté vendredi, à l'issue d'une semaine terne qui a vu la production aux Etats-Unis revenir au centre des préoccupations du marché. Le prix du baril de "light sweet crude" (WTI), référence américaine du brut, a gagné 36 cents à 49,33 dollars sur le contrat pour livraison en juin au New York Mercantile Exchange (Nymex). A Londres, le prix du baril de Brent de la mer du Nord a pris 29 cents à 51,73 dollars sur le contrat pour livraison en juin à l'Intercontinental Exchange (ICE). "Ce n'est pas grand-chose au regard de la récente glissade", a commenté Kyle Cooper de IAF Advisors. Le brut n'a baissé que de 0,58% sur la semaine à New York mais avait encaissé une forte chute la semaine précédente, qui l'avait fait repasser sous la barre symbolique des 50 dollars. Depuis la fin de l'été, la production aux Etats-Unis a augmenté de près de 10%, les extractions de pétrole de schiste redevenant rentables grâce à la reprise des cours. Celle-ci est liée à l'annonce d'une limitation de la production de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). Cette tendance ne semble pas près de faiblir, à en croire le nombre de puits en activité qui a encore progressé, selon le décompte hebdomadaire publié vendredi par le groupe privé Baker Hughes, un indicateur avancé de la production. Ces considérations sur la production américaine sont revenues au centre du jeu au moment où le doute s'instillait sur une éventuelle prolongation des baisses des extractions mises en place par l'Opep associée à onze autres pays.
Hypothétique prolongation Les restrictions des extractions, mises en place en janvier, doivent durer jusqu'à fin juin, mais dès à présent les investisseurs se concentrent sur leur éventuelle extension, leur impact sur l'excès d'offre dont souffre le marché ayant jusque-là semblé mitigé. "Les représentants de l'Opep ont fait (jeudi) des déclarations parfois contradictoires au sujet d'une extension de la réduction de la production", ont estimé dans une note les analystes de Commerzbank. L'Opep et ses partenaires, au premier rang desquels la Russie, doivent prendre une décision définitive sur le sujet lors d'un sommet fin mai à Vienne. Le secrétaire général de l'Opep a cherché à rassurer et s'est dit "confiant" jeudi de l'avancée des discussions mais les analystes évoquait notamment l'Irak, qui sans remettre en cause le principe le principe d'une prolongation, réclamerait des niveaux de production supérieurs. Autre ombre planant sur le marché, la production libyenne pourrait augmenter à la faveur de la reprise de l'activité du champ pétrolier d'al-Sharara d'une capacité de 200.000 barils par jour et dont l'activité avait cessé à cause de la fermeture d'un oléoduc. Bien que membre de l'Opep, ce pays en proie à une guerre civile avait été exempté de baisser sa production car il cherche désespérément à la faire repartir. Dans l'immédiat, "on a eu un rapport de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) qui a montré un respect important" des limites fixées par le cartel et ses partenaires, a relevé Jason Schenker de Prestige Economics. L'Opep a annoncé vendredi que ses membres et les pays engagés à ses côtés sont parvenus à un taux de conformité aux quotas de 98% en mars, soit une augmentation de 4 points par rapport au mois précédent.
Le P-DG de Total n'exclut pas une rechute du prix Le prix du pétrole pourrait de nouveau chuter en raison d'un afflux des productions de schistes américaines sur le marché d'ici à la fin de l'année, a estimé le P-DG de Total, Patrick Pouyanné. Les cours du brut se sont redressé depuis fin 2016, à un niveau globalement supérieur à 50 dollars le baril, depuis que l'Opep et d'autres pays producteurs tels que la Russie ont décidé de réduire leur production de près de 1,8 million de barils par jour (bpj) au premier semestre. "Le prix peut à nouveau baisser (...), les producteurs américains qui se sont relancés rapidement vont regénérer un afflux d'offre d'ici à la fin de l'année et ça peut avoir un impact négatif sur les marchés", a observé Patrick Pouyanné lors d'une intervention organisée par l'association des anciens élèves de Sciences Po Paris. "L'accord (des pays producteurs) est en place et fonctionne très bien (...), je pense qu'il sera prolongé, mais simplement l'effet à court terme sur les marchés n'est pas immédiat parce qu'il y a des stocks extrêmement élevés (...). Pour que l'offre passe sous la demande, ça va prendre plutôt 18-24 mois que six mois", a-t-il également déclaré. L'Agence internationale de l'Energie (AIE) a de son côté estimé mi-avril que le marché mondial du pétrole était proche de l'équilibre après avoir été excédentaire pendant près trois ans, les réductions des principaux pays producteurs compensant la baisse à long terme de la demande des pays riches. Le développement du pétrole de schiste a transformé à tel point le secteur de l'énergie, américain et mondial, qu'il a bouleversé les dynamiques traditionnelles de l'offre et complique la tâche des prévisionnistes. Les banques d'investissement, dont beaucoup financent les nouveaux projets, et les grandes compagnies mondiales, ont prévenu que les larges coupes dans les investissements en raison de la baisse des prix du pétrole depuis 2014, conduiraient à une pénurie de l'offre dans les deux prochaines années. Pourtant Goldman Sachs, la seule banque à tirer un milliard de dollars de revenus par an des transactions sur les matières premières, estime que la reprise de la production aux Etats-Unis, stimulée par la remontée des cours du pétrole, et une série de nouveaux projets conventionnels aboutiront à une offre excédentaire d'ici 2019.