Le poker menteur continue sur la Grèce: trois jours après l'échec de négociations, le FMI a assuré croire à un compromis avec la zone euro en dépit de désaccords persistants sur la dette, mises au jour par des fuites. "Les divergences de vue se réduisent et tout le monde est optimiste sur la possibilité qu'un accord puisse être conclu lors de la prochaine réunion de l'Eurogroupe" le 15 juin, a soutenu devant la presse le porte-parole du Fonds monétaire international Gerry Rice. Lundi, le FMI et les 19 ministres des Finances de la zone euro s'étaient pourtant quittés sans parvenir à un compromis permettant le déblocage d'un nouveau prêt à la Grèce, qui a besoin d'argent frais pour rembourser 7,5 milliards d'euros en juillet. Une fois encore, les discussions ont achoppé sur la question de la dette qui empoisonne les relations entre le FMI et la zone euro et suscite l'impatience des autorités grecques, qui estiment avoir fait leur part du chemin en adoptant de nouvelles mesures d'austérité à la mi-mai. L'équation reste complexe, sinon insoluble: le versement d'un nouveau prêt dans le cadre du plan d'aide approuvé à l'été 2015 reste suspendu à la participation financière du FMI, qui refuse de mettre à la main à la poche en l'absence d'un engagement ferme et détaillé des Européens à alléger la dette grecque. "La Grèce a adopté un ensemble de réformes solides (...) mais nous avons encore besoin d'avoir plus de précisions sur la question de l'allègement de dette", a expliqué M. Rice. A l'approche d'élections générales à l'automne, Berlin campe toutefois sur une ligne dure et rechigne à faire un tel geste pour la Grèce, placée sous perfusion financière internationale depuis 2010.
Traitement de faveur Selon M. Rice, la question de la dette alimente également des désaccords sur les objectifs budgétaires assignés à la Grèce par la zone euro et que le FMI juge trop contraignants. Les Européens veulent notamment que la Grèce dégage un excédent primaire (hors charge de la dette) de 3,5% du PIB sur le long terme afin d'éviter un nouveau dérapage des comptes publics. "Nous pensons que cela imposerait un niveau d'austérité trop important pour la population grecque. Nous pensons que cet excédent doit être revu à la baisse" pour permettre à la Grèce de renouer avec la croissance, a déclaré M. Rice. Le porte-parole assure que de "bons progrès" ont été enregistrés mais des transcriptions du dernier Eurogroupe, qui ont fuité dans la presse grecque, montrent l'étendue du fossé qui sépare encore la zone euro et le FMI. Dans ces échanges, publiés par le site financier grec Euro2day, le représentant du FMI se montre ainsi peu optimiste: "le fait est que nous ne semblons pas converger sur le processus de la dette", assure Poul Thomsen. Le FMI ne peut prêter à un pays que s'il juge sa dette "viable" et plaide, que dans le cas grec, une telle condition ne pourra être remplie sans une restructuration massive. Une proposition est alors avancée lors de cette réunion: que le FMI se joigne formellement au programme européen mais sans débourser la moindre somme tant que la question de la dette n'est pas réglée. La proposition est aussitôt jugée "intéressante" par le représentant du FMI mais est rejetée par la Grèce, qui y voit une fausse solution qui ne rassurerait pas les marchés sur la viabilité de la dette et ne justifierait pas les efforts consentis par le pays. "Si j'approuve cela, il y aura une crise politique majeure en Grèce", prédit ainsi Euclide Tsakalotos, le ministre grec des Finances, d'après cette transcription. Une telle solution peu conventionnelle pourrait également mettre en jeu la crédibilité du FMI, qui s'est engagée à ne plus accorder de traitement particulier à la Grèce après avoir, en 2010, dérogé à ses règles internes pour renflouer le pays. Le FMI explore "toutes les options" a commenté jeudi son porte-parole. "Oui nous avons des règles mais nous essayons d'être flexibles", a-t-il ajouté, assurant que la solution évoquée lors de l'Eurogroupe avait déjà été utilisée "dans le passé".