Kim Jong-Un a déclaré hier qu'il mettrait en pause le projet nord-coréen de tirs de missiles près de l'île américaine de Guam, dans le Pacifique, mais a averti que cet exercice hautement provocateur irait de l'avant en cas de nouvelles "actions irresponsables" de Washington. Aux yeux de certains analystes, ces commentaires du dirigeant nord-coréen constituent un possible porte de sortie pour désamorcer la crise alimentée par la guerre des mots entre le président américain Donald Trump et la Corée du Nord. La Corée du Nord a menacé la semaine dernière de tirer quatre missiles au dessus du Japon en direction du territoire américain de Guam, qui compte deux importantes bases militaires. Le jeune dirigeant a été informé de ce "plan visant à cerner Guam par le feu" lors de son inspection lundi du commandement de la Force stratégique chargée des unités balistiques, a rapporté mardi l'agence officielle nord-coréenne KCNA. Avant de donner un ordre, Kim Jong-Un a déclaré qu'il allait "observer encore un peu le comportement idiot et stupide des Yankees". S'ils "persistent dans leurs actions irresponsables et dangereuses dans la péninsule coréenne", la Corée du Nord prendra des mesures "telles que déjà annoncées", a-t-il ajouté. "Afin de désamorcer les tensions et d'empêcher un dangereux conflit militaire dans la péninsule coréenne, il est nécessaire que les Etats-Unis décident les premiers une option appropriée". Il semblerait que Kim Jong-Un fasse ainsi référence aux exercices militaires conjoints annuels à grande échelle entre Séoul et Washington, qui doivent commencer prochainement. Ces manœuvres ne manquent jamais de susciter l'ire de Pyongyang, qui les considèrent comme la répétition de l'invasion de son territoire.
"On n'est pas sortis du bois" La Corée du Nord a proposé dans le passé un moratoire sur les essais nucléaires et les tests de missiles en échange de l'annulation de ces exercices, compromis soutenu avec constance par la Chine, principal allié de Pyongyang, et rejeté tout aussi régulièrement par Washington et Séoul. Certains analystes jugent que le numéro un nord-coréen est en train de proposer le même compromis, avec en plus dans la balance la menace sur Guam. "C'est une invitation directe à parler de freins réciproques aux exercices et aux tirs de missiles", a estimé Adam Mount, expert du cercle de réflexion Center for American progress, à Washington. Pour John Delury, professeur à l'Université Yonsei de Séoul, "Kim Jong-Un est en train d'opérer la désescalade, il met Guam de côté pour l'instant", a-t-il jugé sur Twitter . "On n'est pas sortis du bois", prévient-il cependant. "Il faut que les deux parties continuent de faire des gestes pour désamorcer les choses, en actions ou en paroles. La diplomatie doit passer à la vitesse supérieure". Séoul comme Washington soutiennent que leurs manœuvres sont purement défensives et ne peuvent être reliées aux ambitions nucléaires de la Corée du Nord, qui violent toute une série de résolutions de l'ONU. Les menaces de Pyongyang sur Guam constituent "un chantage pur et simple", estime Joshua Pollack, chercheur à l'Institut Middlebury des études internationales de Monterey.
'Le feu et la colère' Les tensions ne cessent de s'aggraver depuis que le Nord a testé en juillet deux missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) qui semblent mettre à sa portée une bonne partie du territoire américain. En réaction, Donald Trump a menacé de déchaîner sur la Corée du Nord "le feu et la colère, d'une manière que le monde n'a jamais vue". Pyongyang a alors répliqué en rendant public son plan pour tirer des missiles de portée intermédiaire qui s'abîmeraient à 30 ou 40 kilomètres de Guam. L'île du Pacifique-ouest abrite des installations stratégiques américaines, bombardiers lourds à longue portée, chasseurs et sous-marins. Ce territoire de 162.000 habitants est aussi équipé d'un bouclier anti-missiles Thaad. Cette escalade verbale inquiète la communauté internationale. Plusieurs dirigeants, dont le président chinois Xi Jin-Ping, ont appelé les deux parties au calme. Le président sud-coréen Moon Jae-In est intervenu dans le débat mardi pour dire que Séoul voulait à tout prix éviter une nouvelle guerre. "L'action militaire sur la péninsule coréenne ne peut être décidée que par la République de Corée et nul ne peut décider d'une action militaire sans le consentement de la République de Corée". Le ministre américain de la Défense Jim Mattis a averti lundi que les Etats-Unis essaieraient d'abattre tout objet menaçant qui s'approcherait de l'île de Guam.