La chancelière allemande Angela Merkel veut sortir le plus vite possible du blocage politique né des élections législatives de septembre en privilégiant une alliance avec les sociaux-démocrates pour rester à la tête du gouvernement. Deux mois après les élections et malgré le récent échec des laborieuses tractations avec les libéraux et les écologistes, Angela Merkel est bien décidée à constituer un gouvernement "très rapidement" afin d'éviter un scrutin anticipé à haut risque. La volte-face spectaculaire des sociaux-démocrates, désormais prêts à discuter après avoir rejeté mordicus deux mois durant la reconduction de la coalition sortante, lui permet d'espérer. "Il serait souhaitable de former très rapidement un gouvernement, pas seulement un gouvernement qui expédie les affaires courantes", a-t-elle martelé samedi devant des délégués régionaux de son parti conservateur, l'Union chrétienne-démocrate (CDU), dans la station balnéaire de Kühlungsborn (nord-est). Car l'Europe a besoin d'une Allemagne forte, a-t-elle répété. L'UE s'inquiète en effet d'un blocage de la vie politique allemande à l'heure où elle a déjà fort à faire avec les négociations du Brexit, notamment. Le président français, Emmanuel Macron, voit également ses projets de réformes de la zone euro contrariés par la crise allemande. Angela Merkel a donc fait samedi un appel du pied au Parti social-démocrate (SPD), évoquant des discussions à venir "sur la base du respect mutuel" et avec la nécessité de dégager "un compromis". Une première entrevue est prévue pour jeudi. Médiateur de la crise, le président fédéral, Frank-Walter Steinmeier, a invité à un échange la chancelière, le dirigeant de la CSU - le frère bavarois de la CDU -, Horst Seehofer, ainsi que le patron du SPD, l'ancien président du Parlement européen, Martin Schulz. "Je ne sais évidemment pas comment les choses vont évoluer dans les prochains jours", a néanmoins tempéré Mme Merkel. Car l'alliance avec le SPD n'est pas gagnée d'avance. D'abord parce que M. Schulz y est notoirement hostile et que s'il a accepté le dialogue ce n'est que sous la pression d'autres pontes du parti. Par ailleurs, tout accord de gouvernement devra faire l'objet d'un vote des militants dont le résultat est incertain. De nombreux cadres du SPD, laminé par le scrutin du 24 septembre, considèrent avoir beaucoup perdu à s'être alliés à Mme Merkel pour constituer les coalitions de 2005 à 2009 puis de 2013 à 2017.
Le SPD un poids lourd Mais après l'échec d'un mois de pourparlers poussifs entre conservateurs, libéraux et écologistes, c'est sur la décision du SPD que reposent la sortie de crise et la convocation d'éventuelles législatives anticipées inédites dans l'Allemagne d'après-guerre. Le président fédéral, un social-démocrate respecté, Frank-Walter Steinmeier pousse le SPD au compromis. Cet ex-chef de la diplomatie de Mme Merkel veut à tout prix éviter d'à nouveau convoquer les Allemands aux urnes. La chancelière, chargée d'expédier les affaires courantes depuis octobre, veut aussi échapper à un tel scrutin qui, selon toute vraisemblance, ne donnerait pas de résultats sensiblement différents de celui du 24 septembre.
Malaise et inquiétude Seule l'AfD, une formation d'extrême droite dont l'ascension suscite le malaise et l'inquiétude, pourrait en profiter pour ravir encore plus de voix aux conservateurs. Angela Merkel a donc réaffirmé son opposition à des élections. "Dire : 'votez une nouvelle fois', je trouve que c'est une erreur complète. Nous avons reçu un mandat" des électeurs, a-t-elle insisté. Une alliance avec le SPD lui donnerait une confortable majorité absolue au Bundestag, avec 399 voix (245 pour la CDU/CSU et 153 pour le SPD) sur 709. Mais, comme le souligne Martin Schulz, les Allemands ont clairement désavoué ces deux grands partis le 24 septembre. La CDU et le SPD ont tous deux essuyé de lourdes pertes pendant ce scrutin. "Oh non pas encore quatre ans de grande coalition !", s'exclame d'ailleurs un éditorialiste de Der Spiegel qui estime que ces deux partis n'ont aucune vision d'avenir pour l'Allemagne.