Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un a déclaré mercredi que son pays était devenu un Etat nucléaire à part entière après avoir testé avec succès un nouveau type de missile capable de frapper n'importe où aux Etats-Unis. Ce tir de missile balistique intercontinental (ICBM) brise net la pause dans les tests observée de facto depuis plus de deux mois par Pyongyang. Il constitue un nouveau défi pour le président américain Donald Trump qui avait assuré que le développement de telles capacités "n'arriverait pas". La présentatrice favorite du régime nord-coréen, Ri Chun-Hee, est apparue à la télévision officielle pour annoncer ce succès. "Kim Jong-Un a déclaré avec fierté que nous avons finalement réalisé notre grande cause historique, l'achèvement d'une force nucléaire d'Etat, la mise au point d'une puissance balistique", a-t-elle dit. "Le grand succès de l'essai de l'ICBM Hwasong-15 est une victoire qui n'a pas de prix, remportée par le grand peuple héroïque" de Corée du Nord. La presse officielle a parlé de l'arme la plus sophistiquée à ce jour. "Le système d'armes de type ICBM Hwasong-15 est un missile intercontinental équipé d'une ogive lourde extra-large capable de frapper la totalité du territoire continental américain", selon KCNA. D'après Pyongyang, l'engin a atteint une altitude de 4.475 kilomètres avant de s'abîmer à 950 kilomètres du site de lancement. Un spécialiste occidental a jugé que sa trajectoire en cloche, à la verticale, suggérait qu'il avait en fait une portée de 13.000 kilomètres, suffisante pour frapper chacune des villes principales des Etats-Unis.
Un défi Ce tir a tout d'un défi au président Trump, qui a récemment annoncé de nouvelles sanctions contre Pyongyang et a remis la Corée du Nord sur la liste américaine des Etats qui soutiennent le terrorisme. M. Trump s'est montré évasif dans sa réponse initiale, tandis que le Conseil de sécurité de l'ONU acceptait de se réunir en urgence. "On va s'en occuper", a-t-il simplement déclaré. Il s'agit du troisième tir réussi d'ICBM par la Corée du Nord. Pour David Wright, expert en contrôle des armements de l'Union of concerned scientists, les paramètres de vol indiquent que le missile "aurait un rayon d'action largement suffisant pour atteindre Washington D.C. (la capitale fédérale américaine) et en fait n'importe quelle partie des Etats-Unis continentaux". Des scènes de liesse ont été observées dans la capitale nord-coréenne étroitement contrôlée, où des habitants se sont réunis devant un écran géant pour regarder les informations. Jang Kwang Hyok, un habitant de 32 ans, avait une question pour le président américain. "Je veux juste demander à Trump: allez-vous encore oser être hostile à notre pays? Allez-vous continuez à l'être quand le Hwasong-15 sera tiré contre le territoire continental américain?". Pyongyang doit encore démontrer qu'il maîtrise la technologie de rentrée des ogives dans l'atmosphère depuis l'espace. Mais les spécialistes estiment que la Corée du Nord est au moins sur le point de développer une capacité de frappe intercontinentale opérationnelle.
Porte de sortie? Dans son communiqué officiel, le Nord martèle qu'il est désormais une puissance nucléaire pleine et entière et se sert de termes qui rappellent la doctrine "du non usage en premier" de l'arme atomique. Les armements nord-coréens "ne poseront aucune menace à aucun pays ou région tant que les intérêts de la Corée du Nord ne seront pas remis en cause. C'est notre déclaration solennelle", rapportent les médias officiels. Le communiqué nord-coréen offre la possibilité d'une issue diplomatique à la crise actuelle avec les Etats-Unis, a estimé pour sa part Melissa Hanham, spécialiste de l'Institut Middlebury. "Peut-être que c'est une porte de sortie", a-t-elle écrit sur Twitter. "Une façon de dire qu'ils ont eu ce qu'ils voulaient, tant que nous les traitons comme ils veulent être traités". Elle a appelé la communauté internationale à saisir l'occasion. "La diplomatie vaut le coup de risquer l'échec, ne pas traiter avec eux reviendrait à leur donner le temps de se renforcer". Les tensions autour des ambitions atomiques de Pyongyang avaient redoublé après son sixième essai nucléaire, le plus puissant à ce jour, du 3 septembre. Le Nord avait également alarmé la communauté internationale en tirant un missile de portée intermédiaire au-dessus du Japon. Pékin milite pour un "double moratoire", le gel des exercices militaires conjoints entre Washington et Séoul contre le gel des programmes militaires nord-coréens. La Chine n'a pas manqué de saisir la balle au bond. Si elle a exprimé sa "vive inquiétude", elle a réitéré sa proposition de compromis et appelé Washington et Pyongyang au dialogue. Washington rejette la "double suspension", et a dévoilé la semaine dernière de nouvelles sanctions visant un certain nombre d'entreprises chinoises en affaires avec l'Etat paria et le fret maritime nord-coréen. Le président américain a parlé par téléphone avec MM. Abe et Moon après le dernier tir pour mettre en exergue la menace mondiale représentée par la Corée du Nord. M. Trump est proche de M. Abe mais les relations avec son homologue sud-coréen, qu'il accuse de politique d'apaisement envers Pyongyang, sont plus fraîches. A Séoul, certains s'inquiètent d'une éventuelle action militaire américaine contre le Nord qui déclencherait une guerre à grande échelle. Environ 10 millions de personnes habitent à Séoul, qui est située à 50 kilomètres de la frontière, soit largement à portée de l'artillerie nord-coréenne.