Le recul plus fort qu'attendu de la consommation des ménages en produits manufacturés en janvier et la dégradation du moral des industriels pour le troisième mois consécutif en février confirment le scénario d'une poursuite du ralentissement de l'activité en France en début d'année. La consommation des ménages en produits manufacturés a accusé son plus fort repli mensuel depuis 2006 en février avec une baisse de 1,2% par rapport au mois précédent où elle avait progressé de 2,1% (2,0% en première estimation), selon les données CVS/CJO publiées par l'Insee. Les économistes interrogés par Reuters s'attendaient en moyenne à une baisse de 0,5% des achats des ménages en produits manufacturés en janvier. La baisse s'explique principalement par un fort recul des dépenses des ménages en automobiles (-8,7% après +6,7% en décembre). "La consommation française continue de ralentir comme nous le craignions. Cela résulte essentiellement du repli marqué des achats de biens durables en baisse de 3,9% en glissement mensuel en février, soit le repli le plus abrupt depuis novembre 1996", relève Mathieu Kaiser, économiste à la banque BNP Paribas. "Cela s'explique certes par un facteur exceptionnel, l'entrée en vigueur de l'écotaxe sur les véhicules au 1er janvier qui a pesé sur les ventes d'automobiles, mais aussi par une tendance de fond", ajoute-t-il soulignant que les ventes automobiles ont effacé entièrement leur progression depuis juillet 2007. "Nous attendons une poursuite de la décélération de la consommation au cours des mois prochains, liée, comme en janvier, à une franche modération des achats de biens durables", poursuit Mathieu Kaiser. "Les effets du paquet fiscal seront limités face aux nombreux facteurs négatifs pesant sur la confiance et les dépenses des ménages : inflation élevée, décrue plus lente du chômage, resserrement des conditions de crédit, atterrissage immobilier, recul des places boursières, dégradation de la conjoncture internationale", prévient-il. Au lendemain de l'annonce par l'Insee d'un "dérapage des prix de détail de 2,8% en rythme annuel en janvier, "c'est au tour de la consommation de sortir de la route", relève pour sa part Alexandre Mirlicourtois, économiste à l'institut Xerfi. "Une embardée largement imputable à la contre performance de l'automobile mais pas seulement", note-t-il. "Faute de pouvoir échapper à la hausse de la facture de leurs dépenses contraintes (loyers, transports, assurance, frais bancaires, etc.), les Français se serrent la ceinture sur l'accessoire. La consommation en produits manufacturés n'y a pas résisté", constate-t-il. "L'économie française a donc perdu son plus fidèle soutien. Sans l'appui du consommateur, il ne restera plus grand-chose de la croissance en 2008", prévient-il. Les industriels ont pris acte de cette dégradation de la demande intérieure. L'enquête mensuelle de conjoncture dans l'industrie pour le mois de février publiée par l'Insee montre que les perspectives personnelles de production des chefs d'entreprise du secteur se tassent à nouveau. "Les perspectives générales, qui représentent l'opinion des industriels sur l'activité de l'ensemble de l'industrie, se replient plus fortement", souligne l'Insee. "Les chefs d'entreprise interrogés en février témoignent d'un léger fléchissement de la conjoncture industrielle", ajoute l'Insee. Au total, l'indicateur synthétique de climat des affaires enregistre un recul pour le troisième mois consécutif, revenant à 107, contre 110 en novembre 2007. Les économistes interrogés par Reuters tablaient sur une légère dégradation du moral des industriels avec un indicateur synthétique à 108 contre 109 en première estimation en janvier (revu en baisse d'un point à 108). "L'indicateur de confiance demeure certes supérieur à sa moyenne de long terme, mais cela s'explique sans doute moins par un optimisme inébranlable des chefs d'entreprise que par une certaine expectative face aux évolutions en cours", estime Mathieu Kaiser. "La conclusion de tout cela, c'est que la croissance du PIB au premier trimestre devrait tourner au même rythme que fin 2007, à savoir entre 0,3 et 0,4%", prévient Nicolas Bouzou, économiste du bureau d'analyse Asterès.