Ce n'est pas par hasard que la première sortie officielle de la naissante sélection algérienne de rugby soit programmée en 2016 à Oran, réputée pour être le pôle de développement par excellence de cette discipline en Algérie. La preuve : pas moins de 10 clubs de rugby activent dans la capitale de l'Ouest du pays, en attendant la création dans les prochaines semaines de deux autres, confirmant l'engouement que suscite ce sport de contact et de combat collectif chez les jeunes Oranais. D'ailleurs, et si l'on se réfère aux statistiques, plus de 800 licenciés sont affiliés à la Ligue oranaise de rugby, un chiffre impressionnant par rapport à l'âge de cette ligue qui n'a pas encore soufflé ses deux bougies. Cet "exploit", si on peut le qualifier ainsi, est le fruit d'un travail de longue haleine, car avant que le rugby ne soit reconnu en Algérie avec la naissance officielle de la Fédération nationale de cette discipline en 2015, certains clubs activaient à Oran, dont le Stade oranais. De ce club, qui constitue jusque-là la locomotive du rugby en Algérie, sont nés aussi certains teams, à l'image du club sportif amateur Torro d'Oran. Une appellation que les fondateurs de cette association ont tirée de la célèbre arène des taureaux d'Oran, datant du 18e siècle. "Nous avons pensé à baptiser notre association sportive de rugby au nom de Torro, car la ville d'Oran abrite la célèbre arène qui accueillait par le passé les spectacles de tauromachie, sachant que le rugby est avant tout un sport de contact et de combat", explique à l'APS le président Sofiane Taleb, qui occupe aussi le poste de directeur technique de section de cette très jeune association créée en 2016.
Entraînement sur un quart de terrain Ce jeune président a eu d'ailleurs l'insigne honneur de faire partie du groupe ayant contribué à la naissance de la Fédération algérienne de rugby (FAR), d'où son attachement particulier à cette discipline, même si ses débuts, dans la pratique sportive, furent plutôt dans une autre discipline, puisqu'il était tout simplement un adepte de la lutte. "Au début, plus précisément en 2007, un groupe de Franco-Algériens avait tenté d'introduire le rugby en Algérie. Je fais allusion aux Sofiane Benhassen, Mourad Gharbi, Sid-Ahmed Bendaoud et d'autres qui ont fondé un club de rugby dénommé le Stade oranais", se remémore le président du Torro d'Oran, en évoquant les premiers pas de cette discipline en Algérie. Des pas qui vont du reste se multiplier jusqu'à ce que le pays dispose enfin de sa propre fédération de la discipline, née en novembre 2015 et qui est en train de faire des pas de géant dans le monde du rugby. Dans la foulée, Sofiane Taleb a eu l'idée de créer son propre club, une façon de contribuer au développement de cette discipline en Algérie, d'où les premiers pas franchis avant la création du club sportif amateur en 2017, pour prendre part en mars de la même année au premier championnat de rugby, catégorie cadette. Ce fut tout simplement le point de départ de cette naissante association sportive qui a réussi en un temps record à mettre en place pas moins de 5 catégories : benjamins, minimes, cadets, cadettes et juniors. Il faut dire que malgré la durée de vie très courte jusque-là de cette association, cette dernière a réussi quand même à réaliser des résultats de premier ordre. L'on fait allusion à la deuxième place acquise au championnat de wilaya en benjamins et minimes et à la 1re place décrochée par les cadets dans la même compétition. Même exploit réalisé par les juniors en championnat régional, alors que chez les filles, elles ont réussi à s'offrir la deuxième place, se félicite le président du Torro d'Oran. Ce responsable, à l'instar de ses confrères des autres clubs de rugby à Oran, fait de son mieux pour attirer le maximum de jeunes vers cette discipline peu connue et peu répandue en Algérie. "C'est un sport éducatif. On parvient à convaincre les jeunes à le pratiquer. Nous estimons que nous sommes sur la bonne voie dans ce registre vu l'engouement particulier que suscite la discipline, ne serait-ce que dans notre région d'Oran. Et pour encourager justement les jeunes à nous rejoindre, on a laissé ouverte pendant toute l'année la période d'inscription", explique encore Taleb.
L'APC et la DJS font la sourde oreille Le Torro d'Oran commence du reste et déjà à cueillir le fruit du travail de base qu'il est en train de réaliser. En effet, selon son président, quatre de ses joueurs ont été retenus pour faire partie de la sélection algérienne de rugby des moins de 18 ans en vue des Jeux africains de la jeunesse qu'abritera le pays l'été prochain. Ces quatre joueurs ont été choisis après un tournoi de pré-sélection régional organisé dernièrement à Oran, a encore fait savoir le même interlocuteur qui aspire surtout à "alimenter" la sélection nationale par des joueurs de son club en vue des Jeux méditerranéens (JM) prévus à Oran en 2021. Cependant, le chemin est encore parsemé d'embûches car malgré les ambitions très légitimes des dirigeants de cette association sportive, ils sont toujours confrontés à des obstacles énormes qui risquent tout simplement de tout remettre en cause. Le principal obstacle a trait au manque flagrant d'infrastructures : les deux seules séances hebdomadaires au menu se déroulent sur un quart de terrain regroupant les cinq catégories. "Evidemment, ce n'est pas la meilleure méthode pour faire la promotion de cette discipline en Algérie", regrette le boss du Torro d'Oran, confiant au passage, non sans grand étonnement, que l'APC d'Oran, propriétaire du complexe Miloud-Hadefi (ex-Wembley), lieu d'entraînement de son équipe, exige la somme de 80.000 DA annuellement pour permettre à ces jeunes rugbymen de s'y entraîner. Outre ce pertinent problème d'infrastructures, puisque les jeunes du Torro d'Oran se trouvent dans l'obligation de partager le terrain d'entraînement avec les joueurs de football, les moyens pédagogiques viennent sensiblement à manquer. "Le ballon ovale de rugby n'est pas fabriqué en Algérie. Il faudra faire toute une gymnastique pour se le procurer", déplore encore le même président, souhaitant que la promesse de la Fédération de la discipline d'offrir des ballons aux clubs affiliés soit tenue dans les meilleurs délais. Les mêmes préoccupations sont relevées également par le trésorier du club, Aïssa Bedou, révélant au passage que toutes les charges de son association depuis sa création ont été assurées par les dirigeants de leur propre poche. "On avait songé à exiger des cotisations de 1000 DA annuellement pour chaque joueur, mais on a fini par écarter cette idée, sachant que les sportifs qui nous rejoignent sont tous issus de couches sociales défavorisées", a-t-il précisé, ajoutant que les dirigeants ont préféré faire face à toutes les charges en recourant à leur propre argent.
Les JM-2021 en ligne de mire Outre le rôle sportif que cette naissante association dit jouer, elle insiste aussi sur son rôle éducatif. Cela se traduit du reste par son programme varié, puisqu'en dépit des moyens financiers très limités dont elle dispose, ses dirigeants n'hésitent pas à mettre la main à la poche pour offrir à leurs "jeunots" des sorties touristiques dans différents sites de la ville. "C'est une manière pour nous de les motiver davantage pour persévérer dans le travail, même si cela nous oblige à dépenser de notre propre argent en l'absence de la moindre subvention, aussi bien des autorités communales que de la direction de la jeunesse et des sports", regrette le trésorier du club, poursuivant que ses jeunes étaient prêts à relever le défi en réalisant des résultats probants sur le terrain. C'est cette ambition d'ailleurs qui anime les jeunes sportifs du Torro d'Oran, aussi bien chez les garçons que chez les filles, lesquels rêvent de représenter l'Algérie lors des Jeux méditerranéens 2021, surtout que cet évènement sera organisé dans leur ville natale Oran. "J'aime le rugby malgré le fait qu'il vient juste d'être introduit en Algérie. Pour votre information, j'ai pratiqué auparavant la lutte et le karaté. Personnellement, je veux faire une longue carrière dans cette discipline en dépit des réticences de mes parents. Je veux tout simplement être au rendez-vous lors des Jeux méditerranéens de 2021. C'est un rêve que je caresse dès maintenant et je tiens à le réaliser", déclare la jeune Yamina Belgharraf (17 ans), qui ne cesse d'encourager ses camarades de lycée à suivre son chemin en pratiquant ce sport, malgré leur "résistance", a-t-elle dit. Même son de cloche chez son coéquipier Hadj Djelloul (17 ans), qui pratique le rugby depuis une année. Cet ancien boxeur travaille dur pour être parmi les heureux sportifs qui représenteront le pays lors des JM-2021. Mais en attendant ce rendez-vous, il dit avoir réussi à convaincre certains de ses amis à le rejoindre dans cette discipline, contribuant ainsi à sa manière à l'épanouissement du rugby en Algérie, malgré les nombreux obstacles auxquels il fait face. Mais ne dit-on pas que le début est souvent le moment le plus difficile ?