A l'instar des autres régions du pays, celle d'El Tarf regorge de faits historiques qui ressurgissent chaque année pour rappeler, aux nouvelles générations, les sacrifices consentis par leurs aînés pour le recouvrement de l'indépendance et la souveraineté du pays. Défiant ainsi les lignes électriques Challe et Morice, les moudjahidine et leurs actes de bravoure ont poussé le colonisateur à mettre en place un arsenal de guerre impressionnant (radars, chars, avions) pour tenter de combattre une cause juste. Nombreux et émouvants sont les témoignages de moudjahidine sur cette période charnière, confie, à l'APS, Aziz Aoufi, directeur de l'antenne locale du musée du Moudjahid qui a rappelé l'enregistrement, à ce jour, de près de 300 heures de témoignages de moudjahidine encore en vie, estimant que "cela constitue un hommage et une contribution à l'écriture de l'histoire par ceux-là mêmes qui ont été témoins de cette époque''.
Chahid Hocine Benseghir, le dernier combat d'un brave L'enregistrement du témoignage de deux moudjahidine relatant les péripéties de la lutte contre le colonisateur, replonge l'auditeur dans cette période certes douloureuse, mais éminemment grandiose de l'Algérie, au cours de laquelle de nombreux moudjahidine sont morts en héros. C'est le cas du chahid Benseghir Hocine, tombé au champ d'honneur durant la grande bataille de Bouabad, à Cheffia, en se faisant exploser d'une grenade, tuant en même temps quatre soldats français qui voulaient le capturer. "C'était durant les mois de juin et juillet 1958, au cours desquels la région d'El Tarf a vécu une de ses plus importantes batailles'', raconte le moudjahid Youcef Fezari. Agé à l'époque de 25 ans, le chahid Benseghir Hocine dit "Benhadi'', de son nom de guerre, a donné "le meilleur exemple de courage'', se rappelle Fezari, en se faisant exploser après avoir été atrocement atteint par l'aviation militaire. Amputé des deux jambes, il demanda à ses compagnons de lui donner une arme à feu et une grenade pour mener un "dernier combat'' contre l'ennemi, en faisant preuve d'un grand courage, souligne-t-il. "Le chahid Benseghir a vécu avec une douzaine de blessures sur différentes parties de son corps'', raconte le moudjahid Fezari, précisant que "celles-ci ont fait partie de sa vie et témoignent de son amour pour sa patrie l'Algérie''. Ayant rejoint le maquis très jeune, à l'âge de 21 ans, après avoir fait ses preuves (collecte et récupération d'armes à feu), "Hocine Benseghir n'a fait que son devoir'', a tenu à rappeler Youcef Fezari, en rendant hommage à ses compagnons d'armes. S'agissant d'autres opérations d'envergure menées dans la région, cet ancien adjoint de la 13ème compagnie rappelle celle qui a eu lieu le 21 janvier 1961, au lieudit El Hamra, faisant office de centre de surveillance de l'ennemi, qui a enregistré de lourdes pertes dans ses rangs, après avoir été attaqué par des moudjahidine. Aujourd'hui responsable de l'organisation nationale des moudjahidine (ONM) El Tarf, le moudjahid Fezari signale que les faits d'armes sont nombreux dans la région, soutenant qu'il est du devoir de chacun de se remémorer l'histoire des aînés et de transmettre le message des martyrs aux générations montantes.
La détermination intacte du moudjahid Abdellah Laabidi Ayant perdu deux doigts de la main gauche lors d'un accrochage avec l'ennemi en 1958, le moudjahid Abdellah Laabidi dit "Abdellah El Matrouha'', âgé aujourd'hui de 84 ans, conserve encore dans les moindres détails les faits historiques auxquels il a pris part dans cette région. "Il est important voire capital de rendre hommage à ceux qui ont sacrifié ce qu'ils avaient de plus cher, à savoir leur vie, d'où l'importance du devoir de remémoration envers eux'', a-t-il confié, de son côté. Emu et déterminé à la fois, il a évoqué, non sans une vive émotion, ses compagnons d'armes dont des membres de sa famille (son frère cadet puis son père) tombés au champ d'honneur pour que vive l'Algérie indépendante. Parmi les batailles auxquelles il a participé, il a cité celle d'El Ghora sur les hauteurs de Bougous, ayant opposé, en novembre 1958, 17 moudjahidine seulement à 250 soldats français. Ce jour-là, le chahid Tahri Hassane est tombé au champ d'honneur, alors que quatre autres compagnons d'armes (Mohamed Merzoug, Mira Abdelmadjid, Nouri Hassane, Adoudou Mohamed) s'en sont sortis avec des blessures, se rappelle-t-il, considérant, en outre, que "le combat mené contre le colonisateur français était un devoir que tout algérien se devait d'accomplir avec fierté et une inlassable détermination''. Ses amis auxquels il n'a cessé de rendre un vibrant hommage en les nommant un par un, font partie, a-t-il dit, "de cette génération qui croyait dur comme fer à la fin de la longue nuit coloniale''. Le moudjahid Abdellah Matrouha a, par ailleurs, évoqué une autre bataille, celle de Zitouna, ayant eu lieu en 1957 et qui a permis aux moudjahidine de donner un autre bel exemple de bravoure, assurant que "si les blessures sont indélébiles, la cause en valait la peine''.