Une dizaine de pays, dont la France, ont accès à des données, achetées par l'Allemagne, sur certains de leurs riches ressortissants qui ont fraudé le fisc via la banque LGT du Liechtenstein.Le parquet de Bochum poursuit ses investigations et a désormais une deuxième banque dans son collimateur. La vaste affaire de fraude fiscale qui a éclaté il y a une dizaine de jours en Allemagne est en train de faire boule de neige. On savait déjà que les Etats-Unis et le Royaume-Uni avaient traité directement avec l'informateur auquel les services secrets allemands ont acheté, pour 4 à 5 millions d'euros, des données volées à la banque LGT, propriété de la famille princière du Liechtenstein. Il s'avère maintenant que le fisc allemand a déjà transmis aux autorités de plusieurs pays des données qui les intéressent, ou s'apprête à le faire. Parmi les quelque 4.500 fondations ou véhicules frauduleux de la principauté alpine recensés dans les documents mis à jour, seuls 1.400 appartiennent à des ressortissants allemands. La Suède, la France, l'Italie, l'Espagne, le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande auraient déjà reçu et/ou échangé des informations, ont indiqué hier les autorités suédoises. L'Irlande a indiqué son intention de demander à Berlin si certains de ses ressortissants apparaissent dans les fichiers en question. Le ministre danois chargé des affaires fiscales a critiqué Berlin pour avoir acheté des données volées, mais a concédé que " si les Allemands [leur] envo[yaient] spontanément une liste de Danois ayant utilisé des paradis fiscaux, [ils] ser[aient] stupides de ne pas procéder à des contrôles ". Hier, les autorités américaines ont ouvert des enquêtes sur " plus de 100 contribuables " soupçonnés de fraude fiscale via le Liechtenstein. L'administration australienne a révélé une enquête sur " vingt cas ". " En Australie, il y a vingt audits en cours en lien avec des fonds au Liechtenstein allant de 200.000 dollars australiens (environ 120.000 euros) à plusieurs millions de dollars ", a affirmé Sydney. Pour sa part, le vice-ministre italien de l'Economie, Vincenzo Visco, a révélé qu'il y a un " nombre considérable " d'Italiens sur la liste que l'Allemagne a fait parvenir à Rome. Le parquet de Bochum a, de son côté, fait hier un point sur ses investigations. Jusqu'ici, les domiciles et bureaux de quelque 150 personnes ont été perquisitionnés, principalement dans les régions de Munich, Hambourg, Stuttgart et Francfort, et 91 ont reconnu les faits. Par ailleurs, 72 personnes se sont dénoncées d'elles-mêmes, avant d'être perquisitionnées, dans l'espoir d'obtenir un traitement plus clément de leur dossier. Certains de ces contribuables fautifs ont déjà fait des avances sur les redressements auxquels ils seront condamnés. Le fisc allemand a d'ores et déjà récolté près de 28 millions d'euros. Le parquet de Bochum a aussi indiqué qu'il a étendu ses investigations à une deuxième banque étrangère. D'après la " Süddeutsche Zeitung ", il s'agirait de la filiale au Liechtenstein de la banque privée suisse Vontobel, dont le titre a fortement chuté, vendredi matin, avant de se remonter, quand la banque a démenti que des données confidentielles lui avaient été dérobées. La Bayerische Landesbank, deuxième banque régionale publique du pays, a annoncé qu'elle envisageait de vendre sa participation indirecte dans une banque située au Liechtenstein. Des perquisitions ont été aussi menées dans plusieurs banques allemandes, parmi lesquelles Bankhaus Metzler, Dresdner Bank, Hauck&Aufhäuser et Berenberg, afin de déterminer si elles ont conseillé à leurs clients de loger leur argent au Liechtenstein. La chancelière Merkel, qui doit faire face à une vague de mécontentement social se traduisant par de nombreux mouvements de grève, prend le dossier très au sérieux. Elle s'est montrée très dure, la semaine dernière, envers les fraudeurs. Envers, aussi, le chef du gouvernement du Liechtenstein, qui lui reprochait, en visite officielle, une atteinte à la souveraineté de la principauté. La chancelière a exigé de lui un effort de transparence, sans quoi il devrait s'attendre à des mesures de rétorsion. Angela Merkel rencontre aujourd'hui le prince Albert de Monaco et doit avec lui, aussi, aborder le sujet de l'évasion fiscale.