Le Liechtenstein, petite principauté coincée entre la Suisse et l'Autriche, est-il un paradis fiscal ? Un récent scandale mettant au jour une vaste opération d'évasion fiscale émanant d'un millier de personnalités secoue ces jours derniers toute l'Allemagne. La banque LGT, propriété de la famille princière du Liechtenstein, est mise en cause. Liechtenstein. De notre envoyé spécial Toute l'Allemagne bien pensante est secouée depuis quelques jours par un scandale d'une ampleur telle qu'il a débordé les frontières de ce pays. La justice enquête sur des centaines de personnalités soupçonnées d'avoir dissimulé, au Liechtenstein voisin, des revenus non déclarés. Un nom, le patron de la prestigieuse Deutsche Post, est déjà cité dans ce qui va devenir la plus grande opération d'évasion fiscale du pays. Le porte-parole du ministère des Finances de ce pays n'a pas fait dans la dentelle en déclarant ces jours-ci : « Dans de très nombreux cas, des personnalités clés de notre pays ont voulu se soustraire à leur devoir de solidarité via l'impôt en pratiquant l'évasion fiscale vers le Liechtenstein. » C'est bien la première fois qu'un porte-parole officiel d'un gouvernement européen en accuse un autre de soustraire à sa propre fiscalité les revenus de ses contribuables par le truchement de filiales bancaires installées sur le sol allemand. Tous les regards se tournent désormais vers cette principauté située entre la Suisse et l'Autriche, deux fois moins vaste que la commune de Bachedjarrah mais dont le PIB par habitant est l'un des plus élevés au monde. Les enquêteurs allemands tentent de démêler l'écheveau en passant au microscope les mécanismes qui favorisent ce type de pratique condamnable et est déjà citée la banque fiduciaire, la LGT-Treuhand dont le siège est à Vaduz, capitale du Liechtenstein, et qui est la propriété de la famille princière. Un paradis fiscal est par définition un territoire à fiscalité très basse par rapport à ce qui est considéré comme « normal » dans l'esprit de celui qui se considère dans un Etat par rapport à un autre. En anglais, l'image correspondante est celle de Tax Haven (havre fiscal), tandis qu'en allemand, on vous parlera de « steuroase », c'est-à-dire d'oasis fiscal. Le contraire est un enfer fiscal. C'est donc, pour résumer, un pays ou une entité qui applique « un régime fiscal dérogatoire tel qu'il conduit à un niveau d'imposition anormalement bas ». Mais le paradis fiscal ne se contente pas uniquement d'attirer les capitaux grâce à une imposition dégressive. Il implique d'autres avantages tels que la liberté des changes, accompagnée d'une monnaie liquide, un maillage de ses filiales avec les filiales d'autres banques, l'impunité judiciaire par le contournement des lois locales et surtout un secret commercial et bancaire inébranlable. Ainsi, les paradis fiscaux en général ne se contentent pas seulement de leur qualité fiscale dotée du secret bancaire de leurs usagers, mais offrent aussi d'autres avantages essentiels. C'est pour cela qu'avec toutes les sollicitudes dont ils ont fait l'objet, les cinq paradis fiscaux européens que sont la Suisse, Andorre, San Marino, Monaco et le Liechtenstein ne pouvaient, sous peine de disparaître, se permettre d'abandonner le secret bancaire au profit d'une transparence financière telle qu'elle existe dans l'espace de l'Union européenne. C'est en cela que le Premier ministre du Liechtenstein paraît quelque peu coincé en rencontrant ce mercredi à Berlin la chancelière Angela Merkel qui ne manquera pas de solliciter sa collaboration dans la perspective de débusquer les fraudeurs fiscaux de son pays, parmi lesquels des membres du patronat allemand, des personnalités politiques, des artistes et des sportifs (dont le tennisman Boris Becker). L'évasion fiscale orchestrée autour de la LGT aura, certes, permis aux enquêteurs des services secrets qui ont déboursé 4 millions d'euros à leur informateur, d'espérer récupérer 4 milliards d'euros nés du manque à gagner fiscal. Mais le problème se posera autrement lorsqu'il s'agira de demander une coopération accrue aux banques de la principauté en cas de soupçon de fraude puisqu'il s'agira pour elle d'entamer sa crédibilité auprès des nombreux clients de par le monde de ses établissements bancaires.