Le Parlement somalien a déclaré "nul et non avenu" un accord tripartite signé au début du mois entre la République autoproclamée du Somaliland, l'Ethiopie et le groupe émirati DP World concernant le port de Berbera, qui a fait monter la tension entre Mogadiscio et le gouvernement somalilandais. Le géant de l'industrie portuaire Dubai Ports World (DP World) est depuis 2016 concessionnaire du port de Berbera, stratégiquement situé sur le golfe d'Aden, au Somaliland, dans le nord-ouest de la Somalie. Le 1er mars, DP World et les gouvernements éthiopien et somalilandais ont signé un accord donnant à l'Ethiopie 19% des parts du port. DP World en conserve 51% et le Somaliland 30%. Cet accord a suscité la colère de Mogadiscio, qui considère toujours le Somaliland comme partie intégrante du territoire somalien et nourrit un antagonisme historique avec l'Ethiopie. Le Somaliland s'est déclaré indépendant du reste de la Somalie en 1991, mais n'est officiellement reconnu par aucun pays. Lundi, le Parlement somalien a déclaré l'accord anticonstitutionnel et donc "nul et non avenu". "Seul le gouvernement fédéral de Somalie peut s'engager dans des accords internationaux", a-t-il fait valoir dans une résolution. "Tous les ports et aéroports du pays sont propriété de la Nation et (...) personne ne peut revendiquer de manière privée leur possession", a ajouté ce texte, adopté par 168 députés sur 170. Cette résolution va jusqu'à interdire à DP World d'opérer où que ce soit en Somalie. "La compagnie DP World a intentionnellement violé la souveraineté de la Somalie, et elle est donc complètement interdite d'opérations en Somalie", indique le texte. Le groupe émirati gère actuellement aussi le port de Bossaso, dans la région semi-autonome du Puntland, dans le nord-est de la Somalie. DP World prévoit d'investir 442 millions de dollars (359 MEUR) pour développer le port de Berbera, stratégiquement situé à l'entrée de la mer Rouge. L'Ethiopie, qui n'a pas d'accès direct à la mer et dépend pour l'instant essentiellement du port de Djibouti pour son commerce, contribuera aussi à l'amélioration des infrastructures portuaires de Berbera. Le ministre somalilandais des Affaires étrangères, Sacad Ali Shire, a défendu aussi bien l'accord signé en 2016 avec DP World que le nouvel arrangement trouvé avec l'Ethiopie. "L'accord était bilatéral, à l'origine entre DP World et le Somaliland, et l'un comme l'autre ont le droit de vendre leurs parts si l'autre partie l'accepte. C'est la base sur laquelle l'Ethiopie a été autorisée à nous rejoindre", a-t-il déclaré dimanche. Mais la décision du Parlement somalien risque d'aggraver les tensions. Avant même que ce texte ne soit voté, le président somalilandais, Muse Bihi Abdi, avait adopté une attitude de grande fermeté à l'égard de Mogadiscio. "Nous sommes prêts à défendre notre souveraineté face à cette invasion", avait-il déclaré la semaine passée, après que le gouvernement somalien eût réagi violemment à la signature de l'accord. "Le Somaliland a le droit de décider dans quels accords il s'engage, sans consulter qui que ce soit", avait-il argué. DP World est aussi au cœur d'un différend avec Djibouti concernant le terminal de conteneurs de Doraleh, par lequel transite l'essentiel du trafic marchand vers l'Ethiopie. Le gouvernement djiboutien a annoncé fin février avoir résilié le contrat de concession attribué à DP World, au nom des "intérêts supérieurs de la nation". L'émirat de Dubaï a répliqué en accusant Djibouti d'avoir saisi "illégalement" le terminal.