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Rapport NABNI sur la Réforme des subventions et compensations des pertes du pouvoir d'achat : Inventer le modèle algérien de transferts monétaires ...
Publié dans Le Maghreb le 26 - 03 - 2018

Le Gouvernement fait fausse route... Il a annoncé le lancement, en 2019, dans une wilaya-pilote seulement, du premier jalon d'un programme de transferts monétaires ciblés, censé compenser les pertes du pouvoir d'achat issues des baisses des subventions. L'option qui semble être adoptée est celle d'une identification des ménages en besoin par l'administration, par le biais des structures et informations existantes, et d'un transfert par chèque.

Nous défendons dans cette contribution que le gouvernement fait fausse route et que l'option choisie n'est pas adaptée à notre contexte et porte en elle le risque d'exclure une grande partie des ménages vulnérables qui auront le plus besoin de transferts compensatoires quand la réforme des subventions sera mise en œuvre.
Cette option porte aussi le risque de retarder davantage cette réforme, sous prétexte que nous ne serions pas prêts, et qu'un système d'information de ciblage adéquat doit être mis en place au préalable.
La réforme des subventions ne peut plus attendre. Les citoyens et les ménages, notamment les moins aisés, doivent être compensés des augmentations à venir des prix des biens subventionnés, en tête desquels figurent les carburants.
L'objectif est de réduire les subventions des prix pour alléger leur poids dans le budget de l'Etat, éliminer les distorsions qu'elles induisent et redistribuer les subventions en transferts monétaires directs pour protéger le pouvoir d'achat des plus vulnérables, en particulier les 40% les plus démunis. Retarder davantage cette réforme nous expose au risque de devoir l'engager plus tard de manière abrupte et coûteuse socialement, en cas de crise budgétaire.
Nous mettons en garde sur le fait que cette temporisation sine die de la réforme des subventions nous expose au risque d'être plus tard obligés de la mettre en œuvre dans l'urgence, sur un échéancier plus serré et sous contrainte budgétaire sévère. Ceci risque d'être le cas si la crise budgétaire perdure et que les prix du pétrole ainsi que nos exportations d'hydrocarbures n'augmentent pas autant que nous l'espérons. Ceci aurait des conséquences sociales que nous devons prévenir.
Nous avons encore la possibilité de " lisser " la hausse des prix subventionnés sur une période raisonnable. Retarder cette réforme ou la déployer trop lentement l'expose aussi au risque d'être encore interrompue par le cycle électoral qui s'approche.
L'alibi du besoin préalable d'une base d'information de ciblage : cette approche a échoué ailleurs. Les méthodes classiques de ciblage des ménages en vigueur ailleurs s'avèrent être inefficaces et donnent lieu à des taux d'erreur d'exclusion des plus pauvres qui sont trop élevés. Ils couvrent aussi trop peu de monde (le plus souvent moins de 20% de la population) et ne sont pas du tout adaptés à notre héritage de couverture sociale universelle. Même si nous disposions de bases de données de ciblage fiables et de la capacité de mettre en œuvre de tels programmes (nous ne les avons pas, et n'avons plus le temps de nous en doter), les meilleurs taux d'exclusion atteints (très tard) dans des pays cités comme exemple à l'instar du Brésil, restent inacceptables dans notre contexte : taux d'exclusion de plus de 30% des pauvres, et des erreurs d'inclusion des " non pauvres " de plus de 40%.
Nos politiques sociales ont permis de faire figurer l'Algérie parmi les pays les plus égalitaires au monde. Importer des modèles de redistribution de pays plus inégalitaires n'est pas concevable. Notre programme de transferts monétaires directs qui doit remplacer les subventions de prix, doit avoir l'ambition de préserver cet acquis égalitariste et cet idéal de justice sociale, en couvrant une partie bien plus large de la population que les programmes internationaux dont semble s'inspirer le Gouvernement.
NABNI propose deux alternatives généralisables sans délai et plus adaptées à notre contexte.
Comme l'ont fait d'autres pays avant nous, il s'agit d'innover et d'inventer un système de transferts monétaires qui réponde à nos impératifs et à notre contexte:
1. Le programme doit être généralisé rapidement, dès 2019.
2. Il doit couvrir rapidement et largement les 40% de la population la moins aisée avec des taux d'erreurs d'exclusion faible. 3. Il doit pouvoir démarrer sans le préalable de construire des bases d'information de ciblage fiables.
Une solution s'impose : un système entièrement déclaratif (initialement), sans exclusion administrative à son lancement. Pour entamer le programme rapidement et s'assurer de couvrir sans exclusion la quasitotalité des plus démunis, il est impératif que l'inscription au programme soit entièrement déclarative, sans aucune vérification du revenu déclaré, et sans exclusion administrative. Cela signifie que le programme n'utiliserait ni les bases de données des programmes existants, 2 ni d'autres bases de vérification des déclarations de revenu. D'où la possibilité de le généraliser rapidement, sans risque d'exclusion, au prix de devoir y inclure initialement bien plus que les 40% les plus pauvres (tranche ciblée par une des deux options proposées par NABNI), qui constituent la tranche de population dont le pouvoir d'achat devrait être protégé de manière prioritaire. Deux possibilités s'offrent alors :
A) Inscrire un critère de ciblage explicite (comme le revenu) qui sera appliqué progressivement, à mesure que les bases d'informations sont construites pour pouvoir mettre en œuvre ce critère et exclure les bénéficiaires identifiés comme indus (c'est l'option A que nous proposons ci-dessous- appelée Ciblage Progressif).
B) L'autre possibilité est de ne pas s'encombrer des complexités et des inévitables erreurs du ciblage et de couvrir quasiment toute la population, c'est le Revenu Universel, ouvert à quasiment tous les citoyens (option B).

Option A : UN CIBLAGE PROGRESSIF
Transferts aux 40% des ménages les moins aisés, sur base déclarative, et exclusion progressive des bénéficiaires indus à mesure que se construit une base nationale d'information sociale. Vision. Le programme proposé envisage de bâtir, sur un horizon d'environ 5 à 10 ans, le nouveau système de redistribution qui sera ciblé sur les 40% des ménages aux revenus les plus faibles. Ces derniers seront rapidement couverts, sans exclusion, sur une base uniquement déclarative, permettant un taux de 90% de couverture des démunis (les 40% les plus pauvres) dès 2020. La phase de transition vers ce système de ciblage nécessitera des taux d'erreurs d'inclusion initialement élevés, qui baisseront à mesure que les bénéficiaires indus seront identifiés par un système d'information fiable, développé en parallèle.
L'idée est de construire un système de transferts monétaires directs, ciblant rapidement les ménages des 1er et 2ème quintiles de la distribution de revenus, avec, d'entrée, des taux d'erreurs d'exclusion faibles. Description. Le Ciblage Progressif vise les objectifs suivants :
- Il doit couvrir, au bout de trois ans, au moins 90% des ménages du premier et deuxième quintiles (soit 90% des 40 % des ménages algériens aux revenus les plus faibles).
Cela correspond à des taux d'erreur d'exclusion des démunis faibles dès le début du programme et qui diminuent rapidement.
- Il doit permettre, à terme, des taux d'erreurs d'inclusion des non-éligibles inférieurs à 20%. Soit au maximum 20% des ménages des quintiles 3, 4 et 5 (les 60% aux revenus les plus élevés) qui ne devraient normalement pas recevoir de transferts.
Ce taux ne sera atteint que lorsque le système de ciblage aura atteint son efficacité optimale, peut-être au bout d'une décennie, alors qu'il sera initialement élevé. Nous tablons sur une moyenne de 50% de taux d'erreur d'inclusion la première année. Ce taux chuterait à 20% en moyenne fin 2028 quand le ciblage se sera perfectionné. -
Les montants transférés devront au moins compenser les augmentations de dépenses liées à la baisse des subventions, mais uniquement pour les ménages des deux premiers quintiles. Donc les montants augmenteront progressivement au cours des cinq premières années, à mesure que les subventions baissent.
- Le budget total du programme devra à terme, ne pas excéder 3% du PIB.
Les premières années, il ne devra pas dépasser les économies réalisées par la baisse des subventions (c'est-à-dire que la mise en place des transferts ne pourra pas évoluer " plus vite " que la baisse des subventions).
- Les ordres de grandeur des augmentations des dépenses que généreront la baisse des subventions, nous permettent de recommander des montants de transferts mensuels de l'ordre de : 9.000 DA par ménage d'au plus 4 personnes ; 12.000 DA par ménage de 5 à 8 personnes ; et 15.000 DA par ménage de plus de 9 personnes. - Sur la base de ces hypothèses, et d'un lancement début 2019, le programme couvrirait, à terme, un peu plus de 4 millions de ménages, soit 48% des ménages algériens et 90% des ménages ciblés, avec un transfert mensuel moyen de 12.195 DA (exprimés en DA de 2017). Après avoir atteint un pic de coût total de 3,5% du PIB en 2023, il couterait en 2030, 2,4% du PIB, quand les subventions qui auront été réduites à cette échéance auront permis à l'Etat d'économiser au moins 7% du PIB chaque année.

Option B : UN REVENU UNIVERSEL
Un Revenu universel individuel, pour quasiment tous les citoyens, à l'exclusion des plus riches, sur une base uniquement déclarative. Vision. Le programme propose d'assurer à tous les citoyens algériens, à l'exception des plus riches, un complément de revenu régulier, sans condition et quel que soit leur situation familiale ou leur niveau de vie. Il vise à couvrir au moins 90% des citoyens au plus tard en trois ans, et de verser un transfert avec unique condition d'avoir un compte bancaire et de disposer d'une carte nationale d'identité biométrique.

Objectifs. Il s'agit non seulement de compenser tous les citoyens de l'augmentation des prix de biens subventionnés par un transfert monétaire pour tous, mais aussi de repenser le filet social et d'assurer à tout citoyen, sans condition, un filet social minimum et un complément de revenu lui permettant plus d'autonomie et plus de protection face aux aléas de la vie et du monde du travail. Un transfert individuel plutôt qu'un transfert aux ménages. Le Revenu Universel concernera l'individu et non le foyer (ménage) car la notion de ménage fiscal n'a jamais existé en Algérie et viser les ménages se heurtera à des difficultés opérationnelles. Cela aura également pour effet que les femmes, les jeunes et tous les individus constituant chaque ménage puissent jouir le plus librement possible de leur revenu d'appoint. Les familles sont moins " grégaires " que par le passé et de plus en plus éclatées, les systèmes de solidarité familiale ne sont pas autant au rendez-vous qu'auparavant et les jeunes ont des aspirations d'autonomie et d'entreprenariat qu'il serait bénéfique d'encourager. Chaque adulte - homme et femme aura un compte en banque (ou un compte CCP) où recevoir son transfert monétaire, et il sera identifié uniquement sur la base de son numéro national d'identité (Carte Nationale d'Identité biométrique). Le Revenu Universel tient compte du fait que la précarité est une notion dynamique et non figée dans le temps. Les situations individuelles (l'emploi, la situation familiale, etc.) changent fréquemment et sont difficiles à suivre précisément par l'administration, rendant un système de ciblage dynamique et fiable difficile à mettre en place. Le Revenu Universel suppose que, finalement, chaque individu (sauf les plus riches), quel que soit son revenu du moment, doit avoir droit à un filet social minimum et permanent. Ceci explique aussi pourquoi, à l'inverse du Ciblage Progressif qui vise les ménages, les bénéficiaires du Revenu Universel proposé soient les individus. Nous proposons un Revenu Universel de 2400 DA par mois pour les citoyens de 15 ans et plus ; et de 1200 DA par enfant de moins de 15 ans. Cela représente pour une famille de deux adultes et trois enfants 8.400 DA par mois ; et pour une famille plus large de 3 adultes (par exemple deux parents et un grand-parent), deux enfants de plus quinze ans et 2 enfants de moins de quinze ans, 14.400 DA par mois. 3 Avec ces hypothèses, la taille du programme Revenu Universel serait, à terme, d'environ 5,5% du PIB, après avoir atteint un pic de 6,1% du PIB en 2024. A court terme, le programme toucherait 41,1 millions de citoyens, dont 12,3 millions d'enfants de moins de quinze ans, pour un transfert mensuel moyen d'environ 2.000 DA par individu.

Quelle option choisir?
Ces deux options se rejoignent sur un objectif commun : compenser rapidement et largement les plus démunis et éviter de prolonger le statut quo sous prétexte qu'il faut du temps pour préparer le ciblage. Elles sont les deux supérieures au statut quo-leur coût est inférieur aux coûts des subventions actuelles. C'est en cela qu'elles sont attractives sur le plan politique en particulier, les compensations débuteraient rapidement, toucheraient de très larges franges de la population (quasiment tout le monde pour le Revenu universel) et rendraient ainsi plus acceptable la baisse des subventions car y seraient clairement associés les transferts reçus (d'où la formule proposée, " Les subventions : Eddiw'houm drahem ! "). Chacune part du principe que cela ne peut se faire qu'au prix d'une couverture plus large que celle de la cible visée en priorité (les 40% les plus pauvres), sans exclusion, au moins au début pour le Ciblage progressif, et en excluant uniquement les plus riches pour le Revenu universel.
Dans le cas du Ciblage progressif, l'hypothèse est que de nombreux ménages inéligibles (déclarant frauduleusement un revenu inférieur au seuil fixé) recevront le transfert au début, avant que l'administration ne puisse développer la capacité informationnelle de progressivement les exclure plus tard. Pour le Revenu universel, l'objectif est le même, mais part de l'hypothèse qu'il vaut mieux couvrir tout le monde puisqu'il est trop compliqué de cibler et la dynamique des revenus fait que le seuil d'éligibilité fixé sera de toute façon arbitraire. Sur ce plan, ces deux options ne diffèrent que par rapport au " coût d'erreur d'inclusion " à payer pour pouvoir couvrir efficacement et sans exclusion les plus démunis que l'on veut atteindre de manière prioritaire : le Revenu universel paie le prix le plus cher en ouvrant immédiatement la couverture à quasiment tout le monde-l'idée est qu'en éliminant le besoin de cibler, on est sûrs que la quasi-totalité des citoyens les plus démunis (les 40% les plus pauvres) recevront leur transfert, même si cela exige d'ouvrir l'éligibilité à quasiment toute la population. Quant au Ciblage progressif, il paie un prix élevé au début puisque de nombreux bénéficiaires indus (au revenu réel plus élevé que le plafond d'éligibilité) seront couverts, avant que ce coût ne diminue à mesure que la capacité de ciblage par exclusion se développe et que l'administration soit capable d'exclure les ménages bénéficiaires indus.
Elles émanent néanmoins de visions fondamentalement différentes de ce que doit être le nouveau filet social algérien : le Ciblage progressif part du principe que les aides doivent viser de manière prioritaire les ménages les plus pauvres et que l'Etat doit s'armer des outils qui lui permettent d'identifier et de soutenir en priorité cette frange de la population. C'est le cas de la quasi-totalité des programmes sociaux dans le monde. Le Revenu universel part du principe que minimiser les erreurs d'exclusion est plus important que d'inclure des citoyens qui n'ont pas prioritairement besoin de transferts compensatoires, mais aussi que la population à compenser va au-delà des 40% les plus pauvres, et inclure aussi les classes moyennes. Ceci est particulièrement important pour un pays comme l'Algérie qui se trouve être parmi les pays les plus égalitaires au monde : le niveau d'inégalités y est proche de celui des pays nordiques. Ces deux options ne sont pas nécessairement exclusives. L'option du Ciblage Progressif se base sur un système initialement déclaratif qui vise à construire progressivement une base de données exhaustive sur la situation sociale des citoyens et des ménages. Bien que l'option du Revenu Universel n'ait initialement pas besoin de construire une telle base puisqu'elle n'envisage pas de ciblage (ce qui en fait une option plus simple et moins coûteuse à administrer), on pourrait envisager une infrastructure administrative identique pour les deux options afin que toutes deux développent, à terme, un système d'information sociale détaillé et fiable, qui permettrait de moduler les montants selon les situations particulières.
Les deux options proposées offriront, à terme, la possibilité de soutiens plus individualisés. Rien n'empêche de moduler les montants transférés selon les conditions spécifiques de certains citoyens vulnérables ou de certains ménages, selon leur niveau de vie, ou les aléas auxquels ils peuvent être confrontés. Les transferts pourraient être plus élevés pour les familles ou les citoyens souffrant d'handicaps.
Les veuves ou les ménages monoparentaux pourraient aussi recevoir des montants plus élevés, ainsi que les étudiants. In fine, c'est la capacité budgétaire qui sera la contrainte la plus importante pour déterminer les montants et l'étendue de couverture du programme. Bien que le Revenu Universel soit beaucoup plus coûteux que le Ciblage Progressif (plus du double), il est plus simple à mettre en œuvre et par définition plus inclusif. Il est de ce fait plus attractif politiquement, même s'il génère un risque en termes de soutenabilité budgétaire.
L'amélioration de l'information fiscale permettra néanmoins de récupérer une partie des transferts reçus par les citoyens les plus aisés. L'autre élément de décision relève du contexte politique et du degré d'acceptation par la société des erreurs d'exclusion ou d'inclusion. Plus la société est foncièrement contre les erreurs d'exclusion (des pauvres) ou d'inclusion (des riches) - scénario probable dans un pays comme le nôtre aux inégalités très faibles, plus un programme à la couverture très large, serait indiqué. Le Ciblage Progressif permettrait de contourner ce problème en se dotant, au bout de quelques années (de 5 à 10 ans, si besoin), d'un système de ciblage suffisamment efficace pour réduire ces taux d'erreur, tout en lançant immédiatement un programme à la couverture initialement large. Les deux options proposées génèreraient des économies budgétaires considérables tout en protégeant une part bien plus large de la population que ce que propose le Gouvernement. Bien que le Revenu universel soit plus de deux fois plus coûteux que le Ciblage Progressif (dont le coût de gestion administrative est néanmoins bien plus grand), toutes deux restent moins chères que les subventions actuelles (plus de 13% du PIB actuellement, dont plus de 7% pour l'énergie) et généreraient des économies considérables pour le budget de l'Etat dont une partie pourrait être mieux investie (au moins 8% du PIB pour le Ciblage progressif et au moins 5% du PIB d'économies pour le Revenu Universel).
Les propositions de NABNI se distinguent des programmes existants qui sont inadaptés à notre contexte social et trop limités dans leur couverture. Mis en perspective des programmes de transferts monétaires existant dans le monde, les deux options que nous proposons ambitionnent de compenser une part bien plus grande de la population que ce que font des pays bien plus inégalitaires que le nôtre : 48% et 90% pour, respectivement, le Ciblage Progressif et le Revenu Universel, contre moins de 25% pour tous les exemples répertoriés dans le monde-la plupart couvrant moins de 15% de leur population (voir graphique ci-dessus). Ces différences montrent à quel point l'approche proposée par NABNI diffère fondamentalement de ce qu'a annoncé le Gouvernement. Les coûts des programmes proposés sont donc naturellement plus élevés qu'ailleurs : 2,4% et 5,5% du PIB pour, respectivement, le Ciblage Progressif et le Revenu Universel, contre moins de 1% partout ailleurs. Tout faire pour atteindre les plus pauvres : infrastructures de proximité, réformes complémentaires et campagnes de communication : " Les subventions : Eddiw'houm drahem ! "
Le besoin d'un effort administratif de proximité. L'expérience internationale a montré que ce qui est le plus difficile dans les programmes sociaux est d'atteindre celles et ceux qui en ont le plus besoin : les plus pauvres.
Un programme aussi célébré pour ses succès de réduction de pauvreté comme Bolsa Familia au Brésil, pourtant ciblé sur les plus pauvres, n'a pu atteindre que 70% des ménages du premier décile (les 10% les plus pauvres) alors que 40% des ménages bénéficiaires sont indus (plus riches que le plafond d'éligibilité). C'est dire l'effort administratif colossal que devra mettre en œuvre l'Etat au niveau local pour atteindre les plus pauvres, pour les deux options proposées par NABNI, même si les deux sont basées sur un système d'inscription déclaratif simple, sans exigence administrative particulière et sans exclusion à son lancement.
Il s'agira de renforcer les capacités administratives locales-notamment de densifier le réseau d'antennes de l'Agence de Développement social ; de s'allier avec des acteurs locaux-associatifs, éducatifs, religieux et autres ; et d'utiliser toutes les capacités administratives pour s'assurer que le programme inscrive tous ceux qui ont réellement besoin de ces transferts, même en prenant le risque d'inscrire initialement-pour ce qui est du Ciblage Progressif, beaucoup trop de ménages bénéficiaires indus. Ils seront progressivement exclus par la suite une fois que des informations fiables sur les revenus des ménages seront disponibles. Des réformes complémentaires qu'il est crucial d'accélérer. L'amélioration de l'inclusion financière devra accompagner la mise en place des transferts monétaires.
Le taux de bancarisation étant actuellement de 50%, il est nécessaire que chaque individu puisse posséder un compte bancaire, postal ou transactionnel. Ce dernier étant un compte offrant uniquement la possibilité de recevoir des virements et de retirer son argent (en liquide ou par carte de retrait) mais n'offrant aucun service financier tel que les prêts ou crédits. Ce service minimum peut être offert par des établissements non bancaires recevant des licences bancaires réduites, ainsi qu'une supervision allégée de la Banque d'Algérie. Une nouvelle législation bancaire devra être mise en place. Cela ne devrait pas poser de difficultés compte tenu des expériences réussies de pays comme la Jordanie qui ont mis en place de tels établissements. L'expérience du Revenu universel iranien ou de programmes de transferts monétaires à couverture large, ont montré combien ces programmes permettaient des bonds spectaculaires en termes d'inclusion financière des citoyens, notamment les plus pauvres. Par ailleurs, la carte nationale d'identité biométrique étant le sésame en matière d'identification des individus, il convient de s'assurer de sa généralisation, et d'utiliser cet identifiant comme base de développement d'un identifiant-ménages et d'une base nationale de données sociales des ménages (si l'option d'un transfert aux ménages était adoptée).
Le besoin de communiquer et d'expliquer la réforme. Une large campagne de communication sera nécessaire pour encourager l'adhésion au programme de transferts monétaires. Cette campagne devra également expliquer l'objectif de la réforme, et montrer combien les subventions de prix sont captées en grande partie par les ménages plus aisés ou des intérêts particuliers. Le lien entre la hausse des prix des biens subventionnés et les transferts monétaires devra être clairement communiqué, notamment par une campagne de communication autour d'un slogan parlant : " Les subventions, Eddiw'houm drahem ! ".
Appel à un débat national pour penser le " Chantier de la décennie 2020 " Le manque de transparence et les annonces contradictoires faites par le Gouvernement sur ce dossier reflètent indéniablement un manque de préparation et d'appropriation de cette réforme.
Tout laisse à croire que les autorités n'ont pas pris la mesure de l'étendue de ce type de chantier, qui, dans des pays comme le Brésil ou le Mexique a constitué le projet social phare de plusieurs mandatures présidentielles. Ce projet ne peut se réduire à des actions d'un Ministère de la Solidarité et de la Famille, d'une agence (l'ADS) ou d'une direction générale du Ministère des Finances. C'est un projet d'envergure nationale, qui va demander une mobilisation exceptionnelle de l'administration ainsi qu'un appui politique au plus haut niveau. C'est toute l'architecture du système de redistribution sociale de l'Etat algérien qui sera affecté, et il s'agit de construire la colonne vertébrale du nouveau système de redistribution.
L'approche actuelle du gouvernement et la communication autour de cette réforme indiquent clairement que le projet est loin d'avoir reçu ce statut. Nous appelons le Gouvernement à ouvrir le débat à une consultation nationale sur la question de la réforme des subventions et de notre modèle de redistribution sociale. Ce dossier stratégique doit être élevé au niveau du Chantier de la décennie 2020, et doit être pensé, débattu, conçu et équipé comme tel. Une institution nationale forte et équipée des meilleures expertises doit le mener. Ce chantier, au lieu de faire l'objet d'annonces presque mensuelles aussi légères que contradictoires, doit être porté de manière visible et engagée par le Chef de l'Etat et son Gouvernement, et bénéficier du plus grand appui politique. Car ce projet aura des répercutions profondes sur notre nation et le lien qui lie l'Etat aux citoyens.
Il ne s'agit pas moins de réinventer la nature de l'Etat social en vue de préserver notre idéal de justice sociale.
Enfin, cette contribution est un appel à un débat ouvert pour inventer notre propre modèle de transferts monétaires. Cette réforme, plus qu'un nouveau programme de transferts sociaux, se veut être la base d'une refonte de notre système de redistribution, pour plus d'équité et une meilleure couverture des plus nécessiteux. Elle mérite d'être élevée au niveau de " Chantier de la décennie 2020 ", et doit être pensée, discutée, équipée et portée comme telle.


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