Le gouvernement a annoncé le lancement, en 2019, dans une wilaya-pilote seulement, du premier jalon d'un programme de transferts monétaires ciblés, censé compenser les pertes de pouvoir d'achat issues des baisses des subventions. Mettant en garde face aux larges erreurs de ciblage des modèles dont s'inspire le programme envisagé, Nabni propose deux alternatives permettant de couvrir plus efficacement et plus rapidement les plus démunis, avec des risques d'exclusion moindres. En l'absence d'un système d'information exhaustif et de capacité adéquate, un programme de ciblage administratif et statistique classique, importé de contextes différents du nôtre, exclura beaucoup de ceux qui auront le plus besoin de ces aides. Le risque est aussi de retarder davantage la réforme des subventions, sous prétexte que nous ne serions pas prêts d'y aller. Sans attendre de disposer d'un système d'information fiable, nous proposons deux alternatives plus adaptées à nos besoins : Option 1. Un transfert pour tous les ménages déclarant un revenu inférieur à un certain plafond, couvrant les 40% des ménages les moins aisés, sur une base uniquement déclarative. Les bénéficiaires indus, certainement nombreux au début, seront progressivement exclus, à mesure que se développe un système d'information qui puisse les identifier. Cette option nous donne le temps (7 à 10 ans) de bâtir un système de ciblage fiable, en couvrant d'entrée, sans exclusion administrative arbitraire, la quasi-totalité des plus démunis. La seconde option va encore plus loin pour éviter la complexité et les erreurs inévitables du ciblage, et propose une approche novatrice de protection sociale : Option 2. Un revenu universel individuel, pour quasiment tous les citoyens, à l'exclusion des plus riches. Cette option est plus simple à mettre en œuvre, mais est environ deux fois plus coûteuse car couvrant presque toute la population. Dans la continuité de notre tradition universaliste de redistribution, elle pourrait aussi être mieux acceptée politiquement car elle n'exclurait que les plus riches. Plusieurs options de dimensionnement sont comparées grâce à un simple outil de simulation mis à la disposition du public. À l'inverse du programme annoncé par le gouvernement, chacune de ces deux options permettrait : 1. d'être généralisée dès 2019, en évitant de devoir disposer au préalable d'un système d'information de qualité ; 2. d'atteindre rapidement la quasi-totalité de ceux ayant le plus besoin de compensation, permettant de faibles erreurs d'exclusion des démunis ; 3. de réaliser très tôt des économies budgétaires ; et, 4. D'avoir le temps de construire, en parallèle, une base d'information exhaustive et fiable — future colonne vertébrale d‘un nouveau système national de protection sociale et de lutte contre la précarité. Cette contribution est aussi un appel à un débat ouvert pour inventer notre propre modèle de transferts monétaires. Cette réforme, plus qu'un simple transfert, se veut être la base d'une refonte de notre système de redistribution, pour plus d'équité et une meilleure couverture des plus nécessiteux. Elle mérite d'être élevée au niveau de "Chantier de la décennie 2020", et doit être pensée, discutée et équipée comme tel. Nabni détaillera ces deux options dans le prochain numéro de Nabni en toute liberté.