Face à une contestation sociale qui ne faiblit pas depuis près d'une semaine, le roi Abdallah de Jordanie a appelé mardi à "une révision complète" d'une réforme fiscale conseillée par le FMI et qui a déjà abouti à la démission du Premier ministre. Si les syndicats ont indiqué que la déclaration du roi était un pas "positif", ils ont lancé un appel à la grève mercredi, alors que de nouvelles manifestations sont attendues mardi soir, après la rupture du jeûne du ramadan, comme tous les jours depuis une semaine. "Le gouvernement doit lancer immédiatement un dialogue en coordination avec le Parlement et la participation des partis politiques, syndicats et organisations de la société civile pour finaliser le projet de loi sur l'impôt sur le revenu", a écrit le roi dans une lettre désignant le ministre de l'Education Omar al-Razzaz en remplacement du chef de gouvernement démissionnaire, Hani Mulqi. Il "doit procéder à une révision complète de la fiscalité (...) de manière à stopper l'imposition (...) injuste qui ne répond pas (au besoin) d'équité et d'équilibre" entre les classes sociales, a-t-il ajouté. Plus tôt, le souverain avait mis en garde contre un saut "dans l'inconnu" si la Jordanie --affectée par l'accueil de centaines de milliers de réfugiés fuyant la guerre en Syrie-- ne parvenait pas à résoudre la crise sociale qui a conduit à des manifestations inédites depuis le Printemps arabe en 2011.
"Manifestants pacifistes" Dans la nuit de lundi à mardi, malgré la démission du Premier ministre, environ 2.000 personnes se sont de nouveau rassemblées à Amman pour réclamer le retrait du projet de loi élargissant l'impôt aux salaires modestes et augmentant son taux pour certains particuliers et entreprises. Ils ont scandé des slogans contre le gouvernement et le Fonds monétaire international (FMI), qui pousse la Jordanie à des réformes structurelles en échange d'une bouée de sauvetage de 723 millions de dollars accordée en 2016 pour soutenir l'économie atone de ce pays de 10 millions d'habitants. Lors des rassemblements, les membres des forces de sécurité ont fait "usage de la force" pour disperser les manifestants, a déploré mardi l'organisation Human Rights Watch (HRW), en disant avoir été informée par des militants de l'arrestation de 12 personnes. Il est "crucial" que ces forces "agissent avec retenue et permettent aux manifestants pacifistes d'exprimer librement leurs demandes sans craindre des arrestations arbitraires ou des violences", a ajouté la directrice Moyen-Orient de HRW, Sarah Leah Whitson. Lors d'une conférence de presse, le président de la principale fédération syndicale, Ali al-Abbous, a de son côté appelé le nouveau Premier ministre à "ouvrir un dialogue constructif avec tous les acteurs (...) pour sortir de cette impasse". En attendant, la fédération a appelé à une grève mercredi de 09H00 (06H00 GMT) à 14H00 (11H00 GMT), comme le 30 mai dernier. Alliée des Etats-Unis, rare pays arabe à avoir signé un accord de paix avec son voisin israélien, la Jordanie a largement été épargnée par les mouvements de protestation du Printemps arabe.
Afflux de réfugiés Mais l'économie est à la peine --la Banque mondiale évoque une "faible perspective de croissance en 2018"--, 18,5% de la population est au chômage et 20% vit à la limite du seuil de pauvreté. Depuis janvier, le royaume a vécu plusieurs hausses de prix de produits de base, comme le pain. Le coût des carburants a augmenté à cinq reprises et les factures d'électricité ont enflé de 55%. Certaines de ces hausses sont dues à la fin des subventions publiques dans le cadre des réformes demandées par le FMI. Mais c'est un projet de réforme fiscale qui a donc mis le feu aux poudres. Il prévoit une augmentation d'au moins 5% des impôts pour les particuliers et impose désormais les personnes ayant un salaire annuel de 8.000 dinars (environ 9.700 euros). Les impôts des entreprises doivent augmenter de 20 à 40%. Malgré la démission du chef du gouvernement, ce projet n'avait pas encore été retiré et devait être examiné par le Parlement. S'exprimant tard lundi, le roi Abdallah a assuré que les problèmes économiques de son pays, frontalier notamment de la Syrie, de l'Irak, d'Israël et de la Cisjordanie occupée, étaient imputables à l'instabilité régionale, à l'accueil de centaines de milliers de réfugiés syriens et au manque de soutien international. L'accueil des Syriens ayant fui la guerre pèse lourdement sur les finances publiques et Amman appelle régulièrement la communauté internationale à une aide plus substantielle sur ce dossier.