L'Argentine, paralysée par une grève générale contre la baisse du pouvoir d'achat, a changé de gouverneur de sa Banque centrale, un signal sans doute destiné au Fonds monétaire international, avec lequel le gouvernement négocie un renforcement du plan d'assistance. A la surprise générale, le gouverneur de la Banque centrale de la République d'Argentine (BCRA), Luis Caputo, a démissionné après trois mois seulement à son poste, "pour raisons personnelles" selon un communiqué officiel. Le nouveau gouverneur de la Banque centrale, Guido Sandleris, jusqu'ici vice-ministre de l'Economie, est un proche du ministre de l'Economie Nicolas Dujovne que le FMI connaît bien : c'est lui qui a mené les négociations techniques qui ont abouti en juin à l'octroi d'un prêt de 50 milliards de dollars. "Il y avait une rumeur de démission depuis vendredi dernier. En raison de frictions entre le FMI et la Banque centrale. Et puis Caputo n'était pas un gouverneur définitif", estime un économiste argentin, Fausto Spotorno. "La priorité du gouvernement est un accord avec le FMI", souligne-t-il. Le FMI n'est pas étranger au départ de M. Caputo, relève l'économiste en chef de l'Institut management and fit Matias Carugati. "Je ne sais pas si le FMI a demandé son départ ou s'il a préféré démissionner plutôt que de travailler sur une ligne contraire à celle qu'il préconise, mais son départ est lié au nouvel accord avec le FMI", dit-il.
"Erreur de timing" Pour ce spécialiste, changer deux fois en trois mois de gouverneur de la banque centrale constitue "une erreur de timing, au milieu d'un contexte très incertain". Proche du président de centre-droit Mauricio Macri, Luis Caputo avait négocié début 2016 l'accord sur la dette avec les fonds "vautours" américains. Secrétaire aux Finances, puis ministre des Finances, il avait été nommé en juin gouverneur de la Banque centrale. Mais les tensions avec le FMI et le ministre de l'Economie Nicolas Dujovne ont eu raison de lui. La première tranche du prêt, de 15 milliards de dollars, a aussitôt été débloquée pour stabiliser la troisième économie d'Amérique latine et enrayer la crise du peso, qui depuis le début de l'année a perdu la moitié de sa valeur face au dollar. Le remplacement de M. Caputo par M. Sandleris met en évidence que "Dujovne se maintient comme le patron de l'équipe économique. En plus, (Sandleris) est quelqu'un qui a une bonne relation avec le FMI. Son arrivée à la BCRA devrait donner lieu à une politique monétaire plus proche à ce que veut le FMI", relève M. Carugati.
Manifestation contre le FMI Dans la rue, les manifestants ont justement dénoncé l'alignement de l'Argentine sur les politiques du FMI. "Nous sommes mobilisés car nous sommes contre la politique d'austérité du gouvernement et le FMI. Cela affecte nos salaires, et notre qualité de vie", se plaint Gabriela Vera, une enseignante participant au blocage d'un accès routier à Buenos Aires, dans le cadre de la grève générale. Mardi, les administrations et la plupart des commerces étaient fermés dans la capitale et les principales villes du pays, car ni autobus, ni métro, ni taxis ne circulaient. Dans les aéroports, les écrans affichaient que tous les vols étaient annulés. Le trafic aérien devait reprendre mercredi. La grève générale a eu lieu alors que Mauricio Macri se trouve à New York pour l'Assemblée générale des Nations unies et pour rassurer les marchés sur la politique qu'il a mise en œuvre pour faire face à la crise économique que traverse son pays. Le pouvoir d'achat des 41 millions d'Agentins a considérablement baissé. En 2018, l'inflation se situera au-dessus de 40%, la récession atteindra 2,4% et le chômage est en hausse.
Macri à New York pour rassurer La mobilisation contre le gouvernement et les coupes budgétaires a franchi un cap lundi en Argentine, avec manifestations et grève générale, alors que le président argentin tentait à New York de rassurer les marchés sur la santé économique de son pays. "Nous allons avoir davantage de soutien du FMI (Fonds monétaire international). Nous ne pouvons pas dire quand, car nous sommes en train de négocier", a déclaré le président de centre-droit Mauricio Macri, à New York pour rassurer les marchés sur l'économie argentine et s'entretenir mardi avec Christine Lagarde, directrice du FMI, en marge de l'Assemblée générale annuelle de l'ONU. Le gouvernement argentin est en négociation pour un aménagement du prêt de 50 milliards de dollars sur trois ans octroyé en juin par le FMI. La hausse des prix a atteint 25% sur les huit premiers mois de l'année et l'inflation annuelle devrait dépasser les 40%. Les Argentins y perdent en pouvoir d'achat et réclament que les salaires soient alignés sur l'inflation. La principale centrale syndicale d'Argentine, la Confédération générale du travail (CGT) a convoqué pour mardi une grève générale qui va paralyser Buenos Aires et les grandes villes du pays. Mardi, pas un métro, autobus ou taxi ne devait circuler, tous les vols au départ et à l'arrivée de l'Argentine ont été annulés, les administrations, banques et de nombreux commerces ont fermé lundi et ne devaient rouvrir que mercredi. Des files d'attente se formaient lundi soir devant les stations-services, avant 24 heures de fermeture.
"Non au FMI" "Mauricio Macri ne gouverne plus l'Argentine, chaque mesure qu'il prend, il doit consulter le FMI", dénonce Joaquín Noya, qui a manifesté lundi dans les rues de la capitale Buenos Aires. Pour Pablo Dufo, professeur d'histoire à Ituzaingo, une banlieue de Buenos Aires, "le gouvernement est insensible aux demandes de la population". Cet homme de 55 ans confie gagner 19.300 pesos par mois "et mon salaire n'a pas été revalorisé depuis de novembre 2017, se plaint-il. Alors je travaille comme chauffeur Uber". Non au FMI", "Non à l'ajustement", pouvait-on lire sur les banderoles, en tête du cortège. Pour stabiliser la 3e économie d'Amérique latine et enrayer la crise monétaire, qui a fait perdre la moitié de sa valeur au peso argentin, le gouvernement a scellé un accord avec le FMI dans lequel il s'engage à parvenir à l'équilibre budgétaire en 2019. De 6% en 2015, le déficit a été réduit à 3,9% en 2017 et devait être ramené à 2,7% en 2018.