La directrice générale du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, a indiqué jeudi qu'elle soutenait les réformes économiques en Argentine et qu'elle espérait arriver rapidement à un accord sur un programme de soutien du FMI demandé par Buenos Aires. Elle a rencontré jeudi à Washington le ministre argentin de l'Economie Nicolas Dujovne "pour discuter de la meilleure manière dont le FMI pourrait apporter son aide pour renforcer l'économie de l'Argentine à la lumière d'un regain de volatilité importante des marchés financiers", a déclaré Mme Lagarde dans un communiqué. "Le ministre et moi-même nous sommes mis d'accord sur le fait que notre objectif commun était de conclure rapidement ces discussions", a-t-elle ajouté, confirmant que les autorités argentines avaient fait une requête pour "un accord de confirmation" (ou Stand-By agreement). Ce type de prêt permet au Fonds "de répondre rapidement aux besoins de financement extérieur des pays et d'accompagner les politiques destinées à sortir des situations de crise et à rétablir une croissance durable", selon une fiche technique du FMI. Il peut durer jusqu'à trois ans maximum mais il couvre le plus souvent une période de un à deux ans. Il doit être remboursé dans les trois à cinq ans suivant le déboursement. Dans ce cadre, les pays ont accès "à un maximum de 145% de leur quote-part sur toute période de 12 mois, et à un maximum cumulé de 435% de la nouvelle quote-part sur la durée de vie du programme, déduction faite des remboursements". Mais le FMI peut aussi décider "un accès exceptionnel", c'est-à-dire de dépasser au cas par cas ces limites. Christine Lagarde ajoute avoir informé le comité de direction des progrès dans les discussions avec les autorités argentines et "avoir chargé les équipes du FMI de poursuivre les discussions en vue d'un programme appuyé par le FMI".
Spectre de 2001 Dans un communiqué séparé, le sous-secrétaire au Trésor américain en charge des affaires internationales, David Malpass, a salué les discussions de l'Argentine avec le FMI tout en soulignant que le Trésor suivrait "de près les développements" du dossier. Le président argentin Mauricio Macri avait annoncé mardi qu'il sollicitait l'aide financière du Fonds monétaire international pour contrecarrer les turbulences sur les marchés qui ont fait chuter le peso de plus de 7% en un jour, faisant redouter une nouvelle crise. Il y a 17 ans, en 2001, l'Argentine avait été secouée par la pire crise financière de son histoire, qui avait fait chuter successivement quatre présidents en dix jours et mené le pays au défaut de paiement, véritable traumatisme national. En 2006, le pays avait remboursé sa dette auprès du FMI, pour 9,6 milliards de dollars. Mais il avait ensuite suspendu pendant dix ans les missions du FMI dans le pays. Fin 2015, à l'arrivée au pouvoir du président de centre-droit Macri, favorable aux marchés, l'Argentine était revenue au change flottant, après des années de contrôle strict sous le gouvernement de Cristina Kirchner (centre gauche), qui surévaluait artificiellement le peso face au dollar. Repartie en 2017 sur le chemin de la croissance, l'Argentine espérait cette année contenir son inflation à 15%, mais la dévaluation risque de doper la hausse des prix alors que le peso a fondu de 10% face au dollar sur un mois.
L'Argentine appelle le FMI au secours Retour à la case FMI pour l'Argentine, 17 ans après son défaut de paiement de 2001: la troisième économie d'Amérique latine a entamé mardi des discussions avec cet organisme pour obtenir une ligne de financement alors que son peso est en chute libre. "De manière préventive, j'ai décidé d'entamer des discussions avec le Fonds monétaire international pour qu'il nous accorde une ligne de soutien financier", a annoncé le président Mauricio Macri lors d'une allocution télévisée. "Nous prenons le seul chemin possible pour sortir du blocage, en cherchant à éviter une grande crise économique qui nous ferait revenir en arrière et causerait du mal à tous", a-t-il ajouté. Sur un mois, le peso a fondu de plus de 10%. Mauricio Macri, au pouvoir depuis fin 2015, a indiqué avoir déjà eu une première conversation avec la directrice du FMI, Christine Lagarde, et cette dernière a souligné dans un communiqué que "l'Argentine est un membre important du Fonds monétaire international". "Les discussions ont été initiées sur la manière de travailler ensemble pour renforcer l'économie de l'Argentine et vont se tenir très rapidement", a-t-elle assuré. "Nous ne pouvons pas encore dévoiler les montants (demandés), mais nous nous sommes mis d'accord sur un soutien financier du FMI à l'Argentine", a indiqué le ministre de l'Economie, Nicolas Dujovne, dans une conférence de presse. "Dans cette étape des discussions, nous n'avons pas parlé des détails", a déclaré le ministre, avant d'ajouter: "Il faut tenir compte du fait que nous parlons avec un FMI très différent de celui que nous avons connu il y a 20 ans". Il y a 17 ans, plus exactement: c'est quand l'Argentine avait été secouée par le pire crise financière de son histoire, qui avait fait chuter successivement quatre présidents en une semaine et mené le pays au défaut de paiement, véritable traumatisme national.
"Nouveau scénario mondial" Longtemps honnie par une partie de la population argentine qui n'a pas oublié les sacrifices endurés, c'est pourtant cette institution qui est aujourd'hui appelée au secours. "Pendant les deux premières années (de mandat), nous avons eu un contexte international très favorable, mais ce contexte est en train de changer" et "nous sommes parmi les pays au monde qui dépendent le plus du financement externe", s'est justifié M. Macri. Selon lui, l'aide du FMI permettra de renforcer son "programme de croissance et développement, en nous donnant une meilleure base pour affronter ce nouveau scénario mondial et éviter une crise comme celles que nous avons eues dans notre histoire". Le peso argentin, qui à l'ouverture des marchés mardi chutait de 4,61% à 23,41 pesos pour un dollar, se reprenait légèrement peu après le discours présidentiel, à 23,06. La monnaie avait dégringolé de près de 5% la semaine dernière, sous l'effet notamment de la hausse des taux des bons du Trésor américain, obligeant la Banque centrale à relever son taux directeur à 40%, le niveau le plus élevé au monde. Mais un taux aussi astronomique peut affecter la croissance du pays, troisième économie d'Amérique latine derrière le Brésil et le Mexique, qui s'était redressée en 2017 à 2,8%, après une chute du PIB de 2,3% en 2016. "Il est certain qu'un taux plus élevé peut avoir un impact sur la productivité, même si cela dépend de combien de temps ça dure, mais l'Argentine a souffert de nombreuses crises par le passé, nous devons nous assurer que cela n'arrive plus", avait souligné le ministre Dujovne la semaine dernière. Après cette thérapie de choc, une autre mesure pour freiner la chute du peso est entrée en application lundi: elle force les établissements bancaires à remettre sur le marché une partie de leurs réserves de billets verts, environ 2 milliards de dollars. Mardi, la Banque centrale doit annoncer son taux directeur, qu'elle pourrait encore relever pour convaincre les Argentins de placer leur argent plutôt que d'acheter des dollars, monnaie refuge quand l'inflation est forte. Ce qui permettrait d'enrayer la dévaluation du peso. Le pays est confronté à une inflation élevée, de 24,8% en 2017, qu'il compte ramener à 15% cette année, mais le FMI se veut plus pessimiste, attendant 19,2%.
Les Argentins inquiets "Un déjà-vu qui rappelle des époques terribles": c'est ainsi que Mabel Chamatropulos, retraitée, perçoit la demande d'aide financière de l'Argentine auprès du FMI, ne pouvant s'empêcher de repenser, comme nombre de ses compatriotes, à la crise de 2001. "J'ai 66 ans et j'ai vécu beaucoup de crises financières dans ce pays", confie cette ex-employée de banque. Comme elle, beaucoup d'Argentins ont été surpris d'entendre mardi leur président Mauricio Macri annoncer qu'il sollicitait l'aide financière du Fonds monétaire international pour contrer les turbulences sur les marchés qui ont fait chuter le peso de plus de 7% en un jour. Dans la troisième économie d'Amérique latine, marquée par des crises cycliques combinant hyperinflation, dévaluation et gel des comptes bancaires, le FMI est presque un gros mot. "La réaction du gouvernement de recourir à l'aide du FMI fait revivre de vieux fantômes", explique Ricardo Rouvier, psychologue social et consultant. "Et le nom du FMI, au-delà du rejet qu'il suscite chez la majorité des gens, donne aussi l'impression que la crise est plus grave". Natacha, femme au foyer de 46 ans, est préoccupée. "J'espère que ça ne va pas être comme en 2001", quand l'Argentine était tombée en défaut de paiement, un épisode traumatisant pour des millions d'épargnants, qui avaient multiplié les manifestations aux sons des casseroles pour crier leur désespoir.
"Typiquement argentin" Fin 2015, à l'arrivée au pouvoir du président de centre droit Mauricio Macri, favorable aux marchés, l'Argentine est revenue au change flottant, après des années de contrôle strict sous le gouvernement de Cristina Kirchner (centre gauche), qui surévaluait artificiellement le peso face au dollar. Les Argentins ont arrêté d'acheter le billet vert sur le marché noir, alors omniprésent, pour ouvrir des comptes bancaires en devises. "L'Argentine, même si elle n'a pas légalement deux monnaies, y a recours de façon culturelle. Nous les Argentins, nous faisons nos transactions en pesos mais en réalité, nous pensons en dollars: c'est une monnaie d'épargne, de réserve, une monnaie qui sert en prévention de situations comme celle que l'on a actuellement", souligne Ricardo Rouvier. Dans son garage automobile à Buenos Aires, Juan Carlos Lissa, 64 ans, est d'accord avec lui. "Ce mois-ci, j'ai eu une baisse importante de clientèle. Et ce n'est pas seulement dans mon établissement, d'autres collègues me disent que c'est pareil chez eux. C'est quelque chose de typiquement argentin, quand le dollar commence à fluctuer l'Argentin met le frein sur les dépenses". "Le dollar a un grand impact sur la tranquillité" des habitants, dit-il. C'est pourquoi la chute du peso face au dollar et le recours au FMI font trembler la population. "La dette, c'est toujours nous qui finissons par la payer", soupire Juan Carlos. "La situation actuelle provoque dans la population de la peur, de l'incertitude et le souvenir de la crise de 2001. D'où la mauvaise humeur sociale", observe Ricardo Rouvier. Le gouvernement en est bien conscient et n'oublie pas l'échéance présidentielle cruciale de 2019. "Ce n'est pas vrai que l'Histoire se répète toujours", a souligné le chef du gouvernement Marcos Peña, assurant que le recours au FMI n'est qu'"une action préventive pour éviter qu'arrive l'impact d'une crise forte sur les foyers argentins". Le ministre de l'Economie, Nicolas Dujovne, insiste sur le fait que "nous parlons avec un FMI très différent de celui que nous avons connu il y a 20 ans. Le FMI a appris les leçons du passé, comme nous l'avons tous fait". Les Argentins sont nombreux à accuser l'organisme international d'avoir validé les politiques économiques des années 1990, qui ont mené à la faillite du pays. Mabel est sceptique: "Malheureusement, cela me fait penser aussi à la crise grecque. Quand ils disent que le FMI n'est pas celui d'avant, que veulent-ils dire? C'est lequel alors, celui qui a noyé la Grèce ces dernières années avec la troïka?"