La coalition populiste au pouvoir en Italie a exclu mardi toute modification de son budget 2019, malgré son rejet par la Commission européenne, une décision inédite dans l'histoire de l'UE. "C'est le premier budget italien qui ne plaît pas à l'UE. Cela ne m'étonne pas: c'est le premier budget italien qui a été rédigé à Rome et non à Bruxelles!", a lancé sur Facebook le vice-premier ministre italien, Luigi Di Maio, chef de file du Mouvement 5 étoiles (M5S, populiste). "Cela ne change rien (...) on ne retourne pas en arrière", a abondé son homologue Matteo Salvini, patron de la Ligue (extrême droite), l'autre parti de la coalition. Si les deux hommes forts du gouvernement italien se disent ouverts au dialogue, leurs déclarations laissent présager d'un long bras de fer avec Bruxelles. "Nous ne sommes pas face à un cas +borderline+ mais face à une déviation claire, nette, assumée et, par certains, revendiquée", a jugé mardi le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, pour justifier ce rejet. L'Italie dispose désormais de trois semaines pour présenter un budget révisé, selon les règles européennes. Dans le cas contraire, elle s'expose à l'ouverture d'une "procédure pour déficit excessif", susceptible d'aboutir à des sanctions financières correspondant, en théorie, à 0,2% de son PIB (soit 3,4 milliards d'euros en prenant les chiffres de 2017). "La balle est maintenant entre les mains du gouvernement italien", a lancé le vice-président de la Commission, Valdis Dombrovskis, regrettant que Rome aille "ouvertement, consciemment, à l'encontre des engagements pris".
"Respect du peuple La Commission marche sur un fil avec l'Italie, entre recherche de fermeté, afin de prouver sa crédibilité, et volonté de dédramatiser, pour éviter un choc frontal avec Rome qui affolerait les marchés et risquerait d'alimenter le populisme dans la troisième économie de la zone euro. "Ils ne sont pas en train de s'attaquer à un gouvernement mais à un peuple", a lancé M. Salvini en marge d'un déplacement en Roumanie, quand M. Di Maio en appelait au "respect" du "peuple italien". Signe de la tension avec Rome, un eurodéputé de la Ligue (extrême droite) a écrasé les notes de M. Moscovici avec sa chaussure à la fin de sa conférence de presse à Strasbourg. "Nous verrons si nous arrivons à persuader la Commission de la valeur nos choix", a commenté le président du Conseil italien, Giuseppe Conte. Bruxelles avait déjà pointé du doigt dans un courrier à Rome la semaine passée le dérapage budgétaire "sans précédent" de l'Italie depuis les nouvelles règles mises en place en 2013. Mais le gouvernement italien avait maintenu lundi ses prévisions. Alors que le précédent gouvernement de centre gauche avait promis un déficit public de 0,8% du PIB en 2019, Rome prévoit désormais d'atteindre 2,4% l'an prochain, puis 2,1% en 2020 et 1,8% en 2021. Quant à la dette publique, actuellement à quelque 131% du PIB, soit le ratio le plus élevé de la zone euro après la Grèce, Rome a promis de la ramener à 126,5% en 2021.
"Pas de panique" En gage de sa bonne volonté, le gouvernement italien avait assuré lundi qu'il respecterait à la lettre ces objectifs, sans creuser davantage le déficit ou la dette. Il avait aussi réaffirmé son attachement à l'UE et à la zone euro, assurant qu'il n'y avait "aucune chance" que l'Italie en sorte. Les échanges entre Rome et la Commission sont observés de près par les autres pays de la zone euro, soumis aux mêmes règles budgétaires. Klaus Regling, le patron du Mécanisme européen de stabilité (MES), une organisation de l'UE chargée de venir en aide aux pays de la zone euro en difficulté, s'est voulu mardi rassurant, estimant que l'Italie n'était "pas la prochaine Grèce". "Il ne faut pas paniquer (...) Le risque de contagion à d'autres pays est très limité", a-t-il estimé. La Bourse de Milan, qui avait anticipé l'annonce de Bruxelles, a clôturé en légère baisse, à -0,86%. Quant au spread, l'écart très surveillé entre les taux italien et allemand à dix ans, il atteignait 317 points mardi soir, contre 304 points la veille.