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Italie : Le budget de Rome irrite Bruxelles et inquiète les marchés
Publié dans Le Maghreb le 30 - 09 - 2018

La coalition populiste au pouvoir en Italie, en décidant d'un déficit à 2,4% du PIB sur les trois prochaines années, a provoqué vendredi l'irritation de Bruxelles et des tensions sur les marchés financiers.

Le taux d'emprunt italien s'est nettement tendu, tandis que la Bourse de Milan a perdu 3,7%, entraînée dans sa chute par les banques, dont les titres ont accusé des baisses de 7 à 9%. L'euro accusait lui aussi le coup face au dollar. Au terme d'un dur et long bras de fer avec le ministre modéré des Finances, Giovanni Tria, qui plaidait pour un déficit à 1,6% pour éviter toute tension, le Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème) et la Ligue (extrême droite), au pouvoir à Rome, ont obtenu gain de cause. Le déficit public atteindra 2,4% en 2019, alors que le précédent gouvernement de centre gauche visait 0,8%, et le même chiffre en 2020 et 2021.
L'accord a provoqué l'allégresse du M5S, qui a festoyé jeudi soir à Rome, et de la Ligue, qui estimaient nécessaire de pouvoir appliquer leurs promesses électorales, au premier rang desquelles un "revenu de citoyenneté" de 780 euros par mois pour les plus démunis, un système de retraites plus généreux et des baisses d'impôts. Mais ce projet de budget, qualifié de "raisonnable et courageux" par le chef du gouvernement Giuseppe Conte, fait sans surprise grincer des dents à Bruxelles, alors que l'Italie ploie sous une dette de 2.300 milliards d'euros. Le commissaire européen aux Affaires économiques Pierre Moscovici a d'ores et déjà estimé qu'il paraissait "hors des clous" des règles européennes. Qualifiant la dette publique italienne "d'explosive", il a estimé que les règles de la zone euro devaient "être respectées". "Les sanctions sont théoriquement possibles, car elles sont prévues par les traités. (Mais) je ne suis pas dans l'esprit des sanctions", a-t-il néanmoins assuré.
Le vice-Premier ministre italien Luigi Di Maio, chef de file du M5S, a assuré vendredi que Rome "n'avait pas l'intention d'aller au conflit" avec la Commission européenne: "Les préoccupations sont légitimes, mais ce gouvernement est engagé à maintenir le déficit à 2,4% pour trois ans". Mais M. Conte a déclaré vendredi après-midi que le budget italien ne cherchait pas "à répondre aux attentes d'un commissaire européen". Et Matteo Salvini, l'autre vice-Premier ministre en pleine ascension, s'est insurgé: "D'abord l'ONU qui veut nous envoyer les +inspecteurs antiracistes+, puis l'Europe qui menace de placer le gouvernement et les Italiens sous tutelle: maintenant ça suffit. Investir sur le travail, sur les jeunes, sur la lutte contre la pauvreté et sur les baisses d'impôts n'est pas seulement notre droit mais notre devoir".

"Sur le dos des jeunes"
"Nous voulons rembourser la dette et je peux vous assurer que la dette baissera", grâce à "la croissance économique inattendue" qui sera provoqué par le budget qui prévoit de forts investissements, a-t-il assuré.
Mais l'opposition n'y croit pas et a vivement dénoncé cet accord. Alors que la dette italienne représente quelque 131% du PIB, le ratio le plus élevé de la zone euro derrière la Grèce, le gouvernement expose "le pays à des risques incroyables (...) Tout cela pour financer un programme d'assistance", a fustigé une dirigeante de Forza Italia (le parti de Silvio Berlusconi), Mariastella Gelmini. "On est en train de parler de 100 milliards d'euros de déficit sur trois ans, sur le dos des jeunes", a critiqué le secrétaire du Parti démocrate (centre gauche), Maurizio Martino. Rome risque en outre une nouvelle flambée du "spread", l'écart très surveillé entre les taux d'emprunt italien et allemand, qui avait dépassé 300 points en mai en raison d'inquiétudes sur la politique à venir.
Peu avant 18H00 (16H00 GMT), le taux d'emprunt italien à dix ans évoluait autour de 3,136% contre 2,888% jeudi soir sur le marché secondaire, portant le "spread" à près de 267 points. Or, plus les taux grimpent, plus le coût de remboursement augmente pour l'Etat, ce qui réduit ses marges de manœuvre financières. Jack Allen, analyste à Capital Economics, estime que le taux à dix ans pourrait atteindre 3,5% d'ici à la fin de l'année, engendrant "des préoccupations sur la soutenabilité de la dette".
Avec des sondages en baisse, c'était le M5S qui avait le plus à perdre en cas de renoncement.
La Ligue, portée par les discours anti-immigration et sécuritaires de M. Salvini, ne cesse, elle, de grimper. C'est désormais le premier parti du pays avec quelque 32% des intentions de vote contre 17% en mars.

'Plus qu'un défi'
Or, l'Italie ploie déjà sous une dette de 2.300 milliards d'euros, ce qui représente quelque 131% de son PIB, le ratio le plus élevé de la zone euro derrière la Grèce.
Dans ce contexte, obtenir le feu vert de la Commission européenne, qui pestait déjà à chaque budget italien, malgré des circonstances atténuantes (immigration et tremblements de terre notamment) "sera plus qu'un défi", a souligné Jack Allen, analyste à Capital Economics, jugeant "peu probable" qu'elle le fasse. Le commissaire européen Pierre Moscovici a d'ores et déjà estimé vendredi matin que le budget italien paraissait "hors des clous" des règles européennes. M. Moscovici a qualifié "d'explosive" la dette publique italienne et estimé que les règles de la zone euro "doivent être respectées". "Les sanctions sont théoriquement possibles, car elles sont prévues par les traités. (Mais) je ne suis pas dans l'esprit des sanctions", a-t-il assuré.
Rome risque par ailleurs une nouvelle flambée du "spread", l'écart très surveillé entre les taux d'emprunt italien et allemand, qui avait dépassé 300 points en mai en raison d'inquiétudes sur la politique à venir.
Vers 08H45 (06H45 GMT) vendredi, le taux d'emprunt italien à dix ans a progressé à 3,084% contre 2,888% jeudi à la fin de la séance sur le marché secondaire, portant le "spread" à 260 points. Or, plus les taux grimpent, plus le coût de remboursement augmente pour l'Etat, ce qui réduit ses marges de manœuvre financières.
M. Allen estime que le taux à dix ans pourrait atteindre 3,5% d'ici la fin de l'année, engendrant "des préoccupations sur la soutenabilité de la dette". Interrogé sur d'éventuelles réactions négatives sur les marchés, M. Di Maio, qui est aussi ministre du Développement économique, a assuré que le chiffre de 2,4% était public "depuis plusieurs jours". "Nous expliquerons aux marchés qu'il y aura tellement d'investissements en plus et que nous pourrons ainsi faire croître l'économie comme nous le voulons", a-t-il dit. Avec des sondages en baisse, c'était le M5S qui avait le plus à perdre en cas de renoncement. La Ligue, portée par les discours anti-immigration et sécuritaires de M. Salvini, ne cesse, elle, de grimper. C'est désormais le premier parti du pays avec quelque 32% des intentions de vote contre 17% en mars.

Faire comme la France
D'âpres négociations ont lieu au sein de la coalition gouvernementale, composée du M5S et de la Ligue (extrême droite), en particulier avec M. Tria qui plaidait pour maintenir le déficit autour de 1,6% du PIB.
Selon la presse, il serait prêt désormais à accepter 1,8-1,9%, mais pas au-delà, contre 0,8% prévu par le précédent gouvernement de centre-gauche.
M. Di Maio n'a eu cesse de faire pression sur M. Tria, estimant que "la seule obligation était (le seuil de) 3%" imposé par l'UE. Evoquant le déficit français prévu (autour de 2,8%), il a souligné lundi que l'Italie était "un pays souverain exactement comme la France". Selon la presse, il militait dans les dernières heures pour 2,4% au minimum. Il a obtenu mercredi l'assurance de M. Tria que le revenu de citoyenneté de 780 euros, promesse phare de son parti, serait bien présent dans la loi de finances. L'autre vice-Premier ministre, Matteo Salvini, patron de la Ligue, s'est montré un peu plus modéré, mais a jugé jeudi "juste de dépasser les 2%". L'une des réformes portées par son parti est une "flat tax", un impôt sur les revenus limité à 15% et 20%.

Croissance en berne
La mise en œuvre de cette mesure coûteuse sera vraisemblablement étalée dans le temps, car M. Tria exige que toute dépense ou perte de recettes soit couverte.
Il craint une nouvelle flambée du "spread", qui avait dépassé 300 points en mai en raison d'inquiétudes sur la politique à venir.
Or, plus les taux grimpent, plus le coût de remboursement augmente pour l'Etat ce qui réduit ses marges de manœuvre financière. Une équation compliquée par une croissance moindre que prévu: 1% attendu en 2019 selon le FMI, 1,1% selon la Commission européenne. "La plupart des promesses électorales de la Ligue et du M5S ne devraient pas être présentes dans ce premier budget", d'autant que "le gouvernement doit trouver 13 milliards d'euros pour éviter une augmentation automatique de la TVA", rejetée par les deux partis, pronostique Nicola Nobile, expert à Oxford Economics.
Avec 28-29% des intentions de vote après plus de 32% des suffrages en mars, le M5S a le plus à perdre. La Ligue, portée par les discours anti-immigration et sécuritaires de M. Salvini, ne cesse, elle, de grimper. C'est désormais le premier parti du pays avec quelque 32% des intentions de vote contre 17% en mars.

Le budget "paraît aujourd'hui hors des clous"
Le commissaire européen Pierre Moscovici a estimé vendredi que le budget italien, qui prévoit un déficit public de 2,4% du PIB sur les trois prochaines années, "paraît hors des clous" des règles européennes. "C'est un budget qui aujourd'hui paraît hors des clous de nos règles qui sont communes", a déclaré le commissaire sur BFMTV et RMC, au lendemain de la décision du gouvernement italien de porter à 2,4% le déficit, contre 0,8% prévu par le précédent gouvernement de centre-gauche.
Dans sa première réaction après la décision de la coalition populiste au pouvoir en Italie d'accroître le déficit, le commissaire aux Affaires économiques et financières, qui a qualifié "d'explosive" la dette publique italienne, a assuré que les règles de la zone euro "doivent être respectées".
A environ 132% de son PIB, l'Italie affiche le ratio d'endettement le plus élevé de la zone euro après la Grèce.
"Ces règles ont un objectif commun à l'Italie, à la France, à toute la zone euro. Si la dette publique augmente, à ce moment-là, nous créons une situation instable pour le moment où la conjoncture se retourne", a-t-il prévenu.
M. Moscovici, qui avait qualifié il y a dix jours l'Italie de "problème" de la zone euro, souhaite désormais discuter avec les autorités italiennes, notamment avec le ministre modéré des Finances, Giovanni Tria, qu'il rencontrera lundi.
"Je ferai en sorte que, dans mon dialogue avec les autorités italiennes, qui va commencer maintenant (...), que l'Italie soit capable de rester dans l'esprit commun", a-t-il affirmé, écartant pour l'instant des sanctions.
"Les sanctions sont théoriquement possibles car elles sont prévues par les traités. (Mais) je ne suis pas dans l'esprit des sanctions", a-t-il assuré, avant d'ajouter: "faire de la relance quand on a une dette très élevée, cela finit par se retourner contre ceux qui le font". Le commissaire européen a rejeté toute comparaison entre l'Italie et la France, dont le projet de budget pour 2019 prévoit un déficit pourtant supérieur à 2,8% du PIB, en hausse par rapport au 2,6% attendu cette année. "Ne comparons pas le budget français et le budget italien. La situation est absolument différente", a assuré M. Moscovici. "La dette de la France n'est pas à 132%", a-t-il observé. Selon le dernier pointage rendu public vendredi, la dette publique française atteignait le ratio de 99% du PIB à la fin du deuxième trimestre. "Elle est soutenable, ce n'est pas un danger pour les finances publiques", a assuré M. Moscovici. "Il faut absolument la contrôler, la maîtriser, mais il faut retrouver le chemin de la réduction de la dette", a-t-il conseillé au gouvernement français. "Les choses vont dans le bon sens, parce que ce n'est pas du tout la situation italienne", a insisté le commissaire, réitérant toutefois son appel à la France à poursuivre la réduction de son déficit structurel. Le déficit italien annoncé est très au-dessus de 0,8%, un chiffre sur lequel s'était engagé le précédent gouvernement de centre gauche alors que Bruxelles demandait à Rome de le maintenir au plus bas et de réduire sa dette publique, le ratio le plus élevé en zone euro après la Grèce.


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