Le gouvernement populiste italien a promis samedi d'expliquer son budget 2019 vivement critiqué à Bruxelles, tout en répétant son engagement de maintenir le pays dans la zone euro, lors d'une conférence de presse à l'issue d'un Conseil des ministres. "Le plus important est d'expliquer le budget à nos interlocuteurs européens", a déclaré le chef du gouvernement Giuseppe Conte, alors que la Commission européenne a réclamé des "clarifications" avant lundi midi sur ce budget qui sort largement des clous européens. Le gouvernement Conte prévoit un déficit à 2,4% du PIB en 2019, contre 0,8% pour son prédécesseur, puis à 2,1% en 2020 (contre 0) et à 1,8% en 2021. Or, l'Italie ploie déjà sous une dette de 2.300 milliards d'euros, qui représente quelque 131% de son PIB, le deuxième ratio plus élevé dans la zone euro. "Le climat que nous avons en Europe est un climat de dialogue et de disponibilité et nous avons répété que nous étions confortablement installés en Europe", a pourtant estimé M. Conte. "Nous sommes convaincus de ne pas avoir gonflés nos chiffres", a-t-il ajouté, alors que les prévisions de croissance du gouvernement sont jugées beaucoup trop optimistes (1,5% en 2019 contre 1% prévu par la plupart des observateurs, dont le FMI). "Nous allons expliquer", a renchéri son vice-Premier ministre, Luigi Di Maio, chef de file du Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème), tout en martelant: "Il n'y a aucune volonté de quitter la zone euro et la monnaie européenne". Affirmation identique de la part de l'autre vice-Premier ministre, Matteo Salvini, patron de la Ligue (extrême droite): "Il n'y a pas et il n'y aura aucune proposition pour sortir de l'Union et du système de la monnaie unique". Les inquiétudes face au budget italien ont cependant poussé l'agence de notation Moody's à abaisser vendredi soir la note de l'Italie d'un cran, pour la faire passer de "Baa2" à "Baa3", le dernier niveau de la catégorie investissement. Dans la matinée, M. Salvini avait assuré que le gouvernement ne comptait pas se "laisser intimider par les agences de notation qui ont fait dans le passé des erreurs de jugement éclatantes et qui se trompent encore cette fois-ci". "L'Italie est un pays solide, les perspectives sont stables, les experts me disent que c'est cela qui compte", avait-il fait valoir. Le conseil des ministres a d'ailleurs été essentiellement consacré à établir une nouvelle version d'un projet d'amnistie fiscale qui a fait tanguer la coalition cette semaine. M. Di Maio, dont le parti s'est bâti sur une promesse d'honnêteté, a accusé "des petites mains" d'avoir rajouté un bouclier pour les auteurs d'évasion fiscale à l'étranger dans un texte validé lors du dernier conseil des ministres. La mesure a été supprimée samedi. "Nous avons tant d'adversaires à l'extérieur, qui ont tout intérêt à avoir une Italie précaire, à genoux et servile (...), que nous avons le devoir de nous entendre", a expliqué M. Salvini, tout en promettant que le texte protègerait malgré tout "des millions d'Italiens otages du fisc".
"Respecter les règles" Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a appelé dimanche l'Italie à respecter les règles de la zone euro en matière de déficit, et assuré que la France apporterait les précisions demandées par Bruxelles sur son propre budget. "Je dis à nos amis italiens que les règles sont les mêmes pour tous", a déclaré M. Le Maire lors de l'émission "Dimanche en politique" sur France 3, alors que Rome prévoit un budget 2019 qui sort largement des clous européens. "Nous avons fait un choix souverain, nous avons choisi souverainement d'avoir une monnaie commune", a-t-il poursuivi. "La contrepartie de cela, c'est que vous ne pouvez faire n'importe quoi. Vous devez respecter les règles parce que si jamais vous faites n'importe quoi, c'est ceux qui sont autour qui trinquent." Le gouvernement populiste italien prévoit un déficit à 2,4% du PIB en 2019, contre 0,8% pour son prédécesseur, puis à 2,1% en 2020 (contre 0) et à 1,8% en 2021. Or, l'Italie ploie déjà sous une dette de 2.300 milliards d'euros, qui représente quelque 131% de son PIB, le deuxième ratio le plus élevé dans la zone euro. Cette décision a valu à Rome de voir sa note souveraine dégradée par l'agence de notation Moody's, passée vendredi de "Baa2" à "Baa3", le dernier niveau de la catégorie investissement. Interrogé par ailleurs sur la demande de précisions de la Commission européenne sur le budget français, Bruno Le Maire a minimisé les choses en assurant que la France continuait à réduire son déficit. "Elle nous demande juste des précisions (...) Je veux rassurer tout le monde, ce n'est pas très grave, nous apporterons toutes les précisions", a-t-il déclaré. "Nous respectons nos engagements européens, nous réduisons les déficits, nous allons réduire la dette et nous pourrons grâce à cela réduire les impôts d'ici la fin du quinquennat, a-t-il poursuivi. Donc nous sommes dans la bonne voie et c'est grâce aux efforts des Français et je veux les en remercier." Les règles européennes imposent à la France de réduire ce déficit structurel à hauteur de 0,6 point de PIB en 2019. Or, selon le projet budgétaire présenté par Paris, cet effort ne dépassera pas 0,3 point l'an prochain. Le cas français est différent de celui de l'Italie, où il ne s'agit pas d'un effort insuffisant, mais d'une aggravation délibérée des dépenses et du déficit.
Moody's dégrade la note de l'Italie Par ailleurs, l'agence de notation Moody's a annoncé vendredi avoir dégradé la note de l'Italie, s'inquiétant d'une stabilisation et non d'une diminution de la dette publique au cours des prochaines années, une dégradation annoncée alors que Bruxelles a demandé des "clarifications" sur le budget 2019 du pays. La note passe de "Baa2" à "Baa3", signifiant que le pays est rétrogradé au dernier cran de cette catégorie qui précède la catégorie spéculative. Moody's a toutefois assorti cette note d'une perspective stable, signifiant qu'elle ne devrait pas dégrader cette nouvelle notation dans les six mois à venir. "Le ratio de dette publique de l'Italie va probablement se stabiliser autour de l'actuel taux de 130% du PIB dans les années à venir, plutôt que de commencer à diminuer comme Moody's le pensait" précédemment, a indiqué l'agence dans un communiqué. Elle note que la dette publique est d'autant plus problématique que les perspectives de croissance économique sont plus faibles. "Les projets de mesures budgétaires et économiques du gouvernement ne constituent pas un agenda cohérent de réformes qui pourront permettre de résoudre les problèmes de croissance décevante", commente-t-elle également. Moody's ajoute qu'à court terme également, "le stimulus budgétaire apportera un dynamisme à la croissance plus limité que ce que le gouvernement estime". Le projet de budget italien pour 2019 prévoit un déficit à 2,4% du Produit intérieur brut (PIB), très éloigné des 0,8% promis par le précédent gouvernement de centre gauche. Le dérapage italien est "sans précédent dans l'histoire du Pacte de stabilité et de croissance", a écrit la Commission dans un courrier où elle demande à l'Italie de lui présenter ses observations avant "le lundi 22 octobre à midi". Bruxelles pointe un risque de "non-conformité grave" avec les règles européennes, qui pourrait l'amener à rejeter ce budget, ce qui ne s'est encore jamais produit dans l'histoire de l'Union européenne.