Au troisième jour de sa comparution dans le procès du putsch raté de 2015 au Burkina Faso, le général Gilbert Diendéré a mis en cause les chefs de l'armée qui ont témoigné contre lui, devant le tribunal militaire de Ouagadougou. "Ils ne devaient pas venir en tant que témoins mais avec une autre qualité (...). Leur place est à côté de nous, dans le box des accusés", a lancé à la cour le général Diendéré, considéré comme le cerveau du coup d'Etat, mais qui le nie farouchement. Ancien chef du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l'unité d'élite de l'armée qui a perpétré le coup d'Etat, Diendéré est accusé d'atteinte à la sûreté de l'État, trahison et meurtres, lors du putsch manqué qui a fait 14 morts et 270 blessés en septembre 2015. La tentative de putsch s'était déroulée près d'un an après la chute du président Blaise Compaoré, renversé le 31 octobre 2014 par une insurrection populaire, après 27 ans au pouvoir, et remplacé par un régime de transition. Elle avait accentué la fracture au sein de la société burkinabè. Au total 84 accusés sont jugés par un tribunal militaire à Ouagadougou depuis le début du procès en février, dont un autre général, Djibrill Bassolé, ancien ministre des Affaires étrangères, également présent au procès. Toujours vêtu de son treillis militaire, piochant des documents dans une pile de dossiers à côté de lui, Gilbert Diendéré a estimé que toute la hiérarchie militaire était impliquée dans le coup d'Etat, comme l'ancien chef d'état-major général, le général Pingrenoma Zagré, et le secrétaire général du ministère de la Défense nationale, le colonel-major Alassane Moné. Alors que le parquet lisait les déclarations de ces responsables qui l'accablent, le général Diendéré a riposté, s'exprimant d'un ton ferme: "Ils ont eu le temps d'harmoniser leurs déclarations. Dans un premier temps, la hiérarchie militaire a été convoquée par le juge d'instruction mais ils ont refusé de se présenter. Il a fallu la pression populaire pour qu'ils se présentent plus de six mois après".
"Moi, j'assume" "Moi j'assume pleinement ma responsabilité, mais j'estime que pour une justice équitable, pour (rendre) justice à ceux qui sont morts, blessés, il aurait fallu que certaines personnes soient à cette barre", a déclaré le général, devant une salle seulement au trois-quarts pleine, alors que le public l'avait prise d'assaut lundi et mardi. Le parquet a présenté à l'audience une proclamation du coup d'Etat retrouvée dans l'ordinateur du général Diendéré. "Il est curieux que quelqu'un qui n'a rien préparé se rende au camp du RSP avec dans ses affaires un document de proclamation de coup d'État recensant les griefs contre la transition", a estimé le procureur militaire Alioune Zanré. "Je ne reconnais pas cette déclaration". "N'importe qui peut avoir introduit le document" dans mon ordinateur, a répondu Diendéré. Après l'audience, Me Ambroise Farama, avocat de la partie civile, a déclaré à la presse voir dans "cette déclaration est une des clés de l'énigme de ce coup d'État". Diendéré, surnommé "Golf" par les Burkinabè, a été pendant trois décennies, dans l'ombre, l'un des hommes forts du Burkina, bras droit de Blaise Compaoré. Il fut notamment son chef d'état-major particulier, après avoir longtemps dirigé le RSP, sa "garde prétorienne", et il était considéré comme un maître-espion dans toute l'Afrique de l'Ouest. Diendéré a catégoriquement nié lundi être à l'origine du coup de force raté de 2015, bien qu'il ait pris la tête du Conseil national pour la démocratie, organe dirigeant des putschistes, avant de rendre le pouvoir face à la pression populaire et à l'armée loyaliste. Mardi, il a déclaré ignorer qui a commandité le putsch. Depuis le début du procès, plusieurs sous-officiers qui ont perpétré le coup d'Etat l'ont cependant désigné lors de leurs comparutions comme le chef des putschistes.