C'est l'une des conséquences les plus graves de la guerre en Irak: plusieurs millions d'habitants ont fui à l'étranger ou se sont exilés dans leur propre pays depuis l'invasion de la coalition dirigée par les Etats-Unis en mars 2003. Le 6 août 2006, Ahmed Hassan, un chiite, n'a eu que quelques heures pour quitter sa maison avec sa femme et ses enfants et fuir son quartier de Bagdad avant l'arrivée de tueurs. "Je ne veux pas retourner chez moi pour le moment car j'ai déjà perdu ma maison et je ne veux pas perdre la vie", explique Hassan, qui s'est réfugié avec sa famille dans un autre quartier de la capitale.Quelque deux millions d'Irakiens ont fui à l'étranger depuis mars 2003, gagnant principalement des pays voisins comme la Jordanie et la Syrie, d'après le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). On compte également, selon le HCR, plus de 2,5 millions d'Irakiens déplacés dans leur propre pays, certains ayant abandonné leur foyer sous le règne de Saddam Hussein et les autres depuis le début de la guerre. Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), la plupart des déplacés internes ont fui leur domicile à cause de menaces directes sur leur vie. Malgré une réduction des violences confessionnelles depuis six mois, beaucoup reste à faire pour leur permettre de rentrer chez eux. Le fait d'être déplacé affecte de nombreuses manières les conditions de vie, note Karim Khalil, du Centre de surveillance du déplacement interne à Genève. Et de citer notamment "l'accès à la nourriture, à l'éducation, à la santé et aux services juridiques". Ahmed Hassan, son épouse et leur quatre jeunes enfants vivaient dans une maison héritée du père d'Hassan. Chiites et sunnites vivaient côte à côte dans son quartier de Jihad (ouest de Bagdad) avant que les violences confessionnelles ne commencent à ravager le pays en 2006. Hassan fut "condamné" à mort pour avoir rejoint une procession commémorant le martyre de l'imam Hussein, figure vénérée du chiisme. Des voisins sunnites l'ont informé le 6 août 2006 que des insurgés devaient arriver incessamment chez lui pour le tuer. Un ami l'a alors caché avec sa famille. Des hommes armés sont arrivés à la maison d'Hassan, et furieux de ne pouvoir le trouver, ont incendié le bâtiment. Toutes les économies de la famille, de l'argent en espèces qui se trouvait dans la maison, sont parties en fumée. De même que leurs biens: vêtements, meubles et tout ce qu'ils n'avaient pas emporté avec eux. Des parents ont pu les dépanner un moment. Hassan et sa famille ont ensuite trouvé une petite maison de seulement deux pièces à Sadr City, dans l'est de Bagdad, une habitation froide et humide, où ils vivent dans des conditions très précaires. Hassan, 40 ans, et son épouse, Amal Jassim, ont désormais six bouches à nourrir depuis qu'ils ont eu des jumeaux en octobre. Les deux nouveau-nés souffrent de la tuberculose. Il n'y a pas de chauffage dans la maison et Hassan n'a pas les moyens d'acheter du kérosène pour alimenter un poêle. L'essentiel du budget familial est consacré aux soins médicaux des bébés et à l'électricité. "Je dépends fortement de la générosité de personnes et d'une organisation pour assurer la survie de ma famille", souligne Hassan, qui est diabétique et sacrifie sa santé pour aider ses enfants. Il ne mange pas toujours à sa faim, comme ses enfants les plus âgés.