Alors que les Irakiens sont encore sous le choc de la désastreuse bousculade du pont de Baghdad, le numéro 2 d'Al Qaîda réitère son appel à porter «le djihad» en Occident. Moins d'un mois après un premier appel semblable lancé le 4 août dernier, le numéro 2 d'Al Qaîda, Ayman Al-Zawahiri revient à la charge et demande à nouveau à ses partisans de porter le «djihad» en Occident. De fait, l'appel d'Al-Zawahiri, ajouté aux «confessions» de l'un des kamikazes de Londres (voir article ci-dessus) remettent l'Irak au centre des questions de la rentrée politique en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. De fait, le Premier ministre britannique, Tony Blair, et le président américain, George W.Bush se trouvent plus que jamais -face à l'emballement des évènements- sur la défensive. Dans un enregistrement diffusé jeudi par la Chaîne qatarie Al-Jazeera, Al-Zawahiri donne sa «bénédiction» aux attentats de Londres, sans pour autant les revendiquer. «Cette conquête bénie a porté -comme ses (conquêtes) précédentes glorieuses à New York, Washington et Madrid- la guerre sur le territoire de l'ennemi qui avait porté durant de longs siècles la guerre dans notre territoire et après que ses forces eurent occupé notre territoire en Tchétchénie, en Afghanistan, en Irak et en Palestine», a indiqué le lieutenant de Ben Laden, faisant à l'évidence référence aux attaques du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis et celles du 11 mars 2004 en Espagne. Ne s'en tenant pas là, Al-Zawahiri, menace et avertit, par ailleurs, les peuples d'Occident, auxquels il impute la responsabilité de la politique de leurs dirigeants, de «faire exploser des volcans de colère dans leurs pays», soulignant; «Les territoires et les intérêts des pays qui ont participé à l'agression contre la Palestine, l'Irak et l'Afghanistan sont pour nous des objectifs. Quiconque cherche la sécurité est tenu de s'en éloigner». A la guerre «préventive» contre le terrorisme, menée par George W.Bush, Al Qaîda semble vouloir répliquer par une autre menée dans les territoires mêmes de l'Occident comme en témoignent les attentats meurtriers de septembre 2001, mars 2004 et juillet 2005 aux Etats-Unis, en Espagne et en Grande-Bretagne. C'est un peu la loi du talion, oeil pour oeil et dent pour dent, à laquelle se livrent deux arrogances aussi obstinées l'une que l'autre: celle du duo Bush-Blair qui font la pair avec leurs pendants Ben Laden-Al-Zawahiri. Et ce sont encore les peuples, qu'ils soient en Irak ou en Occident, qui en payent le prix fort. Quelques jours après la première menace d'Al-Zawahiri, le président américain, George W.Bush, comme en réponse à Al-Zawahiri déclarait en effet le 13 août à l'occasion de son allocution hebdomadaire: «Nous continuons de mener l'offensive en Irak, en Afghanistan et sur d'autres fronts de la guerre contre le terrorisme, luttant contre les terroristes à l'étranger pour ne pas avoir à les affronter chez nous». A Bush, qui veut ainsi se battre en Irak contre le terrorisme pour ne pas avoir à le faire chez lui en Amérique, Al-Zawahiri semble dire, estime l'expert arabe, Youssef Al-Serri: «Nous vous renvoyons votre marchandise de guerre préventive». Tony Blair non plus ne semble ni comprendre, ni admettre que l'invasion de l'Irak a induit l'actuel terrorisme lorsqu'il affirme, comme il le faisait le 5 août, qu'il est «totalement révoltant» de justifier le terrorisme par l'intervention en Irak, même s'il reconnaît que les «extrémistes» se servent de l'engagement de la Grande-Bretagne en Irak aux côtés des Etats-Unis pour « faire de nouvelles recrues ». Aussi, affirme-t-il «Quand ils (les extrémistes) essaient de justifier leurs actions par l'Irak, l'Afghanistan ou le conflit palestinien, c'est totalement révoltant». M.Blair ignore à dessein que le terrorisme était inconnu en Irak avant l'invasion de ce pays par les armées coalisées de Grande-Bretagne et des Etats-Unis. Mais aujourd'hui, la crainte récurrente, après la tragédie du pont de Baghdad, est que les menaces terroristes puissent devenir une arme plus dangereuse que n'importe quelle attaque kamikaze ou attentat à la voiture piégée. En effet, aucun attentat en Irak n'a fait autant de victimes (plus de 960) en une seule fois que n'en a fait la panique induite par la rumeur qui a coûté la vie à près d'un millier de personnes mercredi dernier. Aussi, beaucoup de spécialistes reviennent sur le désastre du pont de Baghdad et estiment que la rumeur pourrait enclencher à terme «un nouveau cycle pour le terrorisme», désormais «capable de tuer par la seule menace». Aussi, souligne le criminologue français, Xavier Raufer, co-auteur du récent ouvrage «L'énigme Al-Qaîda» «Le but du terrorisme, c'est de terroriser» et d'expliquer «Comme les Irakiens s'étaient quand même endurcis sous Saddam, il a fallu déclencher une campagne terrible de terrorisme pour bloquer tout dans la tête des gens et les faire céder à des réflexes de panique». Et l'expert de remarquer; «La campagne de terreur a porté ses fruits parce que, maintenant, la seule menace de l'attentat peut faire autant sinon plus de morts que l'attentat lui-même». Et ce n'est pas seulement en Irak que ce réflexe d'autodéfense joue, cela a été également le cas dernièrement à Londres après les attentats d'Al-Qaîda. De fait, le 20 mars 2003, en envahissant l'Irak, Bush et Blair ont ouvert la boîte de Pandore dont ils ne maîtrisent plus aujourd'hui les conséquences.