Le sulfureux Rachid Taha vient de publier Rock la Casbah une biographie cosignée avec Dominique Lacout. L'interprète de Ya Rayah, une reprise de la fameuse chanson de l'émigration paraphée dans les années 70 par Dahmane el Harachi, se raconte dans cet ouvrage sorti le 15 février dernier chez Flammarion. Grand lecteur, grand admirateur de Cow-boy, grand bourlingueur, Rachid Taha revient dans cet ouvrage premier du genre sur les artistes qui ont croisé sa route à l'image de nombreuses pop stars comme Steve Hillage, Brian Eno, Robert Plant, Carlos Santana, Mick Jones ou Patti Smith. Il revient également sur son enfance dans la bourgade de Sig à quelques kilomètres de la ville d'Oran où il a vécu jusqu'à l'âge de 10 ans avant de s'envoler avec ses parents à Lyon en France. Rock la Casbah est également un retour sur son adolescence, ainsi que les coulisses du show-business et de la politique. Le 15 novembre dernier, l'artiste faisait partie du jury du prix Constantin, une casquette qu'ont endossée bien avant lui des chanteurs comme Julien Clerc, Alain Bashung et Bernard Lavilliers. Ce titre n'est sûrement pas gratuit puisque rappelez vous, Rachid Taha avait repris en 1986 avec son groupe Carte de séjour, Douce France, la chanson populaire de Charles Trenet. Philipe Constantin le nom qui a été donné à ce prix qui récompense depuis cinq ans les espoirs de la chanson française, avait adressé dans un geste fort, “ aux députés sourds à la France en mouvement ”, la reprise de Douce France de Charles Trenet par Rachid Taha. Au début des années 80, Carte de séjour était né à Lyon. Le groupe d'un rock métissé travaillait alors avec les instruments électrifiés, le luth et la derbouka. Avec une voix au timbre râpeux, Rachid Taha, interprète les compositions du groupe qui puisent à la fois dans les racines du rock, du rythmn' blues et du chaâbi. Remarqués avec Zoubida et Rhorhomanie, produits -déjà- avec la collaboration de Steve Hillage, en pleine vogue du Rock The Casbah des Clash, les quatre garçons de Carte de séjour signent avec Barclay en 1986. En novembre de la même année, Charles Trenet et Jack Lang distribuent le 45 tours de Douce France sur les marches de l'Assemblée nationale, en plein débat sur le Code de la nationalité. Carte de séjour donne des concerts à Lyon, Paris, Berlin, Barcelone et Oran, mais le groupe se sépare en 1988. Rachid Taha entame alors une carrière solo avec Barbès en 1990, puis Rachid Taha en 1993 et poursuit un temps sa quête de nouveaux horizons techno rock avec Olé Olé en 1995. Déjà sur l'album de 1993, Ya rayah (L'Exilé) attendra 1997 pour connaître le succès irrésistible que l'on sait. La reprise de la chanson de Dahmane el Harrachi, signait le retour de Rachid Taha sur scène à Paris, Londres, Genève, Tunis, Beyrouth ou Istambul. Ses sons métissés et ses textes sans mots mâchés cherchent à faire la peau au racisme et à la soumission. Celui qui, en 1982, dans La Moda, bousculait les beurs qui se décoloraient pour rentrer dans les boîtes de nuit et préféraient le disco aux musiques de leurs racines joue un mélange de rock et de world-music et dénonce toujours les conformismes et l'intolérance de notre société. Sa devise ? Ne jamais changer de route à cause d'un nom, ne jamais changer de nom à cause d'une route. Rachid Taha a trouvé sa voix/e et ne cesse pas d'être fidèle à son identité. En 1979, Rachid Taha quitte le foyer familial et sillonne les routes de France, en V.R.P., pour placer des ouvrages de littérature française dans les maisons, derrière les portes. Puis il retrouve sa famille, qui a déménagé, dans la banlieue de Lyon. Rachid retourne chez elle et vit de petits boulots avant d'entrer à l'usine, en 1981. Mohammed et Moktar, ses collègues, jouent respectivement de la guitare et de la basse. Avec eux, Rachid Taha va se mettre à chanter. Alors que l'actualité est à l'immigration, le groupe trouve son nom : Carte de séjour. En 1982, aidée par un producteur, la formation sort un succès d'estime de quatre titres. Deux ans après, Carte de séjour sort son véritable premier opus : “Rhorhomanie ”, célébration du “ rhorhos ”, cette langue de la deuxième génération d'immigrés, née du français et de l'arabe. L'album, enregistré par Steve Hillage, ancien membre du groupe Gong, est un pont entre l'Orient et l'Occident. En 1986, deux et demi, le deuxième album paraît. La Douce France de Charles Trenet fait grincer des dents dans sa version arabisée, mais la reprise est un succès. Dans la Cité des Anges, les projets ne voient pas toujours le jour. Réalisée avec Don Was, du groupe Was, la maquette ne donne pas vie à un disque. Rachid Taha part se ressourcer loin des anges, sous le soleil de son Algérie natale. Là-bas, dans la chaleur de ses racines, il se remet à travailler. En 1991, Rachid Taha sort son premier album solo. L'actualité ne sert pas systématiquement la promotion médiatique. Barbès, mis à l'écart par les radios, souffre des répercussions de la guerre du Golfe. Pour le second album, Steve Hillage retrouve l'ancien leader de Carte de séjour et se charge de la production. Depuis 1993, “Rachid Taha ” devient plus mordant que jamais.