Certains responsables de la Banque centrale européenne (BCE) sont réticents à l'idée de modifier le discours de l'institution sur l'évolution future des taux d'intérêt car cela risquerait de lier les mains du prochain président de l'institution avant même sa nomination, a-t-on appris de quatre sources proches du dossier. Alors que l'économie de la zone euro montre des signes de ralentissement, le discours de la BCE en vigueur depuis l'an dernier, selon lequel elle s'achemine vers une hausse de taux, est de plus en plus déconnecté des anticipations des marchés. Mais ses dirigeants ont jusqu'à présent pris soin de ne pas donner d'indices sur l'évolution possible des taux après le départ du président, Mario Draghi, dont le mandat s'achèvera le 31 octobre. Cette attitude prudente suggère que la BCE optera en priorité pour d'autres mesures, comme des prêts à long terme aux banques de la zone euro, pour soutenir le crédit et l'activité, tout en conservant la possibilité de modifier son discours sur les taux si la conjoncture se dégrade encore. "Le fait de ne pas savoir qui sera le prochain président est vraiment la raison qui explique notre hésitation", a dit l'une des sources à Reuters. "Normalement, ce ne serait pas un problème mais Draghi est une personnalité tellement puissante qu'il est assez difficile de s'engager au-delà de son mandat." Le successeur de Mario Draghi doit être nommé après les élections européennes de la fin du mois de mai. Parmi les noms des personnalités données comme favorites pour prendre la présidence de la BCE figurent ceux de François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, et de Jens Weidmann, le président de la Bundesbank, dont les opinions en matière de politique monétaire sont très différentes. Ces divergences de vues compliquent la donne car le Conseil des gouverneurs de la BCE a pour tradition de s'aligner sur le discours du président, ses membres n'ayant pas pour habitude de contester publiquement celui-ci.
Prudence sur les signaux au-delà d'octobre "Mais nous sommes pragmatiques et nous prendrons la décision si c'est nécessaire", a dit une autre source. "Simplement, nous devons être très prudents en matière de signaux au-delà du 31 octobre tant que nous ne savons qui va arriver." Cette attitude prudente implique une probabilité faible d'un changement de discours lors de la prochaine réunion de politique monétaire, en mars, si la situation économique reste telle qu'elle est aujourd'hui, ont dit les sources. La BCE a refusé de commenter ces informations. La majorité des économistes interrogés par Reuters avant la réunion de politique monétaire du 24 janvier avaient dit s'attendre à une hausse du taux de dépôt (actuellement fixé à -0,40%) en décembre prochain alors que les contrats à terme sur les marchés monétaires n'intègrent aucun relèvement de taux avant la mi-2020. Mario Draghi a simplement pris acte de ces anticipations lors de sa conférence de presse du 24 janvier, renvoyant à la réunion de mars, lors de laquelle la BCE présentera ses nouvelles prévisions de croissance et d'inflation. L'assurance de Mario Draghi et sa tendance à prendre parfois des décisions sans recourir à des consultations larges et prolongées ont eu des avantages par le passé, notamment en 2012, en pleine crise de la zone euro, avec son discours promettant de défendre la monnaie unique "quoi qu'il en coûte" ("whatever it takes"). Mais ces traits de caractère risquent de devenir une contrainte à l'approche de la fin de son mandat, ont estimé plusieurs des responsables de la BCE interrogés. Mardi, l'euro cédait un peu de terrain face au dollar vers 13h40 GMT, autour de 1,1420. Sur le marché des emprunts d'Etat, les informations de Reuters sur le recours possible à de nouveaux prêts à long terme aux banques (TLTRO) ont brièvement favorisé la baisse des rendements obligataires italiens: celui des emprunts d'Etat italiens à dix ans est revenu à 2,735% avant de remonter à 2,762%.