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Accord de pêche Maroc-UE : Le Tribunal européen ordonne à l'UE de respecter le droit international
Publié dans Le Maghreb le 16 - 02 - 2019

Le Tribunal européen a réitéré dans une ordonnance, mardi, le jour-même du vote du Parlement européen sur l'accord de pêche Union européenne-Maroc incluant illégalement les territoires sahraouis occupés, le droit inaliénable du peuple sahraoui à l'autodétermination, demandant à l'UE de se conformer aux règles de droit international qui lient l'UE au Royaume du Maroc.

La jubilation marocaine au vote par le Parlement européen sur l'accord de pêche UE-Maroc élargi au Sahara occidental, aura été de très courte durée, une ordonnance du Tribunal européen, dont l'APS s'est procurée une copie, est venue livrer un avant-goût des péripéties juridiques auquel ce texte succombera fatalement.
Les juges du Tribunal européen ont souligné, en effet, à travers une ordonnance, de manière claire et précise, le droit inaliénable du peuple sahraoui à l'autodétermination.
Cette mise au point opportune dont la date symbolique de publication, intervient le jour-même où le Parlement européen a cautionné un accord contraire aux décisions de la Cour de justice de l'UE (CJUE) de décembre 2016 et février 2018.
L'ordonnance du tribunal de l'UE, établie par la cinquième chambre, porte sur le recours introduit par le Front Polisario en vue de l'annulation de la décision du Conseil de l'Union européenne du 16 avril 2018, autorisant l'ouverture de négociations avec le Maroc en vue de la modification de l'accord de pêche UE-Maroc et de la conclusion de son protocole de mise en œuvre.
Dans la présente décision, la juridiction européenne a opté pour un rappel des fondamentaux de la question du Sahara occidental, avant de réitérer la substance des arrêts pertinents la CJUE dans le cas d'espèce, et d'en tirer les conclusions "au regard du contenu de la décision attaquée".
En vue d'écarter toute interprétation biaisée de cette ordonnance, le Tribunal européen a stipulé dès le tout premier paragraphe, que "le Sahara occidental est un territoire inscrit par l'Organisation des Nations unies (ONU) en 1963 sur la liste des territoires non autonomes au sens de l'article 73 de la charte des Nations unies et sur laquelle il figure toujours à ce jour".
De même, l'ordonnance du Tribunal de l'UE a indiqué dans son paragraphe 30 que "le peuple sahraoui est à regarder comme jouissant du droit à l'autodétermination" et comme étant un "tiers" au sens du principe de l'effet relatif des traités (arrêt du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario, C-104/l6 P).
Examinant l'objet de la décision du Conseil de l'UE attaquée par le Front Polisario, à savoir la renégociation de l'accord de pêche UE-Maroc, le Tribunal a rappelé dans ce contexte le contenu de son ordonnance datant du 19 juillet 2018 qui avait considéré que "l'accord de partenariat et le protocole de 2013 devaient être interprétés, conformément aux règles de droit international qui lient l'Union européenne et qui sont applicables dans les relations entre celle-ci et le Royaume du Maroc en ce sens que tout comme le territoire du Sahara occidental, les eaux adjacentes à ce territoire ne relevaient pas des champs d'application territoriaux de cet accord et de ce protocole".
Cette portée géographique bien limitée a conduit le Tribunal à retenir l'"exception d'irrecevabilité", invoquée par le Conseil de l'UE et appuyée par la France et la Commission européenne, dans la mesure où la décision attaquée n'a pour objet que de désigner le négociateur de l'Union européenne, à savoir la Commission européenne, sans produire d'effets, directement et individuellement, sur la situation juridique du requérant, en l'occurrence le Front Polisario.
L'ordonnance du Tribunal européen donne un signal clair de ce que seront les prochaines batailles juridiques en indiquant dans son paragraphe 30 qu'"il n'en demeure pas moins que toute affectation éventuelle de la situation juridique du requérant est à apprécier au regard du contenu de l'accord sur lequel déboucheront les négociations entamées en vertu de la décision attaquée".

Le vote du PE compromet les efforts de paix de l'ONU
Des eurodéputés du groupe des Verts/Alliance libre européenne (ALE) ont dénoncé mardi le vote du Parlement européen sur l'accord de pêche UE-Maroc incluant les territoires sahraouis occupés, affirmant que ce texte enfreint le droit international humanitaire et compromet les efforts de paix des Nations unies dans la région.
S'exprimant suite au vote du Parlement européen mardi en faveur de l'accord de pêche entre l'Union européenne et le Maroc, les eurodéputés des Verts/ALE ont déclaré que cet accord est contraire au droit international et aux décisions de la Cour de justice de l'UE (CJUE) qui avait statué en février 2018 et en décembre 2016 que les accords entre l'UE et le Royaume marocain ne pouvaient être applicables au Sahara occidental, désigné comme territoire "distinct" et "séparé" de celui du Maroc.
Assurant que "la grande majorité" des opérations de pêche prévues dans le cadre de cet accord auront lieu dans les eaux territoriales du Sahara occidental occupé par le Maroc, les eurodéputés des Verts/ALE ont affirmé avoir introduit le 6 février dernier une proposition de résolution sollicitant l'avis de la CJUE sur l'accord Maroc-UE avant son adoption par le Parlement en se référant aux dispositions du règlement intérieur qui permet cette procédure.
"Malheureusement, le Parlement européen a voté en faveur de la poursuite de l'accord de pêche Maroc-UE sans exiger l'avis préalable de la CJUE", ont déploré les députés du groupe des Verts/ALE, précisant en outre que "90% de la pêche concernée par le présent texte aurait lieu au large des côtes du Sahara occidental occupé".
La vice-présidente de la Commission de la pêche et membre du Parti de l'environnement les Verts, Linnéa Engstrom, a souligné dans ce contexte, que "l'accord UE-Maroc viole le droit international humanitaire et compromet les efforts de paix des Nations unies dans la région", ajoutant que "la Commission européenne marque de sa légitimité l'occupation illégale du Sahara occidental par le Maroc et l'accès aux riches zones de pêche du Sahara occidental".
La parlementaire suédoise a relevé, en outre, que "cet accord conclu sans le consentement de la peuple sahraoui est en violation directe de la décision de la CJUE", estimant qu'"il est temps que l'UE élabore une politique de la pêche plus adaptée que celle qui tire profit de conflits non résolus".
De son côté, la députée Bodil Valero, porte-parole du groupe des Verts/ALE pour les droits de l'homme a préconisé que l'accord de pêche Maroc-UE devrait faire l'objet d'un examen "approfondi" par la plus haute juridiction de l'Union européenne au Luxembourg.en dépit du fait de son adoption par le PE.
"L'argent des contribuables européens ne devrait pas servir à saper le droit international, a-t-elle plaidé, tout en mettant en garde contre "la soumission de l'Union européenne aux gouvernements autoritaires qui méconnaissent les droits de l'Homme, attaquent le droit international et le multilatéralisme".

La non-conformité de l'accord vis-à-vis de la législation dénoncée
L'eurodéputé du groupe des Verts/Alliance libre européenne, Florent Marcellesi, a interpellé la Commission européenne sur la non-conformité à la législation européenne de l'accord UE-Maroc étendu au Sahara occidental occupé, exprimant la "profonde préoccupation" des députés vis-à-vis de ce texte qui aura des "implications négatives" sur les consommateurs de l'UE, "trompés" et "induits en erreur" sur l'origine des produits.
S'exprimant dans une lettre adressée mardi aux commissaires européens, en l'occurrence Vera Jouvá, chargée de la justice, de la protection des consommateurs et de l'égalité des genres et à Vytenis Andriukaitis, chargé de la santé et de la sécurité alimentaire, l'eurodéputé des Verts a exprimé la "profonde préoccupation" des parlementaires des Verts/Alliance libre européenne quant à l'accord Maroc-UE qui aura, selon lui, des "implications négatives pour les consommateurs de l'UE".
S'appuyant sur la législation européenne et les rapports des fonctionnaires de la Direction générale de la fiscalité et des douanes européennes (DG TAXUD), Florent Marcellesi a souligné que "les produits en provenance du Sahara occidental occupé concerné par l'accord seront indiqués comme originaires du Maroc, ce qui constitue, a-t-il signalé, "une tromperie" et "une incapacité de la Commission européenne à défendre les intérêts des consommateurs européens".
"Selon l'article 26 de l'UE, Règlement 1169/2011, l'indication du pays d'origine ou du lieu de provenance d'un produit doit être obligatoire", a rappelé l'eurodéputé, dénonçant le fait que de telles "omissions trompeuses, causent ou sont susceptibles d'amener le consommateur à prendre une décision radicale".
Rappelant que la Commission européenne avait déjà confirmé cette obligation d'indiquer avec précision l'origine des aliments dans leur réponse à une pétition du Parlement en février 2017, M. Marcellesi a souligné dans ce contexte que l'accord Maroc-UE qui est "sur le point d'entrer en vigueur n'est pas conforme à la législation de l'UE, notamment en ce qui concerne la protection et la défense des intérêts des consommateurs".
"Les consommateurs de l'UE seront induits en erreur par la mise en œuvre de la Accord de pêche UE-Maroc qui doit être soumis à l'adoption en ce mois de février étant donné que les produits du Sahara occidental couverts par cet accord seront assimilés aux marocains", a relevé à l'occasion l'eurodéputé des Verts.

Des réponses officielles exigées de la part de la Commission
"Comment les consommateurs européens, notamment espagnols, seront-ils en mesure d'identifier d'où proviennent véritablement les produits de la pêche d'origine marocaine. Ce risque de tromper les citoyens européens, y compris mes électeurs, constitue une profonde méfiance à l'égard de la volonté et de la capacité de l'UE à défendre leurs droits fondamentaux en tant que consommateur", a fait observer encore M. Marcellesi.
Formulant plusieurs interrogations sur la faisabilité de cet accord, qu'il a qualifié d'"illégal" vis-à-vis du droit européen et international, l'eurodéputé a réclamé des réponses officielles de la part des commissaires européens sur la conformé et la compatibilité de ce texte avec la législation actuelle de l'UE en matière de protection des consommateurs, et en particulier avec les dispositions du règlement 1169/2011 et de la directive 2005/29.
Le Parlement européen, a adopté, le 16 janvier dernier, lors d'une session plénière l'accord UE-Maroc incluant les produits originaires du Sahara occidental occupé, à l'issue d'un processus entaché d'"irrégularités" et de non-respect des arrêts émis par la Cour de justice de l'Union européen (CJUE) qui avaient statué sur le caractère "distinct" et "séparé" du territoire du Sahara occidental, et par conséquent l'inapplicabilité dudit accord à ce territoire.
Des parlementaires du Groupe des Verts/Alliance Libre européenne avaient appelé, à son rejet "sans réserve", exigeant que la CJUE émette un avis avant tout vote sur ce texte.
L'accord commercial Maroc-UE "va à l'encontre du droit européen et du droit international, il a été négocié sans le consentement du peuple autochtone sahraoui et fait suite à un grave scandale de conflit d'intérêts impliquant, entre autres, l'ancienne rapporteur Patricia Lalonde du Groupe ALDE et Gilles Pargneaux du Groupe S & D", avait dénoncé dans un communiqué le groupe des Verts / ALE.
Le ministre délégué pour l'Europe du Front Polisario, Mohamed Sidati, a dénoncé, de son côté, "l'odieuse campagne" orchestrée par le Commission européenne pour faire passer l'accord avec le Maroc, affirmant qu'elle a cautionné "un crime de pillage et un hold-up au sens propre du terme contre un Etat membre de l'Union africaine (UA)".


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